A voir son CV, Hillary Clinton est sans conteste l'une des personnalités les plus qualifiées pour briguer la présidence des Etats-Unis, mais son appartenance au sérail pourrait aussi être un handicap face à un Donald Trump aux antipodes.
D'autant que sa personnalité divise.
Si l'ex-First Lady, passée par le Sénat et le département d'Etat, l'emporte ce 8 novembre face au tonitruant homme d'affaires, elle deviendra la première femme à occuper la Maison blanche. A 69 ans, elle est d'ores et déjà la première à avoir obtenu l'investiture d'un des deux grands partis américains, huit ans après une première tentative infructueuse. Et aucune autre femme de président n'avait obtenu de mandat électif avant elle.
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Sans scrupules
La polarisation croissante de la scène politique et de la société qui a marqué sa carrière se traduit dans l'opinion très tranchée que les Américains en ont : solide, compétente et parfois visionnaire pour ses partisans, elle est jugée sans scrupules et prête à tout pour le pouvoir par ses détracteurs.
Favorite incontestée de la course à l'investiture démocrate, décrochée en juillet, elle a toutefois été malmenée par un Bernie Sanders qui, en se réclamant du socialisme, a tiré parti de la lassitude d'une partie de l'électorat envers des professionnels de la politique, dont Hillary Clinton est devenue l'archétype.
Pour en arriver là, elle a toutefois dû résister à de multiples assauts républicains, à maintes polémiques, dont celle des écarts amoureux de son époux Bill, à des procédures judiciaires et, pour finir, à l'affaire de ses emails lorsqu'elle était secrétaire d'Etat.
Son combat pour les droits des femmes aux Etats-Unis et dans le monde, comme pour la justice sociale et l'accès aux soins lui valent l'estime de nombreux démocrates, mais elle n'est pas parvenue à gagner la confiance d'une part majoritaire de la population américaine.
Son passage à la tête de la diplomatie américaine de 2009 à 2013, sous le premier mandat de Barack Obama, a été marqué par les conflits armés de Syrie et de Libye, la crise liée au programme nucléaire iranien, l'émergence de la puissance militaire chinoise et le retour de la Russie sur le devant de la scène internationale. Elle a en outre dû gérer le désengagement de l'US Army en Irak et en Afghanistan. Comme beaucoup d'autres, elle s'est attaquée en vain au conflit israélo-palestinien.
Hillary Clinton briguait déjà l'investiture démocrate en octobre 2015, lorsqu'elle a dû répondre pendant 11 heures aux questions des parlementaires sur l'attaque du consulat américain à Benghazi qui avait coûté la vie trois ans plus tôt à l'ambassadeur des Etats-Unis en Libye.
Cette audition, ajoutée à celle de 2013 lui a permis de désamorcer les critiques des républicains qui l'accusaient d'avoir négligé la sécurité du personnel diplomatique.
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Sur ses gardes
Méfiante envers ses rivaux et les médias, elle reste toujours sur ses gardes. "A vrai dire, après toutes ces années passées dans le service public, la partie 'service' me paraît plus facile que la partie 'public'", a-t-elle reconnu lors de son discours d'investiture en juillet à Philadelphie. "Je comprends que certains ne sachent pas quoi faire de moi", a-t-elle poursuivi, ce qui n'a pas empêché Barack Obama d'en faire un vibrant éloge lors de cette convention démocrate. "Aucune femme et aucun homme - Bill et moi y compris - n'a jamais été plus qualifié qu'Hillary Clinton pour exercer les fonctions de président des Etats-Unis", a-t-il affirmé.
L'affaire des emails a longtemps jeté une ombre sur sa candidature. Ses détracteurs lui reprochent d'avoir eu recours à une messagerie privée quand elle était secrétaire d'Etat, ce qui aurait pu nuire à la confidentialité de ses correspondances. Dix jours après l'avoir rouvert avec fracas, le FBI a finalement refermé le dossier dimanche et redonné à la candidate démocrate un nouvel élan pour aborder la dernière ligne droite de la course à présidence.
Donald Trump en a fait l'un de ses angles d'attaque favoris face à "Hillary la véreuse", qu'il promet de jeter en prison s'il est élu. "Enfermez-la !", ont encore scandé dimanche soir les partisans de l'homme d'affaires lors d'un des ses derniers meetings de campagne.
L'intéressée taxe quant à elle son adversaire de racisme, de misogynie, d'incitation à la haine et d'évasion fiscale. Elle lui reproche ses accointances avec le président russe, Vladimir Poutine, et juge sa personnalité incompatible avec les responsabilités de président et commandant en chef des armées. "Cette femme est tellement détestable", a lancé le magnat de l'immobilier lors de leur débat télévisé du 19 octobre.
Des débuts républicains
Née à Chicago le 26 octobre 1947, Hillary Rodham Clinton est l'aînée d'une famille de trois enfants. Son père, modeste entrepreneur, était selon elle "républicain de la tête au pied", tandis que sa mère nourrissait en secret des penchants démocrates.
Après une scolarité dans le public, elle entre en 1965 à l'université pour jeunes filles de Wellesley, dans le Massachusetts, où elle adhère au Club des jeunes républicains.
Son discours de fin d'études, dans lequel elle n'hésite pas à improviser pour contester les propos tenus par le sénateur venu parrainer sa promotion, lui vaut l'un de ses premiers succès publics.
La lutte pour les droits civiques et la guerre du Vietnam l'éloignent ensuite du camp conservateur. Elle assiste en 1968 à la convention républicaine qui voit l'investiture de Richard Nixon, mais rallie assez vite les rangs démocrates.
C'est à la faculté de droit de Yale, qu'elle s'éprend de l'ambitieux étudiant de l'Arkansas qui deviendra son époux. Après ses études, elle s'installe à Washington où elle participe aux travaux parlementaires liés à la destitution de Richard Nixon, qui démissionne en 1974 après le scandale du Watergate.
"Deux pour le prix d'un"
Hillary Clinton rejoint ensuite Bill dans l'Arkansas. Elle l'épouse en 1975 et entame une carrière de juriste dans un grand cabinet d'avocats. Trois ans plus tard, il est élu gouverneur de l'Etat à seulement 32 ans. Leur unique enfant, Chelsea, naît en 1980.
La "première dame" de l'Arkansas devient l'une des avocates les plus en vue de Little Rock. Elle est aussi membre du conseil d'administration de Wal-Mart, géant de la grande distribution.
Le reste du pays la découvre en 1992, quand son mari entre dans la course à la Maison blanche. Bill Clinton se présente alors aux électeurs en déclarant qu'ils en auront "deux pour le prix d'un". Hillary confesse qu'elle n'est pas du genre "à rester derrière ses fourneaux".
Lorsque le candidat est mis en cause dans une affaire de harcèlement sexuel, elle tourne en dérision le titre à succès de la chanteuse Tammy Wynette "Stand by Your Man". "Je ne vais pas rester assise là, comme une bonne petite femme soutenant son mari à l'image de Tammy Wynette. Si ça ne vous ne convient pas, eh bien ne votez pas pour lui !", lance-t-elle, apportant de l'eau au moulin des conservateurs qui voient en elle une féministe acharnée et une menace pour les valeurs traditionnelles.
La victoire de Bill Clinton face à George Bush père lui ouvre les portes de la Maison blanche, où elle exercera une influence sans précédent de la part d'une "First Lady" de 1993 à 2001. Une réforme de l'assurance maladie, qui ne dépassera pas le stade du projet, est même surnommée "Hillarycare".
"Les droits de l'homme sont les droits de la femme et les droits de la femme sont les droits de l'homme", proclame-t-elle en 1995 lors d'une conférence de l'Onu organisée en Chine.
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Le couple présidentiel fait alors l'objet d'une longue enquête pour des investissements immobiliers jugés suspects. L'affaire Whitewater ne donnera lieu à aucune poursuite, mais la commission indépendante chargée de l'enquête sera à nouveau sollicitée pour l'affaire Monica Lewinsky. Vince Foster, conseiller de la présidence et ami proche des Clinton, qui est impliqué dans l'affaire, est retrouvé mort en 1993. L'enquête concluera au suicide.
Dans ses mémoires, parues en 2003, Hillary s'insurge contre "les théoriciens du complot et les enquêteurs qui ont cherché à démontrer que Vince avait été tué pour qu'il taise ce qu'il savait de Whitewater".
En décembre 1998, Bill Clinton fait l'objet de la deuxième procédure de destitution présidentielle de l'histoire des Etats-Unis. La Chambre des représentants l'accuse d'avoir menti sous serment pour ne pas révéler sa liaison avec Monica Lewinsky. Il sera acquitté l'année suivante par le Sénat au terme d'un procès jugé stalinien par son épouse, qui parlera de tentative de coup d'Etat parlementaire. Elle dira en outre avoir voulu lui "tordre le cou", mais décidera de lui rester fidèle.
"Tout ce que je sais, c'est que personne ne me comprend mieux que Bill et que personne ne me fait rire comme lui", écrit-elle dans son livre de 2003 intitulé "Living History".
Sortie de son ombre en même temps que de la Maison blanche, elle se lance à son tour en politique et devient sénatrice de l'Etat de New York moins d'un mois après la fin du mandat de son mari. Elle le restera jusqu'en 2009.
Elle fait déjà figure de favorite pour l'investiture démocrate de 2008, mais c'est Barack Obama qui rafle la mise. Huit ans plus tard, il s'investira beaucoup dans la campagne de son ex-adversaire.
"Ce qui fait la singularité d'Hillary, c'est qu'elle continue d'avancer malgré les épreuves, qu'elle ne baisse jamais les bras. Elle ne cesse jamais de se battre pour nous, bien que nous ne lui en sachions pas toujours gré", a-t-il déclaré en septembre.
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