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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Les attentats terroristes se suivent, mais ne se ressemblent pas

Sur le sol européen, les liens ne sont pas toujours très clairs entre l'État islamique et les kamikazes, mais pour le moment le groupe jihadiste « n'a pas menti ».

Belgique – Une personne blessée recevant les premiers soins après que trois kamikazes se furent fait exploser à l’aéroport international de Bruxelles-Zaventem et dans la station de métro Maelbeek, le 22 mars 2016. 32 personnes périssent. Capture d’écran

« La meilleure chose que vous puissiez faire est de vous efforcer de tuer tout infidèle, qu'il soit français, américain ou d'un de leurs pays alliés », déclarait le porte-parole de l'organisation État islamique (EI), Abou Mohammad el-Adnani, en septembre 2014. « Si vous ne pouvez pas trouver d'engin explosif ou de munitions, alors isolez l'Américain infidèle, le Français infidèle ou n'importe lequel de ses alliés, écrasez-lui la tête à coups de pierre, tuez-le avec un couteau, renversez-le avec votre voiture, jetez-le dans le vide, étouffez-le ou empoisonnez-le », enjoignait-il.

Les nombreux appels au meurtre de ressortissants occidentaux ne sont pas tombés dans l'oreille d'un sourd. Depuis le 24 mai 2014, date de la première attaque perpétrée par l'EI en Occident, les attentats sur le sol européen, commandités ou influencés par l'organisation terroriste, se multiplient. Le plus meurtrier d'entre eux remonte au 13 novembre 2015. Plusieurs attaques sont perpétrées simultanément au cœur de la capitale française. Sur leur écran télévisé, les citoyens du monde entier observent la Ville Lumière se transformer en un champ de guerre. Le bilan est lourd : 130 morts et plus de 350 blessés. L'État islamique revendique les attentats, précisant qu'ils ne sont « que le début de la tempête », et prend alors une nouvelle envergure.

Tandis que la plupart le craignent, d'autres adhèrent secrètement à son idéologie. « Cet événement a été un élément déclencheur pour un certain nombre d'individus révoltés par les sociétés occidentales. Ils se sont dit qu'eux aussi pouvaient passer à l'action », explique Alain Rodier, spécialiste du terrorisme. L'effet de mimétisme est enclenché et leur fantasme devient alors réalité. L'organisation terroriste frappe désormais partout, tout le temps. Musée juif de Bruxelles, station de métro Maelbeek, Magnanville, Ansbach, Saint-Étienne-du-Rouvray, les capitales européennes comme les petites communes reculées deviennent ainsi, les unes après les autres, tragiquement célèbres.

Propagande
Cependant, les attaques se suivent, mais ne se ressemblent pas. Si certaines d'entre elles sont directement commanditées par l'EI, d'autres sont influencées par les appels réitérés de l'organisation terroriste. La nuance est importante. Contrairement aux attentats du 13 novembre, dont les assaillants avaient combattu dans les rangs de l'EI en Syrie, les récentes attaques montrent que le lien n'est pas toujours très clair entre l'organisation et les kamikazes. Ainsi, même si l'EI a revendiqué la tuerie de masse au camion-bélier de Nice, le tueur Mohammad Lahouaiej Bouhlel se serait « contenté » de répondre à la propagande du groupe ultraradical.
Lors du mois de ramadan dernier, l'organisation avait de nouveau appelé ses sympathisants à se préparer à en faire « un mois de calamité partout pour les non-croyants ». Coïncidence ou non, le 13 juin dernier, Larossi Abballa assassine froidement un couple de policiers dans leur domicile à Magnanville (France) au nom de l'EI. Durant le mois de juillet, ce ne sont pas moins de quatre attaques sanglantes qui ont été attribuées de près ou de loin à l'organisation jihadiste.

Contentieux personnels ?
Comme un cercle vicieux, la multiplication des actes meurtriers semble s'accorder avec le nombre de postulants au martyr. La prolifération des attentats encouragerait-elle certains meurtriers à agir au nom de l'EI pour assouvir leurs pulsions ?

Même si la radicalisation de Larossi Abballa est indéniable, certaines informations indiquent que l'attentat de Magnanville a pu être causé par un contentieux personnel. Au moment de l'enquête, le quotidien français Libération écrivait que le tueur connaissait probablement sa victime. « Il était venu chez moi, maintenant c'est moi qui viens chez lui », aurait-il dit lors d'un échange avec une négociatrice du Raid. Le doute plane également au-dessus de l'attentat de Saint-Quentin-Fallavier (France), le 26 juin 2015, lors duquel Yassin Salhi a décapité son employeur, puis attaqué un site gazier. À l'inverse de Larossi Abballa, il a toujours contesté la motivation islamiste, invoquant un contentieux professionnel avec son patron. Pourtant, le mode opératoire est inspiré de la propagande de l'EI : décapitation, drapeaux de la profession de foi musulmane entourant la tête de sa victime, selfie macabre, etc. Pendant son incarcération, Salhi s'est suicidé dans sa cellule en décembre 2015, emportant avec lui les mystères de ses motivations.

Plus récemment, le réfugié syrien qui s'est fait exploser dans le centre d'Ansbach (Allemagne) le 24 juillet dernier avait fait part de son désir de « suicide » après la mort de sa femme et de son fils. Il avait toutefois prêté allégeance à l'EI, qui a affirmé de son côté qu'il était l'un de ses « soldats ».
Ce phénomène risque d'entraîner de nouvelles attaques meurtrières en Europe, ainsi que dans le reste du monde. « À l'heure actuelle, les autorités craignent une augmentation du nombre d'individus qui se livrent à des actes de violence, se revendiquant d'une manière ou d'une autre de l'EI », confie Alain Rodier.

Revendications
L'EI a donc revendiqué la plupart des attentats terroristes sur le sol européen ces dernières années. Le dernier en date remonte à l'assassinat du prêtre à Saint-Étienne-du-Rouvray (France) par deux de ses « soldats ».

En réalité, pour que l'EI soit reconnue comme l'auteur d'une action, le kamikaze doit préalablement avoir prêté allégeance à l'émir de l'organisation Abou Bakr el-Baghdadi, et déclaré officiellement qu'il allait mener une opération au nom du groupe terroriste. Cette dernière diffuse ensuite des communiqués sur les réseaux sociaux ou passe par son agence de presse Aamaq pour revendiquer l'attaque. « Cela permet de revendiquer très rapidement une action pour éviter que d'autres groupes ne se l'approprient », souligne Alain Rodier. Mais l'EI ne peut-il pas s'attribuer des attaques qui ne sont pas les siennes ? « Non », indique clairement le spécialiste du terrorisme. « Pour le moment, le groupe n'a jamais menti, même s'il a parfois exagéré les bilans de certains attentats. Il aurait pu s'en approprier certains, mais il ne l'a pas fait. » Sur les quatre dernières actions meurtrières en Allemagne au mois de juillet, l'EI n'en a effectivement revendiqué que deux. Même cas de figure pour le crash de l'avion EgyptAir Paris-Le Caire en mai dernier qui aurait pourtant pu être un « gros coup médiatique » pour l'organisation, selon Alain Rodier.

L'EI ne semble donc pas avoir besoin de s'approprier des actes de folie pour gagner en notoriété. S'il n'existe pas de données pour quantifier le nombre de sympathisants de l'EI, Alain Rodier conclut que « les suspects se comptaient par centaines » à l'époque du terrorisme des années 1970-1980. « Aujourd'hui, on les compte en milliers. »

 

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