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Moyen Orient et Monde - Terrorisme

« S’ils rejoignent Daech, c’est pour mourir et ils le savent »

La religion ne joue pas le premier rôle dans la volonté de mourir en martyr.

Le 14 juillet dernier, l’attaque terroriste de Nice au camion bélier a causé la mort de 86 personnes. Photo AFP

Comment un homme peut-il prendre le volant de son camion et rouler sur des centaines de personnes sur plus de deux kilomètres ? Qu'est-ce qui pousse un adolescent à égorger un prêtre octogénaire dans son lieu de culte ? Impossible de ne pas se sentir désemparé devant l'idéologie et les pratiques de l'organisation jihadiste. Devant la multiplication des atrocités commises par l'État islamique, l'être humain préfère se dire que ces individus sont « simplement fous ». Sans justifier les actes des kamikazes, il existe toutefois plusieurs explications à cette volonté de mourir en martyr.

Mourir en martyr
La puissance idéologique de l'EI attire des jeunes du monde entier. Du Brésil à la France en passant par le Maroc, la palette de recrutement est large : elle peut aller d'un jeune marginal jusqu'à un ingénieur diplômé. S'il n'existe pas de profil-type d'un partisan de l'organisation jihadiste, tous ses adhérents se rassemblent dans l'idée d'une révolution mondiale. Ils aspirent également à la création d'un État dans lequel les lois d'Allah seraient appliquées et où les musulmans vivraient en sécurité. Rachid Benzine, chercheur à l'Observatoire religieux d'Aix-en-Provence, explique que l'État islamique offre quatre rêves : l'instauration du califat, une dignité, une purification et un sens à la mort. Pour accéder à ces idéaux, certains sont prêts à y laisser leur vie. « S'ils rejoignent Daech (acronyme arabe de l'EI), c'est pour mourir et ils le savent. La mort fait partie de leur engagement », souligne l'islamologue Olivier Roy. Ainsi, le kamikaze est persuadé que son sacrifice est un acte de bravoure qui lui assurera une place au paradis. « C'est un acte d'espoir, pas de désespoir », souligne pour sa part Élie Karam, professeur et psychiatre à l'hôpital Saint-Georges de Beyrouth.

La plupart des attentats commis par l'EI sont stratégiques et mûrement réfléchis. En s'attaquant aux citoyens occidentaux, l'organisation jihadiste entend également dissuader certains gouvernements à poursuivre leurs frappes en Syrie.

(Lire aussi : « L'État islamique m'a fait un lavage de cerveau »)

 

« Super-héros négatif »
Dans un acte kamikaze, « la dimension religieuse existe, mais elle n'est pas la première », souligne Olivier Roy. « Très peu de ces individus fréquentent les mosquées de manière régulière avant de se radicaliser. » Pour le spécialiste, la religion ne jouerait donc un rôle qu'à partir du moment où les partisans de l'EI basculeraient dans la radicalité. Ainsi, les jeunes sont fascinés par le grand récit de l'EI qui fait d'eux des « super-héros négatifs », selon Olivier Roy. En se donnant la mort au nom de la plus terrifiante organisation terroriste de nos jours, le kamikaze deviendra « célèbre » et fera la une des journaux. « Cela nous rassure de dire qu'ils sont simplement fous. Mais il ne faut pas minimiser la dimension religieuse », renchérit Rachid Benzine.

Une question revient alors sans cesse : certains psychopathes rejoignent-ils Daech pour réaliser leur folie ? « Même si certains commettent ces actes par agressivité à titre individuel, la plupart d'entre eux ne sont pas anormaux ni malades. Si cela était le cas, l'organisation ne durerait pas durant des mois », note de son côté le psychiatre Élie Karam.

(Lire aussi : Les volontaires occidentaux se bousculent pour combattre les jihadistes en Irak)

 

Passage à l'acte
Lorsqu'il passe à l'action, le kamikaze embrigadé n'a donc pas l'impression de commettre un meurtre puisqu'il est persuadé de faire le bien. « Ils ont déjà basculé dans la mort », affirme Olivier Roy. Souvent d'un calme total, comme cela a été le cas lors des attentats du 13 novembre à Paris, les kamikazes peuvent alors abattre de sang-froid les « infidèles ». « Le passage à la violence nécessite la déshumanisation de l'autre. Ceux qu'ils considèrent comme des mécréants sont représentés comme des animaux », affirme Rachid Benzine.
L'acte de bravoure actera alors l'avènement d'un monde meilleur...


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