Après avoir obtenu jeudi le soutien officiel du chef du courant du Futur, Saad Hariri (d), Michel Aoun (g), candidat à la présidence de la République, a tendu la main à ses opposants, suite au refus du président de la Chambre, Nabih Berry, de le soutenir. AFP PHOTO / HO / DALATI AND NOHRA
Après avoir obtenu jeudi le soutien officiel du chef du courant du Futur, Saad Hariri, Michel Aoun, candidat à la présidence de la République, a tendu la main à ses opposants, suite au refus du président de la Chambre, Nabih Berry, de le soutenir.
Après avoir remercié M. Hariri pour son soutien, Michel Aoun, reçu à la Maison du Centre par le leader sunnite, a affirmé qu'il n"y avait pas d'accords bilatéraux, tentant d'apaiser ses détracteurs.
"La conformité au pacte national ne se base pas sur un tandem, il englobe toutes les confessions, il n'y a donc pas d'accords entre deux, trois ou quatre parties, mais un accord unique afin de gérer les affaires de l'Etat. Il n'y a rien à craindre à ce sujet-là", a insisté M. Aoun, qui s'exprimait de la Maison du Centre alors que Saad Hariri se tenait à ses côtés.
Nabih Berry avait clairement fait savoir que ni lui ni son bloc parlementaire ne voteront pour Michel Aoun. Son conseiller politique, le ministre des Finances Ali Hassan Khalil, avait critiqué implicitement un "tandem sunnito-maronite", en allusion à l'accord entre MM. Hariri et Aoun.
"Ceux qui émettent des critiques en ce moment, le font en se basant sur de préjugés", a regretté Michel Aoun. "Que personne ne prenne des décisions hâtives concernant notre accord (avec Saad Hariri). Qu'on nous juge sur nos actions", a-t-il également dit.
"Les divisions politiques existent, cela est évident, mais nous œuvrerons afin d'obtenir à nouveau une entente nationale. Nous voulons remporter la bataille pour le Liban. Nous travaillons pour nos frères, nos fils et nos petits-fils", a conclu le leader chrétien.
M. Aoun bénéficie aujourd'hui du soutien des Forces libanaises et du courant du Futur. Officiellement, le Hezbollah le soutient aussi, mais il le presse de conclure un accord avec toutes les parties, et notamment M. Berry.
Après avoir terminé son discours à la Maison du Centre, Michel Aoun s'est dirigé vers Aïn el-Tiné où il a été reçu par M. Berry. A l'issue de leur entretien, les deux semblaient camper sur leurs positions.
"Nous avons échangé nos points de vue concernant la situation actuelle et il y aura évidemment une nouvelle rencontre", a déclaré M. Aoun à Aïn el-Tiné. "Nous demandons évidemment le soutien du président de la Chambre, mais nous respectons sa liberté de choix", a ajouté le leader maronite, avant de terminer sa brève allocution.
Le chef du législatif s'est pour sa part contenté de déclarer que "durant cette rencontre, j'ai entendu ce que M. Aoun avait à dire et il a fait de même concernant ce que j'avais à dire, et nos différends ne portent pas atteinte à l'amabilité de nos relations".
Le fondateur du Courant patriotique libre, Michel Aoun (à gauche), s'entretenant avec le président de la Chambre, Nabih Berry, le 20 octobre à Aïn el-Tiné.
Capture d'écran LBCI.
"Une seule option, Michel Aoun"
Plus tôt en cours d'après-midi, et lors d'une cérémonie officielle, Saad Hariri avait annoncé son soutien à Michel Aoun, un revirement attendu depuis plusieurs jours. Il a donné son discours à la Maison du Centre, en présence de plusieurs députés de son bloc parlementaire, notamment Fouad Siniora, Bahia Hariri, Nohad Machnouk et Nabil de Freige, ainsi que d'autres personnalités politiques telles que le vice-président de la Chambre, Farid Makari, et Mohammad Safadi. Michel Aoun n'était à ce moment pas présent. Les Forces libanaises, le Hezbollah, les Kataëb et le Parti socialiste progressiste se sont également absentés de la cérémonie. Les députés haririens Ahmad Fatfat, Mohammad Kabbani et Ammar Houri n'ont eux non plus pas assisté à la cérémonie.
"J'annonce aujourd'hui la décision de soutenir la candidature du général Michel Aoun à la présidence de la République. C'est une décision qui découle de la nécessité de protéger le Liban, son système (politique) et l'Etat", a déclaré Saad Hariri dans un discours. "Cet accord me permet d'être optimiste sur l'après-présidentielle (...) de sorte à prémunir notre pays des flammes qui nous entourent".
L'ancien Premier ministre soutenait jusque-là la candidature du chef des Marada, Sleiman Frangié, à l'élection présidentielle. La vacance à la présidence dure depuis le 25 mai 2014. La dernière séance électorale ayant à nouveau échoué faute de quorum, un prochain scrutin est prévu le 31 octobre 2016. Pour être élu, Michel Aoun a besoin de la majorité absolue des députés, ce qu'il est sûr d'obtenir grâce notamment aux voix de Saad Hariri, du Hezbollah et des Forces libanaises. Le chef du Parlement, Nabih Berry, a néanmoins annoncé qu'il ne votera pas pour lui mais que lui et les députés de son bloc assisteront aux séances consacrées à l'élection présidentielle.
"Les options aujourd'hui ne sont pas nombreuses : les soutiens aux candidatures de Samir Geagea, d'Amine Gemayel ou d'autre candidats du 14 Mars n'ont pas apporté de solutions. De même pour les candidats centristes. Notre ami Sleiman Frangié n'a pas non plus réussi à mettre un terme à la vacance à la présidence", a rappelé le chef du courant du Futur. "Il nous reste une seule option, Michel Aoun, disons-le franchement. Ce qui importe c'est que Michel Aoun et nous, suite à notre dialogue, avons abouti à un accord sur l'importance de l'Etat et du système et sur le fait que nul ne puisse amender le système en l'absence d'unanimité à ce sujet. M. Hariri a également fait état d'un accord avec le général Aoun sur la "distanciation" du Liban à l'égard de la guerre en Syrie, à laquelle prend part le Hezbollah, allié du général.
"Le général Michel Aoun est candidat pour être le président de tous les Libanais, et le protecteur de leurs libertés et de l'entente, non de la division. Il tâchera d'être ouvert à toutes les forces politiques de sorte à renforcer l'Etat", a assuré le leader sunnite.
"Accord politique en bonne et due forme"
Il a par ailleurs fait savoir qu'il s'agit là d'un "accord politique en bonne et due forme". "Mais je sais que nombreux sont ceux qui ne sont pas convaincus de cet accord et doutent des réelles intentions du Hezbollah. Ils me disent que ceci n'est pas un accord, mais un sacrifice de soi, et probablement un sacrifice en ce qui concerne les prochaines législatives (prévues en juin). Oui, le risque est là, mais je suis prêt à risquer ma popularité et mon avenir politique mille fois pour ne pas vous mettre en péril ne serait-ce qu'une seule fois", a martelé Saad Hariri.
Et d'ajouter : "Oui je prends des risques, mais sans en avoir peur, car je crains uniquement pour le Liban et l'avenir de nos enfants. Si mon objectif était d'être populaire, j'aurai pu lancer des slogans enflammés en levant mon index", a-t-il ironisé, en allusion au chef du Hezbollah, Hassan Nasallah.
"Que personne ne se fasse d'illusion, une prochaine guerre ne sera pas moins dévastatrice que celles qui l'ont précédée", a mis en garde M. Hariri. "Je sais que certains diront qu'on peut encore préserver notre pays des conflits avoisinants. C'est vrai, mais jusqu'à quand ?".
S'adressant sans les nommer aux réticents et aux ultras de son propre camp, Saad Hariri avait débuté son discours en se demandant : "Qu'aurait fait Rafic Hariri s'il était présent aujourd'hui ? Aurait-il crié, et incité à la discorde confessionnelle ? Nous aurait-il demandé de porter les armes le 7 mai 2008 ? Aurait-il suspendu le dialogue national ? Aurait-il voulu que la vacance à la présidence se prolonge ? Chacun de vous connaît la réponse. Rafic Hariri se serait demandé : comment protéger le Liban et ses habitants. Il aurait entrepris un accord. Je m'adresse à vous à un moment clé. Nous devons sauver notre pays et notre futur, au lieu de se résigner à faire du surplace".
Et de conclure : "Comme disait feu Rafic Hariri : peu importe qui vient et qui s'en va. Ce qui importe, c'est que le pays continue d'exister. Longue vie à vous, longue vie au Liban".
Les réactions à l'annonce de Hariri
A peine le discours de Saad Hariri terminé que les réactions ont fusé. Le chef du bloc parlementaire du Futur, Fouad Siniora, a assuré qu'il ne votera pas pour Michel Aoun. Il a toutefois fait savoir qu'il est "naturel" qu'il "soit aux côtés de Saad Hariri", assurant que le bloc du Futur "restera unifié".
Le député Ahmad Fatfat, également membre de la formation de l'ancien Premier ministre, a lui aussi fait savoir son opposition à la candidature de Michel Aoun. "Avec tout le respect que je dois à Saad Hariri et ses efforts pour mettre une terme à la vacance à la présidence, le soutien de M. Hariri à la candidature de Michel Aoun est contraire à mes convictions politiques et nationales, en tant que membre fondateur du Courant du Futur", a-t-il déclaré."C'est pour cela que j'annonce clairement mon opposition à ce choix".
Le ministre de l'Intérieur, Nohad Machnouk, réputé favorable à l'option Aoun, s'est contenté de dire qu'il n'était pas "l'artisan de l'accord entre Michel Aoun et Saad Hariri". Il a dit espérer qu'il y aura un président de la République le 31 octobre.
Toujours dans la mouvance haririenne, le député Ammar Houri a dit : "C'est parce que je suis en faveur de l'accord de Taëf et de l'héritage de Rafic Hariri que je ne voterai pas pour Michel Aoun".
Le vice-président de la Chambre, Farid Makari, a également fait savoir qu'il ne votera pas pour Michel Aoun, affirmant qu'il ne partage pas les convictions de Saad Hariri à ce sujet.
Le ministre des Télécoms, Boutros Harb, a ironisé, en félicitant "le peuple libanais pour la victoire du chantage politique", en référence à Michel Aoun.
Le ministre de l'Education, Elias Bou Saab, membre de la formation aouniste, a affirmé quant à lui "avoir entendu la voix de feu Rafic Hariri dans le discours du chef du Courant du Futur".
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commentaires (12)
Du courage et du réalisme pour sortir du "tous contre tous"
Chammas frederico
11 h 34, le 21 octobre 2016