Bassem Youssef à Beiteddine ce soir, malgré la requête en justice de Moustapha Hamdane

Le festival de Beiteddine accueille ce soir l'animateur satirique égyptien Bassem Youssef, connu pour avoir fortement critiqué les régimes de Mohammad Morsi et de Abdel-Fattah al-Sissi instaurés en Égypte après les révolutions de janvier 2011 et juin 2013 respectivement. Mais ses satires n'avaient pas épargné l'ancien président égyptien Gamal Abdel Nasser : il y a quelques années, l'animateur avait appelé les Égyptiens à « ne pas revenir » aux dictatures de Nasser et de Moubarak.

À la veille de la prestation prévue de Bassem Youssef dans le cadre du festival de Beiteddine, l'ancien chef de la Garde républicaine, le général à la retraite Moustapha Hamdane, a présenté une requête en justice à l'encontre de l'animateur égyptien devant la juge des référés de Beyrouth, Zalfa Hassan.
M. Hamdane entend, selon ses propres termes, « interdire à Bassem Youssef et ses semblables d'user de tribunes artistiques à but lucratif pour faire des déclarations politiques qui pourraient mener à des problèmes sécuritaires liés à deux sujets importants : porter atteinte à Gamal Abdel Nasser, grand symbole arabe, et évoquer la normalisation des relations avec l'ennemi israélien ». « Ces mesures ne visent pas à porter atteinte à la liberté d'expression et d'opinion, mais ont pour objectif de protéger notre liberté de pensée politique et de court-circuiter toute tentative de porter atteinte à la cause de la Palestine, cause centrale de la nation arabe », poursuit M. Hamdane dans un texte de justification de sa requête.

Maan Assaad, avocat de M. Hamdane, a précisé dans une déclaration devant le palais de justice de Beyrouth que la requête porte sur « une décision qui interdirait à Bassem Youssef de porter atteinte au président Nasser, sous peine de payer une amende de 50 millions de livres ».

Vice de forme
De sources judiciaires, on apprend que la procédure légale appliquée dans ce cas stipule tout d'abord que la personne concernée (en l'occurrence M. Youssef) devrait tout d'abord être notifiée de l'action intentée contre elle. Selon les mêmes sources, « le recours vise pratiquement à interdire à Bassem Youssef de se produire à Beiteddine. Faute de temps (le spectacle étant prévu ce soir), la juge des référés devrait prendre une décision le plus tôt possible ».

« La juge pourra donc rejeter la requête pour vice de forme, le général Hamdane n'ayant pas la qualité pour agir en justice dans le cadre de cette affaire principalement liée à la préservation des libertés publiques », a-t-on ajouté de mêmes sources, avant d'indiquer que la juge pourrait en revanche « demander d'annuler certaines expressions qui porteraient atteinte aux affinités politiques de certaines personnes ». Dans les mêmes milieux, on estime que Mme Hassan devrait rejeter la requête pour manque de qualité à agir, avant de souligner que « dans de tels cas, il faut saisir la Sûreté générale qui exerce normalement la censure sur les œuvres artistiques ».

« Un oasis de liberté »
Cette action influencera-t-elle le spectacle de Bassem Youssef à Beiteddine ? Interrogée par L'Orient-Le Jour, la présidente du comité du festival, Nora Joumblatt, répond par la négative. Selon elle, « le comité a invité l'animateur Bassem Youssef au festival parce qu'il anime une émission satirique évoquant la politique et la société ». Pour Mme Joumblatt, « le Liban est un pays démocratique qui respecte toutes les opinions. Ainsi, il n'y a pas de raisons de créer toute une polémique autour du spectacle de Bassem Youssef ». « Nous avons besoin d'un oasis de liberté d'expression au Moyen-Orient », a martelé Nora Joumblatt.

Pour mémoire
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