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Culture - Festival de Byblos

Les fils de la nuit frôlent les étoiles

L'avenir appartient décidément aux retardataires : six ans après son tout premier concert à Byblos, Mashrou' Leila est enfin revenu sur le vieux port, hier soir, pour électrifier la foule et le ciel. Les cinq enfants terribles du groupe, portés par leurs deux mélancoliques souverains – Hamed Sinno au chant et Haig Papazian au violon – ont présenté pour la première fois Ibn el-Leil, leur quatrième opus, devant le public. Après avoir traîné leur sillage sulfureux et leurs valises d'Europe aux États-Unis, en passant par Amman et Tunis, ils prennent leur temps avant de faire leur apparition. L'intro de « Aoede » monte lentement ; l'attente devient frénétique et, soudain, grimés en démons de la nuit, ils sont là. Presque comme s'ils n'étaient pas partis du tout, ils rappellent, dès les premières notes, à leurs détracteurs pourquoi la jeunesse du Liban et d'ailleurs les a choisis. Pour la simplicité avec laquelle ils content les désillusions d'une génération qui regarde sa vie de haut, qu'elle soit perchée sur la lune ou sur des talons de 15 centimètres. Pour leurs rythmes entêtants et leurs paroles clandestines. Et, sûrement aussi, parce qu'ils sont les fils tentateurs de la nuit libanaise : celle qui fascine, qu'elle porte rouge à lèvres ou conseil.


(Lire aussi : Cinq Beyrouthins de fer dans un gant de velours)

 

Solaires
D'un charisme fou, Mashrou' Leila se délecte de ces retrouvailles d'un instant. Rarement ses fils auront offert à leurs fans autant de facettes qu'hier soir : débauchés et angéliques, nihilistes et engagés, jouisseurs contrariés et insomniaques candides. L'attendue « Ibn el-Leil » est chantée, presque en entier, sans oublier les étincelles « Fasateen » et « Lil Watan » des débuts. Sans exception, chacun des titres est repris en chœur par la foule. Les musiciens oscillent entre maîtrise et abandon, noyés dans l'encre de la nuit opaque où s'égarent avec eux vagabonds, démons et amants. Hamed Sinno, chevelure argentée et ailes noires, crève plus que jamais la scène. Puis vient la démesure finale sur « Marrikh ». Le chanteur prend le large sur des notes célestes, avant que la nuit ne rabatte négligemment son manteau.

 

(Pour mémoire : « Nous continuerons à prôner l’égalité et l’amour dans nos chansons »)

 

Lunaires
Plus qu'un sacre, la nuit d'hier était pour le groupe une nuit de noces, qui a vu se fiancer leurs rêves et la réponse de leur public, un an après leur dernière apparition sur la scène beyrouthine, et surtout après leur prise de risque Ibn el-Leil. Le groupe promettait de donner l'un des concerts porteurs du festival de Byblos 2016, programmé juste avant le monstre pop Sia le 9 août. Défi relevé avec un spectacle d'une cohérence rigoureuse, musicalement et visuellement. Alors, on ne sait plus vraiment que dire ou écrire sur Mashrou' Leila. Trop médiatisés, trop controversés, trop adulés ; critiqués, glorifiés ou démystifiés ; il ne reste que le silence, en se laissant bercer par leur présence sensuelle et envoûtante. Pour finalement le constater : le phénomène pop-rock a assuré une performance professionnelle, à la hauteur de son nouveau statut. Certes, le concert laisse à certains puristes un goût amer : les tonalités de Mashrou' Leila s'engouffrent – avec brio – dans la brèche pop ouverte par leur dernier album. Certes, il a cruellement manqué une version acoustique de « Imm el-Jacket », ou pourquoi pas « Kalam ». Certes, Mashrou' Leila est devenu mainstream. Mais peut-être est-ce pour le mieux. Hier soir, il a définitivement enterré l'underground des deux pieds en sautant sur sa carcasse alternative, jusqu'à atteindre le ciel et frôler les étoiles.

 

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