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À La Une - Reportage

Le mémorial spontané des attentats de Paris disparaît de la place de la République

Un grand nettoyage décidé par la mairie, mais diversement apprécié.

Transformé en mémorial aux victimes des attentats jihadistes, le monument de la place de la République à Paris va retrouver son aspect habituel, débarrassé des tags, bougies et fleurs accumulés au fil des mois. Photo AFP / Thomas SAMSON

Transformé en mémorial aux victimes des attentats jihadistes, le monument de la place de la République à Paris va retrouver son aspect habituel, débarrassé des tags, bougies et fleurs accumulés au fil des mois, un grand nettoyage décidé par la mairie, mais diversement apprécié.

Mardi, malgré la pluie, des ouvriers s'activaient à enlever par "hydrogommage" du socle de la statue à la gloire de la République sa gangue d'affiches et d'inscriptions, sous le regard de passants tenus à distance par des barrières de chantier, et à quelques dizaines de mètres d'un discret mémorial officiel installé en janvier.

"C'est très douloureux. J'étais là à tous les attentats. Quand j'ai entendu qu'on nettoyait la place je suis tout de suite venue, il fallait que je vienne voir ça une dernière fois", confie à l'AFP Raïnatou Méféré, une jeune Parisienne originaire du Cameroun.

Au même moment avaient lieu à Rouen (nord-ouest) les obsèques du prêtre assassiné par deux jeunes jihadistes le 26 juillet, un attentat qui, avec celui du 14 juillet à Nice (sud, 84 morts), témoigne de la persistance de la menace.

C'est de la place de la République, haut lieu des manifestations populaires, qu'est partie le 11 janvier 2015 la manifestation monstre qui a suivi les attentats contre l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo, des policiers et un supermarché casher (17 morts). Et c'est là aussi que les Parisiens ont spontanément afflué après les massacres du 13 novembre dans la salle de spectacles du Bataclan, aux terrasses de café et près du stade de France (130 morts).

Mais, avec le temps, les témoignages d'émotion inscrits sur le socle de la statue ont été partiellement recouverts par des tags illisibles. Et de mars à juillet, la place a accueilli les rassemblements quotidiens d'un mouvement citoyen baptisé "Nuit Debout", attirant aux côtés de militants cherchant à réinventer la politique des marginaux peu soucieux des symboles.

Tout sera enlevé "pour rendre à cette statue et à son socle imposant un caractère normal. C'est un très beau socle aujourd'hui très peu visible et assez abîmé", explique Bruno Julliard, premier adjoint de la maire de Paris, Anne Hidalgo.
"Certains tags ne sont pas très beaux, donc nettoyer c'est nécessaire", approuve Thibaut Chaize, 32 ans, qui travaille dans le quartier.

 

(Dossier spécial : Dans quoi sombre l’Europe ?)

 

'Oublier c'est impossible'
Dès janvier, la mairie a régulièrement retiré les bouquets fanés, effacé les graffitis injurieux, et collecté ou photographié les objets et affiches déposés par les passants, qui sont versés aux archives de la ville.

Et à un angle de la place, au pied d'un jeune chêne planté à cette occasion, une plaque rend hommage aux "victimes des attentats terroristes de janvier et novembre 2015". Plus discrète que l'imposante statue de la République, elle est cependant flanquée de bougies et de quelques bouquets de fleurs.

Des plaques ont aussi été apposées sur les lieux des attentats de janvier, sur la façade de l'immeuble où se trouvaient alors les locaux de Charlie Hebdo, une rue tranquille distante de quelques centaines de mètres de la place de la République, et sur le trottoir où un policier a été froidement abattu dans leur fuite par les tueurs. Le magasin Hyper Casher devant lequel des photos ou des écrits subsistent à la mémoire des victimes juives qui étaient dans l'établissement, bénéficie aussi d'une plaque commémorative.

Dans les deux premiers cas, l'hommage officiel s'est doublé des hommages anonymes d'artistes de rue : sur l'immeuble de "Charlie", les portraits de son directeur Charb et de l'un des dessinateurs, Cabu. Et sur un transformateur électrique sur le boulevard, celui du policier, Ahmed Merabet.
"C'est très beau", apprécie un habitant du quartier, Jean-Paul Caillouet, un graveur ciseleur à la retraite. "Des mémoriaux comme celui-là, je suis d'accord. Mais place de la République c'était devenu n'importe quoi, les gens ne respectent plus rien".

Face au Bataclan, les centaines de bouquets, affiches, mots et dessins griffonnés qui ont occupé le trottoir des mois durant ont tous disparu. La façade de la salle de spectacles, en travaux et qui prépare sa réouverture, est dissimulée par des palissades. Mais des gens s'arrêtent, se prennent en photo. Une femme accroche un bouquet de roses et essuie une larme. "J'aurais pu être là", explique Isabelle Demouchy. "J'étais venue en touriste, j'ai hésité ce soir-là entre un spectacle au Lido ou le Bataclan. C'est la première fois que je reviens à Paris depuis".
"On se dit qu'il faut continuer de vivre... Les gens font semblant d'oublier, mais c'est impossible", ajoute-t-elle.

 

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