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Moyen Orient et Monde - Forum de la Fondation May Chidiac

Du rôle des réseaux sociaux dans l’organisation de l’État islamique...

L'EI a excellé dans l'usage d'Internet, poussant les pays occidentaux à réagir à travers une cyberguerre plus ou moins efficace.

Image de propagande diffusée par l’EI à Raqqa en juin 2014. Photo archives Reuters

Les réseaux sociaux sont au cœur du fonctionnement de l'État islamique (EI). Outre les vidéos ultraviolentes diffusées par l'organisation et visant délibérément à choquer ses adversaires, ces réseaux sont aussi un support de communication interne et une source de financement. La lutte contre l'organisation terroriste est donc aussi une guerre virtuelle, que les grandes puissances ont commencé à mener il y a plusieurs années.
Lors d'une conférence intitulée « L'État islamique et la guerre des réseaux sociaux » qui se tenait à Beyrouth samedi dernier dans le cadre du Forum de la Fondation May Chidiac, les intervenants ont décrypté la manière dont l'EI utilise les réseaux sociaux pour son fonctionnement.

Entre Telegram et Dark Net

« L'État islamique n'est pas un État comme les autres, c'est un État virtuel », explique Stefan Bazan, chercheur à l'Université Saint-Joseph de Beyrouth. « Les réseaux sociaux ont été utilisés pour organiser la structure interne de Daech (acronyme arabe de l'EI), et on a vu beaucoup de commandants dans des opérations militaires en Syrie et en Irak qui tweetaient leur position, le nombre de personnes tuées, les prises de rue ou de bâtiments, justement pour informer les autres combattants », ajoute-t-il. Facebook et Twitter sont utilisés comme des médias classiques par les membres de l'EI où ils peuvent aussi y raconter leurs aventures à leurs amis. Or ces outils sont particulièrement utiles pour relayer la propagande de l'organisation afin d'enrôler des jeunes dans les pays occidentaux.

(Pour mémoire : Les attentats terroristes se suivent, mais ne se ressemblent pas)

La communication interne passe par d'autres programmes : « Il y a des applications moins connues comme Telegram, la plus utilisée par les terroristes pour communiquer. Le Bataclan a été organisé sur Telegram et les membres de la cellule terroriste démantelée récemment à Strasbourg utilisaient aussi cette application », poursuit le chercheur. Telegram est une application de messagerie sécurisée, créée en 2013 par des Russes pour échapper aux services secrets du pays. Elle permet d'envoyer des messages chiffrés qui ne sont pas stockés par les serveurs de l'application, permettant ainsi de communiquer sans être un jour écouté.

La communication peut aussi s'effectuer sur le Dark Net. Ce réseau parallèle aux réseaux classiques est un condensé de toutes les activités illégales. On peut entre autres y trouver de la drogue et beaucoup d'armes. Anonyme et intraçable, cette plateforme est taillée sur mesure pour les activités terroristes. Les achats peuvent même s'y faire via la monnaie virtuelle Bitcoin. Selon M. Bazan, l'EI a réalisé des films pour les grandes batailles en Syrie et en Irak, qui ont été revendus sur ce marché noir virtuel à des boîtes de production américaines. « Ils récupèrent de l'argent comme ça, toute une industrie vit de ça », estime-t-il.

(Pour mémoire : « Par ces messages sur les réseaux sociaux, ils célébraient la mort de Français »)

Mainmise de l'État

Les Occidentaux ont été obligés de réagir face à ces instruments alternatifs qui s'autonomisent de plus en plus. Patrick Baz, photojournaliste pour l'AFP, explique comment le FBI américain a voulu prendre les terroristes à leur propre piège : « Il y a quelques années, le Pentagone avait demandé à une boîte britannique de fabriquer de fausses vidéos d'el-Qaëda. Ces vidéos contenaient un Spyware (logiciel espion qui récolte les informations de l'appareil où il est installé). Ces vidéos ont été distribuées dans les villes sunnites d'Irak, donc les gens étaient localisés quand ils visionnaient la vidéo. Je ne sais pas quel est le bilan de cette opération, mais elle a coûté 500 millions de dollars », précise-t-il. M. Baz affirme aussi qu'il existe un programme du FBI visant à éliminer les « médias experts » avec des drones. Les États-Unis semblent donc avoir pris la mesure de la menace que représente Internet pour le terrorisme.

D'un autre côté, les créateurs des logiciels et programmes ont aussi des comptes à rendre. Selon M. Bazan, Facebook supprime environ 500 comptes tenus par des terroristes chaque semaine, qui sont immédiatement recréés. Les services de Google, eux, peuvent mettre entre 15 et 30 minutes avant de supprimer une vidéo. Quant aux responsables de Telegram, ils ont bloqué seulement 78 canaux de communication en lien avec l'EI. « On a une responsabilité et une hypocrisie chez certains industriels et fabricants d'applications, qui sont bien contents de voir l'usage qu'on fait de leurs programmes », selon M. Bazan.

La cyberguerre contre l'EI implique donc aussi une mainmise des États sur les moyens de communication. Or il est difficile de légiférer sur les sujets liés à Internet, qui se veut libre et émancipé de tout contrôle. On assiste cependant à une collaboration entre experts du Net, dont les fameux Anonymous, avec les autorités des pays occidentaux pour récolter des informations et localiser les groupes jihadistes en Irak et en Syrie afin de gagner cette cyberguerre.


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