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Liban - Le drame des Libanais réfugiés en Israël

Milia a vu ses parents pour la dernière fois en 2000 quand elle avait dix ans

Lorsque les soldats israéliens se sont retirés du Liban-Sud en mai 2000, des milliers de Libanais de la bande frontalière, qui travaillaient dans les rangs de l'Armée du Liban-Sud ou en Israël, ont quitté le pays avec eux. Leurs familles les attendent toujours. Témoignage...

La plaine est au Liban, les collines se trouvent en Israël. Une forte impression de proximité... mais la distance est infranchissable.

Milia a 26 ans. Elle habite avec son grand-père une vieille maison non loin de l'ancienne église de Debl, un village exclusivement maronite du caza de Bint Jbeil, à la frontière avec Israël.
Brune et mince, la jeune femme raconte calmement son histoire. Sans verser des larmes et en regardant son interlocuteur droit dans les yeux. Elle affiche un air de défi mais aussi de résilience, propre à ces personnes qui ont trop enduré mais qui ont tenu, coûte que coûte, à préserver leur dignité dans la souffrance.

Cela fait 16 ans que Milia n'a pas vu ses parents, partis de l'autre côté de la frontière avec le départ de l'armée israélienne de la bande frontalière.
« J'avais un peu plus de neuf ans, en mai 2000, souligne Milia. Nous avons été à la porte de Rmeich à pied, mon père, ma mère et mes deux sœurs. L'une avait quatre ans. L'autre était encore un nourrisson. Il y avait un monde fou. On avait peur. Nous avons franchi la frontière. Durant une semaine, les Israéliens nous avaient placés dans des camps à Tabaria. Ils s'occupaient de nous. Ils nous ramenaient jouets et chocolats. Nous étions des réfugiés. Ils nous ont envoyés ensuite durant quatre mois à Saint-Jean-d'Acre. J'ai été à l'école deux jours, en octobre, puis je suis rentrée au Liban. »

« Mes parents, comme tout le reste des Libanais partis en Israël et tout comme leurs parents restés au Liban, pensaient que c'était une affaire de mois, qu'une paix serait signée ou qu'une formule serait trouvée à tous ceux qui avaient travaillé avec l'Armée du Liban-Sud (ALS) et qu'ils finiraient par rentrer rapidement chez eux, rapporte Milia. Mes oncles, restés au Liban, ainsi que mes parents ont jugé bon de me renvoyer au Liban pour que je ne perde pas une ou deux années scolaires... À l'école, tout était en hébreu. Je suis rentrée donc avec des cousins plus âgés que moi, qui devaient venir suivre des études universitaires. Nous avons pris un bus relevant des Nations unies et nous sommes arrivés à Naqoura. L'armée nous a fouillés. J'avais avec moi une trousse noire avec un Mickey dessiné dessus, le soldat l'a prise. J'ai crié : Mais ce n'est pas inscrit dessus en hébreu. J'ai le droit de le garder... Il ne me l'a pas redonnée. Ils m'ont posé quelques questions, j'ai fait comme mes parents m'ont dit : quoi qu'on te demande, tu réponds par "je ne sais pas". »

(Pour mémoire : Liban : le Parlement adopte la loi sur le retour des réfugiés en Israël)

 

Huit ans sans parler à ses parents
Milia rentre à Debl. Elle est prise en charge par un oncle paternel. Ses grands-parents sont âgés et toutes ses tantes maternelles vivent en Israël. Elles avaient épousé durant les années quatre-vingt des Israéliens arabes, des chrétiens palestiniens qui vivent en Galilée. Pour elles aussi, la frontière est fermée depuis seize ans.
Milia pleure, durant un an, toutes les nuits avant de dormir. Plus tard, elle est placée dans un internat religieux à Jbeil. Jusqu'au bac.

« Je m'attendais à voir mes parents à Noël, quelques mois après mon retour, indique-t-elle. Mais ce Noël-là, mon oncle leur a parlé au téléphone. Il m'a passé l'appareil. C'était la première fois que j'entendais leur voix depuis mon départ. Je me suis mise à pleurer. Mon oncle, qui avait peur d'être poursuivi par la police pour contact avec Israël, ne voulait pas que je parle à mes parents. Plus tard, je demandais à leur parler, il me rétorquait : "Tu leur as parlé une fois et tu n'as pas arrêté de pleurer. C'est fini." Depuis, j'ai appris à ne plus pleurer. »

Milia reste huit ans sans parler à ses parents restés en Israël. Elle apprend de leurs nouvelles, voit leurs photos par le biais de gens du village. Beaucoup sont rentrés d'Israël au fil des ans. Elle apprend qu'elle a un frère, âgé actuellement de 12 ans, et que ses parents l'aiment beaucoup parce qu'il lui ressemble.
« Mes deux sœurs sont blondes. Je suis brune. Il est brun comme moi », explique-t-elle.
Un jour, alors qu'elle est à l'université (elle détient un diplôme d'informatique de gestion de l'Université libanaise), elle décide d'entrer en contact avec ses parents.
« C'était au temps de MSN. Je les ai eus à l'autre bout de la ligne. Et, depuis, je leur parle presque tous les jours. Je parle avec ma mère, mon père, ma sœur qui a actuellement 21 ans. Les benjamins, je ne les connais pas vraiment. Tous les jours, je leur dis : "Vous me manquez" et "Je vous aime". »

En attendant un miracle
Et d'ajouter : « Nous avons appris à ne pas donner des détails de nos vies. Je sais que je suis sous écoute. J'avais contre moi un mandat d'amener. Je n'ai jamais su pourquoi, peut-être parce que je contacte un pays ennemi... Nous faisons donc attention. Je ne parle pas de détails avec eux. C'est mieux comme ça. »
« Cela fait 16 ans que je ne les ai pas vus, depuis ce matin-là, quand j'avais pris le bus à Saint-Jean-d'Acre. Je sais que ma mère ne veut plus vraiment attendre. Elle veut que j'aille passer du temps à Chypre, avec la famille... Mais je ne sais pas si je tiendrai le coup. Il m'a fallu beaucoup de temps quand j'étais petite pour accepter l'idée. Je ne sais pas dans quel état je serai si je les revois », poursuit-elle.

Depuis une douzaine d'années, les Libanais ayant de la famille en Israël et qui désirent voir leurs proches à Chypre sont obligés d'informer les services de renseignements de l'armée avant leur départ et à leur retour. Ils subissent à leur retour une forme d'interrogatoire au siège des services de renseignements du Liban-Sud, à Saïda.
« Je vis ma vie en attendant je ne sais quoi... En attendant un événement, un miracle. Celui de revoir mes parents et de rester pour toujours avec eux. Qu'est-ce qui me manque le plus chez mes parents ? Tout. Je veux juste courir vers eux pour les serrer très fort contre moi », conclut-elle.

 

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commentaires (3)

La solution de la crise Libanaise des années 70 a 90 a été réglé en donnant la main au mauvais coté pour des raisons fausses et essentiellement a cause des frasques du Général Aoun. Ces gens la qui ont défendu le Liban en fonction des ordres reçus par l’état, alors déliquescent, paie aujourd'hui le prix de la démagogie du Hezbollah qui ne veut pas les voir retourner afin de ne pas remettre en question sa main mise sur la région.

Pierre Hadjigeorgiou

12 h 04, le 21 juillet 2016

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Commentaires (3)

  • La solution de la crise Libanaise des années 70 a 90 a été réglé en donnant la main au mauvais coté pour des raisons fausses et essentiellement a cause des frasques du Général Aoun. Ces gens la qui ont défendu le Liban en fonction des ordres reçus par l’état, alors déliquescent, paie aujourd'hui le prix de la démagogie du Hezbollah qui ne veut pas les voir retourner afin de ne pas remettre en question sa main mise sur la région.

    Pierre Hadjigeorgiou

    12 h 04, le 21 juillet 2016

  • IL FAUT TROUVER UNE SOLUTION AU DRAME DE CES HOMMES... ET LEURS FAMILLES... QUI S,ETAIENT LIGUES AU DIABLE POUR COMBATTRE LES VISEES ARAFATIQUES SUR LE PAYS !!!

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 49, le 21 juillet 2016

  • Pourquoi ceux qui ont collaboré avec l;'occupant israélien n'auraient-ils pas le droit de rentrer dans leur pays alors que ceux qui ont collaboré avec l'autre occupant n'ont jamais été inquiétés? Pourquoi deux poids, deux mesures?

    Yves Prevost

    06 h 42, le 21 juillet 2016

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