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Économie - Rapport

Les syndicats libanais doivent se réformer, selon l’OIT

Un rapport de l'organisme onusien et de fondation allemande Friedrich-Ebert-Stiftun dresse un tableau bien sombre de la représentation syndicale depuis la fin de la guerre civile.

L’affaiblissement des mouvements syndicaux ne résulte pas seulement de la précarisation des travailleurs, mais également de la mauvaise gestion des syndicats eux-mêmes, jugent les auteurs du rapport. Photo S.Ro.

Les syndicats libanais sont faibles, politisés et n'ont jamais été aussi éloignés des préoccupations des Libanais. Ce sont les principales conclusions d'un rapport de l'Organisation internationale du travail (OIT) – un organisme des Nations unies – et de la fondation politique allemande Friedrich-Ebert-Stiftun sur les « caractéristiques et structures du mouvement syndical au Liban ». Réalisé avec le concours du Consultation and Research Institute (CRI) et présenté hier à l'hôtel Crowne Plaza, le rapport dévoile un sondage selon lequel seuls 11 % des Libanais interrogés indiquent être syndiqués. La Confédération générale des travailleurs au Liban (CGTL), qui inclut la plupart des syndicats, ne représentant par ailleurs que 5 à 7 % des employés.

Avant la guerre civile, les syndicats libanais se caractérisaient par leur forte participation dans la société, rappelle le rapport. « Dans les années 1970, le Liban a connu une vague de grèves des travailleurs, professeurs et étudiants suite à une crise sociale aiguë. » Leurs revendications étaient nombreuses et concernaient par exemple le salaire minimum, l'opposition aux licenciements arbitraires et l'égalité des salaires hommes-femmes. Mais cet engagement a été fortement affaibli pendant la guerre civile et ne s'est jamais renforcé ensuite.

Les auteurs du rapport argumentent que ce changement s'explique notamment par les transformations de la structure économique du Liban suite à la guerre qui ont engendré « une force de travail très fragmentée et vulnérable » . En cause, la prolifération des petites entreprises, qui représentent plus de 90 % du tissu entrepreneurial. Avec, en parallèle, l'augmentation (non quantifiée) du nombre d'employés travaillant dans le secteur informel, les dernières statistiques de la Banque mondiale (BM) l'estimant à 19 % de la population active en 2012. En outre, la capacité de négociation des employés, ainsi que des syndicats, a été affaiblie par l'augmentation du taux de chômage. Estimé à 11 % de la population active par la Banque mondiale en 2010, il atteindrait aujourd'hui 18 à 20 %, selon le directeur exécutif du CRI, Kamal Hamdan.

Mauvaise gestion
L'affaiblissement des mouvements syndicaux ne résulte pas seulement de la précarisation des travailleurs, mais également de la mauvaise gestion des syndicats eux-mêmes, juge le rapport. « Le mouvement syndical officiel a défendu les droits déjà existants, mais a joué un rôle passif dans la promotion du droit à l'association des employés du secteur public, des domestiques, des agriculteurs et des travailleurs migrants ». Les salariés de ces catégories n'ont pas le droit de s'organiser en syndicat, ce qui nécessite une autorisation du gouvernement, et s'organisent par conséquent en ligues ou en associations.

Le Liban s'abstient également d'adopter toutes les conventions de l'OIT garantissant les libertés syndicales. Bien qu'il ait ratifié la convention 98 concernant le droit d'organisation et de négociation collective, le pays du Cèdre a toujours refusé de ratifier la convention 87 qui régit la liberté et la protection des syndicats, ainsi que la convention 135, concernant la protection des représentants des travailleurs dans l'entreprise. Le rapport prend l'exemple des employés du supermarché Spinneys, dont la tentative de créer un syndicat a tourné au fiasco, pour souligner la « faiblesse de la protection légale et politique des travailleurs ainsi que la capacité de l'employeur de les réprimer et briser leur unité. »

Réformes nécessaires
Selon le rapport, les syndicats libanais se caractérisent également par leur forte dépendance envers les partis politiques, ce qui les empêche de s'opposer efficacement aux mesures gouvernementales. Après la guerre, l'État a autorisé la création d'un nombre important de syndicats affiliés aux partis politiques au pouvoir : entre 1986 et 2008, leur nombre est passé de 172 à 420. Une stratégie adoptée afin de contrôler les décisions prises au sein de la CGTL. Le gouvernement assurait ainsi « aux fédérations qui lui étaient loyales le droit de siéger dans le conseil des représentants, et donc dans le bureau exécutif, de la CGTL », affirme le rapport.

Autre problème majeur : le manque de transparence financière de la CGTL, qui ne dépend pas des cotisations de ses membres mais du gouvernement et de donations privées. Ce type de financement opaque « limite la capacité du conseil exécutif et du conseil des représentants de demander des comptes à ses dirigeants ».
Pour pallier toutes ces failles, le rapport propose plusieurs pistes de réformes structurelles de la représentation syndicale. Parmi celles-ci, le rapport met en avant le droit de tous les salariés, sans discriminations, de se syndiquer, ainsi que le développement « de mécanismes de négociation collectifs ». Les auteurs proposent aussi la création pure et simple d'un nouveau mouvement syndical « indépendant et démocratique ». « Une nouvelle structure permettrait aux travailleurs de défendre leurs intérêts dans un environnement de travail en mutation » et pourrait ainsi répondre aux besoins économiques des travailleurs, conclut le rapport.

 

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