La formation du gouvernement se heurte plus que jamais à des visions profondément divergentes: le président Michel Aoun insiste pour avoir un cabinet « consensuel », dans la mesure du possible « harmonieux », mais surtout « performant », alors que le tandem chiite œuvre pour la mise en place d'une équipe dite d' « union nationale ».
En somme, ce ne serait pas tant la taille du gouvernement – la formule de 24 quatre ou 30 ministres – qui aurait fait capoter, mercredi, l'annonce de la naissance du gouvernement, que la première mouture soumise au chef de l'État par le Premier ministre désigné, Saad Hariri. Selon des sources concordantes, ce dernier a présenté une formule de 24 en laissant ouverte la possibilité d'un gouvernement de trente, dans lequel le tandem chiite réclame cinq portefeuilles en plus d'un ministre d'État et suggère que soient confiés à trois personnalités chrétiennes, issus des Kataëb, du PSNS et des FL (à Michel Pharaon, proche de cette formation), des ministères sans portefeuille.
Une formule aussitôt rejetée par les deux partis chrétiens concernés et, de toute évidence, par le chef de l'État. Pour M. Aoun, le principe de la distribution des six ministères additionnels sans portefeuille dans le cadre de la formule de 30, notamment à des partis ou formations qui n'ont pas leur équivalent en termes de poids et de représentation politique, entendre le PSNS et le Parti démocrate libanais de Talal Arslane, « n'est pas non plus acceptable », dit-on de sources proches du parti Kataëb.
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Le président a également objecté le fait que les Kataëb ne se sont pas vu attribuer un portefeuille, un point sur lequel il insiste et sur lequel il aurait déjà convenu avec cette formation au préalable. C'est ce que confirme le ministre démissionnaire Alain Hakim qui tient à souligner à L'OLJ que sa formation « ne boude aucun ministère en particulier, tous étant d'une importance égale. Nous souhaitons toutefois que soit pris en compte le poids populaire et la représentation parlementaire du parti ».
C'est d'ailleurs un engagement que leur aurait fait le chef de l'État qui, poursuit M. Hakim, compte sur la « contribution des Kataëb au chantier de réformes et de lutte contre la corruption dans lequel nous nous sommes déjà lancés depuis un moment ».
M. Aoun aurait par ailleurs contesté la présence sur la liste de M. Hariri de « certains noms et de certains profils qu'ils a passés au peigne fin », assure encore M. Hakim. Et pour cause: le chef de l'État, qui vise à écarter autant que possible tout risque de blocage ou de paralysie, œuvre dans la perspective de la formation d'une équipe qui puisse faire preuve de cohésion dans la mesure du possible, d'autant qu'il a sur son menu des défis de taille: la lutte contre la corruption, la relance de l'économie et le chantier des réformes avec en tête l'adoption d'une nouvelle loi électorale, dont la promotion a été confiée au député Alain Aoun.
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Ce dernier n'a pas manqué de rappeler hier que ses tournées à la tête d'une délégation du Courant patriotique libre auprès des différents blocs parlementaires ont redonné la priorité à la loi électorale, afin d'éviter que la loi de 1960 ne soit adoptée comme un fait accompli.
Un principe que ne cessent de répercuter l'ensemble des protagonistes dans des discours successifs, mais qui ne reflète pas nécessairement les véritables intentions des uns et des autres. C'est un autre son de cloche que l'on entend toutefois à Aïn el-Tiné où l'on estime que le principe de l'adoption d'une nouvelle loi sur la base d'un mélange entre proportionnelle et majoritaire, « déjà avalisé par plusieurs parties », est la seule chose « quasiment acquise ». Encore faut-il passer à l'acte.
Dans les milieux proches du président du Parlement, Nabih Berry, le scepticisme est cependant à l'œuvre pour ce qui est d'un accord prochain sur le gouvernement.
En matière de gouvernement, c'est le retour, non pas à la case départ, mais à la case numéro 2, assure-t-on de mêmes sources, en avançant toutefois des raisons autres pour justifier l'avortement, mercredi, de la première tentative de naissance de l'exécutif. Dans ces milieux, on fait assumer la responsabilité au chef de l'État qui « a avancé des noms inacceptables par le Premier ministre, à la limite de la provocation ». Entendre notamment le nom de Salim Jreissati, fervent opposant du Tribunal spécial pour le Liban, souhaité par M. Aoun au ministère de la Justice. Autre obstacle évoqué: les demandes en chaîne et de plus en plus insatiables des « petites » formations, dans le cas de figure d'un gouvernement de trente. Autrement dit, si les Kataëb briguent un portefeuille, le PSNS mais aussi le Parti démocrate libanais de Talal Arslane réclameront à leur tour le même traitement. On n'est pas sorti de l'auberge.
« Le fait que l'élection de M. Aoun a abouti signifie-telle pour autant que la confiance est revenue entre les parties ? » s'interroge un responsable proche de Aïn el-Tiné qui écarte la possibilité d'un déblocage prochain à ce niveau. Et de faire remarquer que c'est pour ces raisons que le président de l'Assemblée voulait parvenir à un package deal concomitant à l'élection présidentielle « pour éviter précisément toutes ces complications ».
Les embûches restent donc nombreuses et la délivrance n'est pas pour sitôt, d'autant, poursuit ce responsable, que « les calculs sont serrés, les appréhensions grandes, et les donnes en perpétuel changement à l'ombre notamment des développements en Syrie, d'où le risque permanent d'avoir des surprises dans un sens comme dans un autre ».
Officiellement, on parle de « contacts intensifs et positifs » dans les milieux chiites. Cet optimisme de façade est relayé dans les milieux de la Maison du Centre où l'on affirme que le Premier ministre désigné, qui s'est rendu en soirée chez le chef du PSP, Walid Joumblatt, à Clemenceau, va mettre les bouchées doubles pour trouver une composition acceptable avant les fêtes. Une promesse à laquelle un responsable proche du dossier ne croit pas trop, sachant que « plusieurs artisans majeurs du gouvernement s'apprêtent déjà à partir en vacances ».
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commentaires (7)
incomprehensible Le Premier Ministre designe et le President doivent former un gouvernement de leur choix sans avoir a rendre des comptes a quiconque et se presenter a la Chambre pour avoir la confiance de 51% des deputes un point c' est tout dans le monde entier sauf au Liban
LA VERITE
14 h 44, le 16 décembre 2016