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Liban - Entretien

Philippe Lazzarini à « L’OLJ » : Nous devons aux Libanais une solidarité qui s’exprime dans la durée

« Il ne faut pas considérer la stabilité au Liban comme acquise », met en garde le coordonnateur spécial adjoint de l'Onu.

En visite aux Nations unies pour des « raisons internes de training », le coordonnateur spécial adjoint de l'Onu au Liban, Philippe Lazzarini, a « profité » de sa présence au siège de New York pour discuter de la situation au Liban avec les délégués des États membres. Sa dernière visite, en juin dernier, avait pour objectif le suivi de la mobilisation de la communauté internationale après la conférence de Londres. Dans une interview accordée à L'Orient-Le Jour au Palais de Verre, M. Lazzarini a souligné les enjeux démographiques, économiques, politiques et sécuritaires qui « justifient un redoublement d'attention de la part de la communauté internationale pour le Liban, un pays qui porte un lourd fardeau du fait de la crise syrienne. Aujourd'hui, la situation est la même mais avec encore plus d'urgence, car cela ne fait aucun doute, le pays est en danger », constate-t-il.

Ce grand danger qui guette le Liban avait été mis en exergue par le Premier ministre Tammam Salam lors de son « intervention passionnée » à la tribune de l'Assemblée générale de l'Onu en septembre dernier. Ce vibrant plaidoyer qui fait appel à la solidarité internationale résonne encore au Palais de Verre. « C'est ce message de solidarité internationale » que la coordonnatrice spéciale des Nations unies au Liban Sigrid Kaag et Philippe Lazzarini « portent inlassablement à chaque visite au siège de l'Onu pour s'assurer que cette attention reste vive » dans une situation régionale critique.

 

Intervenir « maintenant »
Le responsable onusien toutefois met en garde contre « l'incroyable résilience libanaise et la capacité d'adaptation » dont tout le monde parle. « Je pense qu'on doit aller au-delà de ce discours, propose-t-il. Parler de cette résilience, en fait, dessert parce que cela signifie que l'on banalise une situation qui est inacceptable. Cela risque de nous inciter à porter notre attention ailleurs », ponctue-t-il. « C'est la raison pour laquelle nous ne cessons de dire qu'il y a, certes, une stabilité dans le pays, mais ne la considérez pas comme étant acquise. Et avec le temps, la résilience s'érode », relève-t-il avec inquiétude. Il faut agir et « intervenir maintenant en mobilisant tous les efforts possibles pour aider la population, les collectivités et les institutions libanaises à gérer une situation exceptionnelle. Le pays a aussi besoin de ressources et de moyens exceptionnels, » suggère ce spécialiste de l'aide humanitaire.

Poursuivre les efforts est la clé. La conférence de Londres avait pour objectif de « rappeler à la communauté internationale que dans une situation qui se pérennise, il est important de montrer plus de prévisibilité dans l'engagement et de soutien. Nous devons aux Libanais une solidarité qui s'exprime sur la durée. Nous devons être suffisamment prévisibles pour dire aux Libanais qu'aussi longtemps que la crise perdurera, la communauté internationale sera à leurs côtés. Nous devons être porteurs de ce message-là », affirme-t-il. « à Londres, l'idée était de transformer un soutien annuel en un soutien multiannuel.
La générosité internationale s'est traduite avec un apport de 1,5 milliard de dollars pour le pays. C'est une somme importante qui ne compense évidemment pas tous les coûts endurés par le pays et par son économie. C'est pour cette raison que nous devons poursuivre ces efforts », rappelle-t-il.

 

(Pour mémoire : Lazzarini appelle à soutenir les conseils municipaux du Hermel)

 

Nouvelle approche
Philippe Lazzarini relève l'importance des « ressources exceptionnelles » déployées par « une présence onusienne exceptionnelle » dans le pays. « Avec 25 agences, la mission de la Finul au Liban-Sud et la mission politique sur place, c'est certainement une des présences des plus denses de Nations unies dans la région », affirme-t-il. « Il est important de tout faire pour que le soutien au Liban reste élevé pour s'assurer de l'engagement des États membres, afin de matérialiser la stabilité du pays. » C'est dans cet objectif qu'une réunion du Groupe de soutien international au Liban (GSIL) est prévue prochainement à Paris. « L'agenda de cette réunion n'a pas encore été établi », précise-t-il.

La rencontre de M. Lazzarini avec les délégués des États membres a permis de faire le point sur la situation, les développements en cours et trouver des alternatives pour le Liban. À cette occasion, le responsable a mis en exergue une nouvelle approche qui décrit la contribution de l'Onu dans les quatre prochaines années. « Nous avons défini trois piliers de cette approche : le premier met en évidence la stabilité et la paix du pays ; le deuxième concerne la stabilisation, le soutien et la bonne gouvernance ; et le troisième est lié à l'impact socio-économique ». Il s'agit « de définir et d'adresser les problèmes antérieurs à la crise syrienne, et d'aider le Liban à en limiter l'impact, comme nous le faisons dans le cadre du Lebanon Crisis Response (LCR) de la communauté internationale », explique-t-il.

 

Vulnérabilité « enrayée »
Lors de ses discussions avec les représentants des États membres, le responsable onusien a soulevé les alternatives actuelles, la solidarité internationale, les solutions durables et le soutien aux réfugiés et migrants. Rappelant la « position claire » du Liban vis-à-vis des ces derniers – « le Liban n'est pas une terre d'asile ni une terre où les réfugiés des pays voisins pourront s'intégrer » –, Philippe Lazzarini indique que « c'est pour cette raison que l'Onu promeut principalement leur réinstallation dans des pays tiers » ou leur retour dans leur pays une fois qu'une solution politique et les conditions sécuritaires seront réunies. « Entre-temps, il est absolument essentiel que l'on redouble d'effort pour soutenir à la fois les collectivités locales et les réfugiés », insiste-t-il.

Le coordonnateur onusien rappelle enfin le dernier rapport d'évaluation de l'Onu sur la vulnérabilité des réfugiés syriens au Liban, mettant en relief l'état de pauvreté de la population, avec plus de 70 pour cent de Syriens et plus de 30 pour cent de Libanais vivant au-dessous du seuil de pauvreté, et plus de 10 pour cent de Libanais au-dessous du seuil d'extrême pauvreté. Que signifient ces chiffres ? « La situation des Syriens ne s'est pas fortement détériorée par rapport à 2015, note-t-il. On a réussi à enrayer plus ou moins la vulnérabilité des Syriens et cela uniquement grâce aux efforts des communautés locales et de la communauté internationale. C'est la raison pour laquelle une plus grande assistance est nécessaire pour éviter d'exacerber le population locale », conclut-il.

 

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