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Cinema- - Focus

Yann Arthus Bertrand est humain

Dans le cadre du BIFF, l'Institut français du Liban proposait deux projections du film « Human »* du réalisateur et photographe français. Gratuites et non censurées, il fallait bien ça pour amener le spectateur à se laisser séduire.

Il n'aura pas été simple de passer à côté du film Human de Yann Arthus Bertrand, diffusé pour la première fois le 12 septembre 2015, simultanément au siège des Nations unies à New York (avec la présence de Ban Ki-moon), à la Mostra de Venise, sur France 2 et sur YouTube. Le film est disponible en six langues et dans onze versions différentes, ce qui présente tout de même l'avantage de le rendre disponible au plus grand nombre.
Pour celles et ceux, petits veinards, qui auraient échappé à l'ouragan Human, et son marketing gargantuesque, voilà de quoi il retourne.
Des visages et des témoignages s'enchaînent. Face caméra, cadre serré et fond noir, comme un confessionnal intimiste. Venant de divers horizons géographiques et sociaux, livrant leurs messages sur différents sujets vastes et variés. Bonheur, amour, guerre, discrimination, homosexualité et immigration sont entre autres abordés. Puis des coupures, intervenant toutes les 10 minutes environ, des scènes de paysages, des panoramas, des scènes de foule ou de vie... vues du ciel, ou plutôt vues d'hélicoptère.
Si l'idée du confessionnal paraît bonne en soi, le film se retrouve pris dans son propre piège. La redondance du procédé entraîne rapidement des longueurs et une monotonie anesthésiante (et nous n'avons pourtant eu le droit qu'à la version « courte » de 2h30). Le spectateur, noyé sous un déluge de réflexions et de sujets, n'arrive plus à réfléchir sur rien, tout juste effleurant certaines idées. Visages et mots s'enchaînent jusqu'à l'asphyxie, sans que l'on puisse en retenir leur juste valeur. Trop rapides et trop variés, on ne trouve pas le temps de donner l'attention nécessaire à ces témoignages, du reste poignants et vraisemblablement authentiques, qui mériteraient d'être approfondis tant les sujets sont sérieux et profonds. À la fin de la séance, la cible est ratée. Tous ces humains, dont on aura oublié une grande partie, sont et resteront de parfaits inconnus pour le spectateur.

Engagé ou pas engagé ?
Et le contraste est saisissant entre l'austère mise en scène des témoignages et l'exubérance des paysages, censés certainement offrir une respiration au spectateur. S'il ne faut pas retirer à YAB certaines qualités pour ses plans et panoramas, l'utilisation de slow-motions, de couleurs saturées et d'effets divers, dans une démonstration technique outrancière, amène le paysage jusqu'à l'abstraction. En sacrifiant tout à l'esthétique et à la photogénie, quand même une montagne de déchets devient belle, toute scène se retrouve vidée de son sens, annihilant par là même toute connexion possible avec les témoignages. Quel est le rapport entre ces jolis tableaux, irréels, distants et vaporeux et les témoignages, sérieux et souvent graves, de toutes ces personnes si physiquement présentes dans le cadre ? Par ailleurs, au moment des questions et réponses, animées par Mme Mia Sfeir, journaliste en chef et assistante réalisatrice sur le film, on apprendra, dans une surprise à peine feinte, que YAB a surtout réalisé les plans aériens de son film (qui a dit hélicologiste ?) !
D'autre part, si le financement de ce film paraît moins controversé que celui du précédant Home, financé par le Qatar (et étrangement YAB fait partie des soutiens à la Coupe du monde 100 % écolo au Qatar en 2022), il n'en reste pas moins financé par la famille Bettencourt (adepte du greenwashing), et en partenariat avec Google. Comment un film pourrait-il prétendre vouloir nous sensibiliser sur les inégalités sociales, la misère, l'urgence écologique, les guerres désastreuses, la malnutrition, tout en étant financé par les pontes de cet ordre établi qui en est globalement responsable. Les financements et les moyens de diffusion de ce film sont la preuve même de son inoffensivité à l'égard de ce qu'il semble vouloir changer.
Finalement, ce film ne saura faire que souligner l'ambivalence d'un Yann Arthus Bertrand controversé jusque dans sa propre fondation (GoodPlanet, critiquée pour son manque d'éthique écologique et de transparence). Et cette expérience, à défaut de nous laisser un bon souvenir, nous laissera un vilain arrière-goût d'amertume et d'hypocrisie.

*Les 12 et 13 octobre 2016

Il n'aura pas été simple de passer à côté du film Human de Yann Arthus Bertrand, diffusé pour la première fois le 12 septembre 2015, simultanément au siège des Nations unies à New York (avec la présence de Ban Ki-moon), à la Mostra de Venise, sur France 2 et sur YouTube. Le film est disponible en six langues et dans onze versions différentes, ce qui présente tout de même...
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