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Économie - Splendeurs et misères économiques...

Syrie : l’autre guerre

Né à Beyrouth, Michel Santi est un macroéconomiste franco-suisse qui conseille des banques centrales et des fonds souverains. Il est notamment l’auteur de « Misère et opulence » et « Pour un capitalisme entre adultes consentants », venant de paraître aux éditions Lignes de Repères.

Dans un contexte où les tout récents développements au plan militaire semblent donner une bouée d'oxygène au régime syrien, celui-ci doit aujourd'hui se battre sur un front autrement plus insidieux et subtil, à savoir l'effondrement de la livre, symptôme de la liquéfaction économique et financière du pays. La devise syrienne se retrouve en effet autour des 525 livres (contre 1 dollar), venant de 50 où elle était en 2011. De fait, les réserves monétaires syriennes ont quasi totalement fondu à 1 milliard de dollars aujourd'hui alors qu'elles se situaient à 17 milliards avant le conflit. En dépit des aides russes se chiffrant à environ 5 milliards ces deux dernières années, et malgré les subsides iraniens (impossibles à chiffrer), l'année 2016 s'avère être un authentique cauchemar pour un régime saigné à blanc par ses dépenses militaires et qui ne parvient plus à enrayer la descente aux enfers de sa monnaie.
Du coup, comme le milliard de dollars dont il dispose encore au titre de ses réserves lui permet d'assumer tout au plus un mois de factures d'importations, il se retrouve contraint d'adopter des quotas très contraignants de stricte limitation des denrées importées et d'interdire toute spéculation contre la livre sous peine d'emprisonnement de quinze ans. En outre, la Banque centrale syrienne a adopté une batterie de mesures conventionnelles et hétérodoxes afin de tenter d'amoindrir la pression sur la livre, relayées par un groupe de soutien très actif sur Facebook qui s'est donné l'appellationThe Global Campaign to Support the Syrian Pound. Néanmoins sans grand succès pour calmer la volatilité de cette monnaie, tant et si bien qu'un des responsables des groupuscules islamistes régnant dans les provinces nord-ouest du pays a récemment proposé d'abandonner la livre syrienne au profit de la livre turque.
Outre la préoccupation de régler leurs mercenaires étrangers dans une monnaie stable et donc attractive, ces groupements radicaux poursuivent un second objectif plus machiavélique en cherchant à boycotter les paiements en livre syrienne, qui est l'affaiblissement supplémentaire et ultime de la livre syrienne qui accélérerait ainsi la chute du régime syrien. Pour sa part, Daech – dont la volonté était de fondre des pièces d'or et d'argent afin de revenir aux temps heureux du califat –, a cessé depuis très longtemps de faire usage de la livre syrienne remplacée par le dollar américain qui règne en maître sur le territoire sous son contrôle.
Bref, le régime syrien se retrouve en cet automne 2016 à la croisée des chemins, dans l'incapacité absolue de financer son train de vie et de soutenir les clans qui le soutiennent depuis plusieurs décennies. Cette réalité glacée constitue donc pour Damas une menace existentielle bien plus compliquée à gérer et à surmonter que l'aventure militaire.

Dans un contexte où les tout récents développements au plan militaire semblent donner une bouée d'oxygène au régime syrien, celui-ci doit aujourd'hui se battre sur un front autrement plus insidieux et subtil, à savoir l'effondrement de la livre, symptôme de la liquéfaction économique et financière du pays. La devise syrienne se retrouve en effet autour des 525 livres (contre 1 dollar),...
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