Mais que s'est-il passé mardi soir ? Tous les sondages, tous les pronostics ont volé en éclats après le résultat de l'élection présidentielle, à savoir la victoire de Donald Trump face à Hillary Clinton, pourtant donnée favorite. Prévue et crainte en juillet déjà par le cinéaste américain Michael Moore, cette consécration conclut dix-huit mois de scandales, de propos choquants, d'une litanie d'insultes qui ont suffi à fatiguer toute une nation, dont le degré de « election anxiety » (angoisse liée aux élections) a battu tous les records, ou presque.
Après cette campagne ardue, violente même, les Américains ont choisi un nouveau président sans parcours politique. Sans expérience. Mais « nouveau ». Pour cette raison, entre autres, la soif de changement des électeurs américains s'est traduite par ce vote pourtant jugé improbable il y a encore un peu plus d'un an.
Certes, une multitude de facteurs divers contribuent à expliquer les raisons de la victoire de Donald Trump dans sa course à la Maison-Blanche. Il s'agissait, d'abord, de séduire un électorat mécontent, désillusionné, mais surtout blanc et majoritaire. Une bonne partie de cet électorat se sent menacée par ce qu'ils ne connaissent pas, et/ou qu'ils ne veulent pas connaître, comme les blacks, les latinos, les immigrants qui « volent » leurs emplois, les LGBTQ... Bref, les groupes minoritaires. Selon une enquête Reuters-Ipsos, le candidat républicain avait plus de 30 points d'avance sur sa rivale démocrate chez les hommes et femmes blancs sans diplôme.
(Lire aussi : Quel Donald Trump gérera le Moyen-Orient ?)
Erreurs stratégiques
Le milliardaire n'a d'ailleurs pas hésité à concentrer son attention sur des États traditionnellement démocrates, comme le Wisconsin, la Pennsylvanie, le Michigan, l'Ohio, la Caroline du Nord, etc. La classe ouvrière n'a pas été la seule à être séduite par le candidat Trump et son bagout : une partie de la classe moyenne traditionnellement démocrate semble également avoir opté pour ce candidat improbable, peut-être en réaction, justement, au choix de la candidate la plus prévisible, « la plus conventionnelle qui soit », un « statu quo », pour reprendre les termes du Dr Justin Vaughn, professeur agrégé de sciences politiques à la Boise State University.
« Trump a réussi à verbaliser, exprimer leurs inquiétudes, leurs peurs. Le Parti démocrate, en revanche, a minimisé ces peurs, se contentant de leur demander de voter pour Clinton. Les démocrates ont été perçus comme prenant leurs électeurs pour acquis, ce qu'ils n'auraient pas dû faire », estime cet expert en politique américaine. L'équipe de campagne d'Hillary Clinton a effectivement commis plusieurs erreurs stratégiques et psychologiques, dont le fait d'avoir négligé certains États, comme le Michigan, convaincus que c'était gagné d'avance. En un an et demi, la candidate démocrate ne s'est même pas rendue une seule fois dans le Wisconsin... Bien entendu, ces deux États n'ont pas changé la donne à eux seuls. Les résultats de Mme Clinton étaient mauvais dans plusieurs États que Barack Obama a gagnés durant les deux campagnes de 2008 et de 2012. Elle n'a même pas eu le soutien de sa propre base électorale, malgré tous les moyens mis à contribution, et les gens, surtout du côté démocrate, sont « en train de chercher qui blâmer », juge M. Vaughn.
Mais cet échec de Mme Clinton ne peut être mis sur le compte du seul fait d'avoir ignoré une partie de sa base électorale. Cette campagne était riche en diffamations et mauvaise publicité de la part des deux camps. Aucun des candidats n'a avancé d'arguments positifs, crédibles, pour convaincre l'autre camp de voter pour lui. Au lieu de cela, ils ont surtout tenté d'expliquer pourquoi il fallait voter contre l'autre, notamment en le dénigrant ou en dénigrant ses électeurs. Beaucoup ont fini par ne pas voter. « Les gens ne vont généralement pas faire la queue pendant des heures pour choisir un "moindre mal ", souligne le spécialiste, en référence à une thématique revenue sans cesse durant la campagne.
(Lire aussi : Le jour où l'Amérique a basculé)
Double but
Son (re)nom, son héritage politique constituent un énorme avantage que beaucoup envient, malgré le fait qu'elle n'est pas populaire, même chez les démocrates. Mais, à la différence de Donald Trump, débutant dans ce domaine, la démocrate était observée de près depuis plus de trente ans par l'opinion publique, et à différents stades de sa vie publique, politique et privée. Avant même que la campagne ne soit lancée, nombreux étaient ceux qui avaient déjà décidé de lui apporter leur soutien ou pas. « Si on prend l'exemple de Mitt Romney, candidat en 2012, une campagne a un double but : se faire connaître et se faire aimer. Mais les gens savaient déjà qui est Clinton et s'ils l'aiment ou pas. Elle n'a donc pas eu l'occasion de faire augmenter son taux de popularité », affirme M. Vaughn.
Toutes ces erreurs, ajoutées à la mauvaise réputation d'Hillary Clinton – elle aurait été impliquée dans plusieurs accords frauduleux –, les deux enquêtes du FBI sur l'utilisation de sa messagerie privée à l'époque où elle était secrétaire d'État, le fait qu'elle soit riche et appartienne à ce que certains considèrent une élite privilégiée (même si elle vient d'un milieu modeste), sont autant de raisons qui ont conduit à la défaite cinglante de celle qui a été un temps Première dame. « Malhonnête » est un adjectif qui revient souvent chez ses détracteurs, car elle n'hésite pas, selon eux, à dire tout et son contraire, pour grappiller ne serait-ce que quelques votes. Tout cela, et le discours (presque simpliste ?) à l'état brut d'un Donald Trump qui ne s'embarrasse pas de conventions auront mené à la victoire de l'homme d'affaires, qui a brisé toutes les règles d'une campagne électorale.
Lire aussi
De quoi le trumpisme est-il le nom ?
« Les gens ont voulu cette odeur d'une nouvelle voiture... »
« La victoire de Sanders dans les États du Nord aurait été extrêmement probable »
« Personnellement, j'aime bien Trump, car il vous dit franchement qu'il vous hait, pas comme Obama »
Quel impact de l'élection de Trump sur le Liban et la région ?
Victoire de Trump : des électeurs US d'origine libanaise, entre bonheur et effroi
Présidentielle US : Pas d'impact immédiat sur le Liban, selon les milieux économiques
Diaporama
Présidentielle US : la folle journée du 8 novembre en images
commentaires (4)
Hillary Clinton avait toute le monde financier derrière elle !!! elle n'allait voir que ceux qui pouvaient voter pour elle elle aurait eut un financement du golfe pour sa campagne
Talaat Dominique
18 h 49, le 10 novembre 2016