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Le Liban en 2016 - Rétro 2016

Culture : 2016, l’année de tous les paradoxes

Les hivers se suivent et se ressemblent un peu. Chaque année charrie son lot de drames à l'échelle mondiale, régionale ou locale. On pourrait disserter longtemps sur les menaces de plus en plus tenaces, de plus en plus vivaces, sur les catastrophes sécuritaires, économiques, humanitaires, écologiques ou climatiques. Et dire que la culture est là pour sauver le monde. Mais non. Arrêtons le leurre. L'art n'est pas là pour faire la guerre. Il ne l'a jamais été. Il ne le pourra jamais. Sortir sa culture face à un revolver ? Au meilleur des cas, une encyclopédie bien fournie pourrait faire ricocher une balle. Peut-être deux. Sans plus. Les gens les plus cultivés font parfois les pires dictateurs. Les plus grands collectionneurs d'art sont parfois les plus grands détrousseurs de portefeuilles.

À quoi servent l'art et la culture, alors ? Interrogation vaine en réalité, car la question la plus juste est désormais la suivante : pouvons-nous vivre sans ces deux piliers d'une civilisation ?

Pour rompre le fil de l'inquiétude, ne serait-ce qu'un instant, réjouissons-nous du faste culturel entrepris.
À commencer par cette initiative en guise de serment ou de profession de foi, lancée par L'Orient-Le Jour et la Société Générale de Banque au Liban : la Génération Orient. Cette génération d'artistes entre 18 et 35 ans, sélectionnés par l'équipe culturelle du journal, et qui nous fera rire et nous fera pleurer. Elle nous fera réagir et penser. Et réfléchir. Elle donnera, surtout, cette lueur d'espoir dont notre pays a tant besoin.
Un peu plus loin, outre les festivals de l'été et celui de Bipod qui ont bien mené la danse, 2016 retiendra plusieurs dates. Un : pour la première fois, le site de Baalbeck, classé au patrimoine mondial de l'Unesco, a accueilli une exposition d'art contemporain, The Silent Echo, qui a colonisé son musée archéologique, ainsi que le temple de Bacchus. Deux : Nadine Begdache et Randa Daouk, respectivement curatrice et initiatrice de Bi Tassarrof, ont monté cette exposition qui entrouvrait, enfin, les portes de la Bibliothèque nationale en phase finale de réhabilitation. Trois : l'équipe d'Art in Motion, qui a réussi avec panache à déplacer l'art dans la rue, plus précisément dans le jardin René Moawad (anciennement Sanayeh). Rania Tabbara, Rania Halawi et Raya Farhat : vivement que cette initiative se répète. Quatre : après quelques années d'interruption due aux travaux de réaménagement, l'événement phare de la scène artistique libanaise réintègre le musée Sursock pour un Salon d'automne et une cuvée de 52 œuvres conjuguant renouveau et tradition. Cinq : le théâtre al-Madina a célébré ses 20 ans. L'occasion, pour sa directrice-fondatrice, Nidal Achkar, de rassembler dans une fiesta comme elle les aime les grands noms du métier. Six : après une semaine de design conjuguée à plusieurs temps, un festival du spectacle Sidewalks mené tambour battant par la merveilleuse troupe Zoukak, la Beirut Art Fair était portée par 2 grands axes : Lebanon Modern, qui célèbre des artistes femmes libanaises entre 1945 et 1975, et Revealing, qui mettait en lumière les œvres de jeunes talents prometteurs du Liban et de la région.

Mais en 2016 aussi, la fermeture du Beirut Exhibition Center a laissé un grand vide. Fin de chapitre également pour la librairie al-Burj en mars dernier. Le rideau du théâtre Babel est lui aussi définitivement tiré. Triste sort. Par ailleurs, l'ouverture de Dar el-Nimr et de la galerie Saleh Barakat ont ramené la foule artistique à la rue Clemenceau. Les migrations sont aussi culturelles...

Les hivers se suivent et se ressemblent un peu. Chaque année charrie son lot de drames à l'échelle mondiale, régionale ou locale. On pourrait disserter longtemps sur les menaces de plus en plus tenaces, de plus en plus vivaces, sur les catastrophes sécuritaires, économiques, humanitaires, écologiques ou climatiques. Et dire que la culture est là pour sauver le monde. Mais non. Arrêtons...