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Culture - Rencontre

Deux ou trois choses que vous ne savez pas sur Élias Rahbani

Le troisième des frères Rahbani (de la première génération) se produit en concert demain soir dans le cadre du Festival de Kobeyate*. Accompagné d'un orchestre de 52 musiciens et choristes, il fera revivre à son auditoire, à travers ses plus belles compositions, l'âge d'or de la chanson libanaise.

Élias Rahbani dans ses studios de Naccache.

L'homme est fidèle à son image. Affable et enjoué. Dans ses studios de Naccache qu'il partage avec ses fils Ghassan et Jad, Élias Rahbani possède son bureau personnel, son antre. Sur sa table trônent d'anciennes photos de lui en compagnie de Assi et Mansour, tandis que tout un pan de mur est entièrement recouvert des CD qu'il a produit au cours de ses cinquante et quelques années de carrière.

De Ya tayr el Worwar, chanté par Feyrouz, à Ho Capito que Ti Amo, devenu le label de Jo Diverio (l'Italien de Beyrouth) et des fêtes beyrouthines sous les bombes, en passant par la Mory Mory de Samy Clark ; Ya Amar el-Dar de Wadih el-Safi, Am behlamak ya helm ya loubnan de Majida el-Roumi (sur les paroles de Saïd Akl) jusqu'au Beddeh 3ich de Haïfa, Élias Rahbani a, en toute discrétion, marqué de son empreinte le paysage musical libanais des années 60 à 90.

Derrière une figure joviale se cache sans doute le plus prolifique des frères Rahbani. A son actif, 6 500 œuvres au total. Des chansons, des opérettes, des génériques d'émissions radiophoniques, des musiques de téléfilms, des hymnes divers (plusieurs francophones, un hymne pour le Congrès américain et 150 hymnes - certains pour des partis - libanais)... Et plus de 3 500 jingles publicitaires (dont les célébrissimes Ray-O-Vac ; La Vache qui rit ; Barilla Ma3caroni), un domaine dans lequel il a été pionnier au Moyen-Orient.
Affirmer que ses compositions font partie de la culture populaire, sinon de la mémoire collective libanaise, ne serait donc pas une hérésie.

Certaines de ses mélodies, comme Habibati ou Diala évoquent spontanément la bande-son d'une époque, et semblent familières même aux oreilles d'une génération qui n'a pas connu les décennies 70 et 80. Pour autant, le talent de ce musicien, auteur-compositeur, pianiste et chef d'orchestre n'a pas été reconnu à sa juste valeur. Et sa renommée artistique a sans doute été un peu phagocytée par celle du binôme formé par ses frères, Assi et Mansour.

 

(Pour mémoire : L'esprit Assi Rahbani, à jamais dans l'air...)

 

Compositeur tous azimuts
Évidemment, il a collaboré avec ses célèbres frères et l'iconique Feyrouz, pour qui il a écrit quelques célèbres chansons. Évidemment, il a suivi en partie la trajectoire scénique-musicale de ses aînés (de 13 et 14 ans), en présentant notamment sa première pièce de théâtre à Beiteddine en 1972. « Il s'agissait d'Ayyam Sayf, qui réunissait plusieurs grands noms tels que Wadih el-Safi, Nasri Chamseddine, Melhem Barakat et Georgette Sayegh », se souvient-il. Plusieurs autres suivront, dont : Wadi Chamsin ; Safrit el-ahlam ; al-Andalouss... Mais Élias Rahbani, à l'inspiration féconde, a aussi exploré d'autres trajectoires musicales, plus ouvertes sur le monde.

C'est à l'âge de 19 ans, après plus de 12 années de cours de piano au Conservatoire national et auprès de deux grands professeurs, Bertrand Robillard et Michel Bourgeot, « dont j'ai eu la chance d'être l'élève », souligne-t-il, qu'Élias Rahbani se met à la composition... de pièces classiques. « J'en ai écris une quarantaine que je n'ai dévoilées au public que dernièrement, lorsqu'à l'insistance d'un ami vivant aux États-Unis, elles ont été interprétées en concert à West Point », révèle-t-il.

« Au bout de toutes ces années, il y a encore des gens qui me demandent étonnés : 'c'est toi qui a composé tel ou tel morceau ?', déplore Élias Rahbani. Et notamment quand il s'agit de chansons françaises, alors que j'ai été le premier au Moyen-Orient, dans les années 60, à écrire et composer des chansons en français, et par la suite en anglais et en italien, qui ont été interprétées par des Libanais. A l'instar de Je te jure ; Que sera ma vie sans toi ; La dernière danse... ».

Des titres qui ont bercé la jeunesse libanaise d'avant-guerre et enregistré nombre de succès dans les concours de chansons à l'étranger, dont certains remportés haut la main, à l'instar de La guerre est finie interprétée par Manuel (2e prix du Festival international de la chanson d'Athènes) ou encore Mory Mory qui a valu à Samy Clark, dans les années 80, le Prix Menschen und Meer en Autriche.

La chanson française, son premier amour
« J'ai toujours aimé la France », assure le musicien qui a été nommé chevalier des Arts et de la Culture par feu l'ambassadeur de France au Liban, Denis Pietton qui lui a également décerné la Légion d'honneur. Et pour cause, c'est à la France qu'il doit – étonnamment pour le petit frère des chantres du patrimoine libanais – son éveil musical. « Les premières chansons que j'ai fredonnées, vers 4-5 ans, sont celles que chantaient les soldats français qui fréquentaient le restaurant que tenait mon père à Antélias.

Puis, un peu plus tard, c'est le son du piano en provenance de l'école des sœurs Antonines, qui jouxtait notre maison à Antélias, qui m'a captivé. Je me souviens notamment d'une nocturne de Chopin et d'un requiem de Jean-Sébastien Bach qui ont été mes premières initiations à la musique ». C'est ainsi qu'il choisira le piano, qu'il étudiera durant 12 ans. « J'ai eu la chance d'avoir été l'élève de deux grands professeurs », dit-il.
Grand amoureux de la chanson française, il écoute encore et toujours en boucle La vie en rose, Je suis seule ce soir ou encore Que reste-t-il de nos amours, les tubes qui ont marqué ses étés d'adolescents rêveur à Bickfaya.

« Ya Snine yallé rah terja3ileh »
Son grand regret : « Être retourné au Liban en 1977, après quelques mois passés en France. J'avais été à Paris avec ma famille durant la guerre. Et là, par un concours de circonstances, j'avais fais la rencontre d'André Willemin, directeur artistique de plusieurs grandes stars de l'époque, à l'instar de Paul Mauriat, Mireille Mathieu... Il m'a proposé une carrière internationale. Mais sur le point de signer, je reçois un appel de mon frère Mansour qui préparait un spectacle. Il m'a juste dit que je lui manquais. La nostalgie de ma terre, de ma famille et de ma maison m'a submergé. J'ai reculé... », confie-t-il.

Ce qui le chagrine aussi « outre la situation dans ce pays, pourrie par une classe politique corrompue jusqu'à la moelle, la baisse de niveau de la chanson libanaise ». « Alors qu'il y a deux décennies encore, nous étions les rois de la région », dit-il. Mais cela ne l'empêche pas de continuer à composer, par passion, « parce que la musique c'est ma vie et qu'elle me trotte dans la tête en permanence ». Pour le concert qu'il donnera ce soir dans le cadre du festival de Kobeyate, Élias Rahbani a prévu un bouquet de chansons tirées du répertoire « Rahbaniote », qui seront interprétées entre autres par Pascale Sakr, Bassima, Rania el-Hajj, Gilbert Jalkh ou encore son fils Ghassan Rahbani qui l'accompagneront sur scène. Un concert qui sera sans doute chargé d'une douce nostalgie. Celle notamment de Ya Snine yallé rah terja3ileh !

* Samedi 13 août. Billets en vente au Virgin Ticketing.

 

Pour mémoire

Élias Rahbani ravive un répertoire immortel

L'homme est fidèle à son image. Affable et enjoué. Dans ses studios de Naccache qu'il partage avec ses fils Ghassan et Jad, Élias Rahbani possède son bureau personnel, son antre. Sur sa table trônent d'anciennes photos de lui en compagnie de Assi et Mansour, tandis que tout un pan de mur est entièrement recouvert des CD qu'il a produit au cours de ses cinquante et quelques années de...

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