« L'histoire de la danse contemporaine ne commence pas, comme on le croit souvent, dans les années 1980 – moment où cette forme d'expression acquière pour la première fois une large visibilité –, mais bien en amont : au cours des années 1960, et de manière plus décisive encore, dans le sillage des événements de 1968 et du désir d'émancipation qu'ils soulèvent partout. La Suisse participe à cet élan. »
Véritable enquête, La danse contemporaine en Suisse, 1960-2010 : les débuts d'une histoire est le premier ouvrage qui raconte l'histoire esthétique, culturelle et politique de la danse contemporaine en Suisse. L'idée d'un tel ouvrage est donc née d'un vide éditorial. « Cette enquête se nourrit avant tout des témoignages oraux de ceux qui en ont été les protagonistes », expliquent les deux auteures, Annie Suquet et Anne Davier. Cette dernière, ainsi que Caroline Couteau, éditrice de la maison genevoise Zoé, étaient de passage à Beyrouth pour présenter l'ouvrage lors du Salon du livre francophone, à l'invitation de l'ambassade de Suisse. Couteau s'est dit elle-même passionnée de danse : « J'avais envie d'être danseuse mais je n'étais pas très bonne... Je suis alors devenue une spectatrice acharnée. » Elle a accepté de publier l'ouvrage car « bien qu'il soit parsemé de chiffres et de dates, il se lit comme un roman d'enquête », dit-elle. Un roman illustré d'ailleurs par des images récentes. Les chorégraphes ont en effet accepté d'ouvrir les portes de leurs studios au photographe suisse Steeve Luncker durant la même période que les entretiens (entre 2013 et 2016). De très belles photographies en noir et blanc, présentées dans un ordre aléatoire, ponctuent alors ce récit historique. Ces images, « prises sur le vif », illustrent le travail de recherche et de création des chorégraphes et interprètes.
Une danse contemporaine suisse ?
L'ouvrage nous apprend par ailleurs que la danse contemporaine se caractérise pas des influences diverses, elle est un chant issu de la danse moderne du XXe siècle et se définit comme n'étant plus du tout ancrée dans la danse de ballet. « On ne peut pas parler de danse suisse comme d'un fromage suisse », y souligne l'écrivaine Anne Davier. « Tout comme on ne parle globalement pas de littérature suisse, ni d'art suisse », renchérit la professeure en études de la danse, Christina Thurner.
Certes, il n'existe pas une danse suisse à proprement dite, mais ce petit pays offre véritablement de bonnes conditions artistiques. Beaucoup de chorégraphes sont des « immigrés » venus d'abord en tant que danseurs pour des compagnies suisses. Parmi eux, le Français Nicolas Cantillon qui intègre la compagnie Alias tout en cofondant avec Laurence Yaldi la compagnie 7273. Selon lui, reporte encore l'ouvrage, les chorégraphes étrangers parviennent à se créer une place sur les scènes suisses « parce qu'il n'y a pas de star helvétique de la danse, donc pas d'arbre pour cacher la forêt ».
Flash-back
Dans le cadre du Salon du livre francophone de Beyrouth, le danseur et chorégraphe Foofwa d'Immobilité a effectué une « lecture dansante » de l'ouvrage suisse. Connu pour ses diverses performances appelées dancerun, Frédéric Gafner (de son vrai nom) a fait découvrir la lecture d'une manière très étonnante : il a lu et dansé simultanément. Cela a intrigué plus d'un passant, mais de toute façon, qui est mieux placé qu'un danseur contemporain pour donner corps et chair à un tel roman ? Assistant à la performance, la coauteure Anne Davier s'était dit ravie d'une telle lecture : « Il faut désacraliser le livre... On peut même le lire à l'envers si on le souhaite. »
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