Le drapeau de l\'Union européenne flottant aux côtés du drapeau britannique à Londres à la veille du référendum sur le maintien du Royaume-Uni...
Les Britanniques décideront aujourd'hui s'ils veulent ou non rester dans l'Union européenne (UE). Pour L'Orient-Le Jour, Yves Bertoncini, directeur de l'Institut Jacques Delors, analyse les enjeux de ce scrutin pour l'avenir du projet européen.
L'UE peut-elle survivre à un Brexit ?
Absolument. Elle peut survivre comme un homme ou une femme survivrait à une amputation. La sortie du Royaume-Uni serait comparable à l'amputation d'un membre supérieur, un bras par exemple. C'est très douloureux, mais ce n'est pas mortel. Leur sortie ne porterait pas atteinte aux jambes de l'UE, la France et l'Allemagne, et l'UE continuerait à marcher. Le véritable danger, c'est qu'il y ait une gangrène, un effet de contagion auprès d'autres pays.
Comment éviter l'effet de contagion ?
Je ne crois pas à un effet de contagion, pour deux raisons. Premièrement, si on regarde les sondages, il n'y a pas vraiment de pays, à l'exception du Danemark, où il y a un tel niveau d'euroscepticisme et surtout d'europhobie. L'euroscepticisme a beaucoup progressé mais l'europhobie, qui signifie détester tellement l'Europe qu'on en sort, n'existe pas dans d'autres pays au même niveau.
Deuxièmement, je doute que ce référendum ne donne pas lieu à des actions de relance, à un retour aux défis européens actuels comme le terrorisme islamiste, la crise migratoire, le changement climatique, l'agressivité russe. Tous ces défis vont redevenir centraux et, normalement, les leaders européens vont pouvoir promouvoir un agenda mobilisateur.
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Comment contenir l'europhobie alors que l'euroscepticisme progresse partout en Europe ?
La différence entre euroscepticisme et europhobie était perceptible au moment de la crise de l'euro. Si vous demandez aux Grecs s'ils aiment faire partie de la zone euro, la réponse est non. Mais si vous leur demandez d'en sortir, ils ne le font pas. Parce qu'ils ont peur, parce que l'union monétaire, c'est la force.
Est-ce qu'on peut fonder un projet politique uniquement sur la peur ?
Pas seulement. Mais la construction européenne a été lancée sur l'air de l'hymne à la peur. La peur pour les États de s'entretuer et la peur de Staline. Il ne faut pas oublier de chanter l'hymne à la peur et il est possible de fonder, en partie, un mariage d'intérêt sur la peur d'un divorce et la peur du monde extérieur. Il faut aussi, bien sûr, l'hymne à la joie. C'est-à-dire une Europe qui est porteuse d'opportunités, en termes de liberté de circulation, en termes d'importations et d'exportations, en termes de diversité culturelle. Tout cela parle davantage à la jeunesse.
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En cas de Brexit, peut-on s'attendre à une relance du projet européen de la part du couple franco-allemand ?
Oui, sur les sujets de sécurité collective. À court terme, je serais sceptique sur les sujets concernant l'union économique et monétaire. Il n'y a pas de convergences suffisantes entre la France et l'Allemagne sur ces sujets, notamment parce que la France du point de vue économique, monétaire et budgétaire est très affaiblie. En revanche, sur la sécurité collective, il y a une convergence d'intérêts et il y a des urgences : le terrorisme islamiste, l'agressivité russe, l'afflux migratoire massif, la déstabilisation de la Libye et de la Syrie. La France est en première ligne sur les sujets terroristes. Et l'Allemagne est en première ligne sur la question de l'afflux migratoire massif, puisque la France reçoit très peu de demandeurs d'asile.
Mais il y a une vraie divergence entre ces deux pays sur la question des réfugiés.
Oui, mais le principal défi est d'agir à la source. Cela veut dire, non pas seulement renforcer le contrôle aux frontières extérieures de l'espace Schengen, mais cela veut dire agir en Syrie, en Libye, en Turquie. La France et l'Allemagne ont un intérêt convergent à aller à la source. La France a frappé en Syrie et l'Allemagne l'a aidée à faire cela. L'Allemagne a agi pour tarir le flux des réfugiés, via l'accord avec la Turquie, et la France était contente qu'elle fasse cela. Il y a une tension très importante sur la partie concernant la solidarité en matière migratoire, mais sur les enjeux de sécurité collective, il y a une parfaite convergence.
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Y aura-t-il tout de même un projet de relance, si les Britanniques décident de rester dans l'UE ?
Il faudra tout d'abord mettre en œuvre l'accord conclu avec les Britanniques en février. Celui-ci concerne notamment la compétitivité, le marché unique, le traité transatlantique, la libre circulation des travailleurs, le contrôle des Parlements nationaux. Ensuite, il s'agira de mettre en place un agenda qui se concentrerait sur les grands défis du moment pour relancer la dynamique européenne.
L'immigration semble être le principal enjeu du Brexit. S'il décide de rester, le Royaume-Uni disposera-t-il d'un statut particulier qui lui permettrait d'accueillir moins de migrants ?
Les Britanniques accueillent sept pour cent d'étrangers sur leur sol alors que la moyenne européenne est de six. La majorité de ces étrangers sont des extra-européens. En cas de « remain », il y a un accord qui leur permet de mettre des bâtons dans les roues des migrants européens, puisque ces derniers n'auraient plus accès tout de suite aux prestations sociales liées au fait qu'ils viennent trouver un emploi. Cela tarirait peut être un peu le flux des migrants européens, mais pour la migration extracommunautaire, je ne vois pas l'effet que cela aurait.
On a l'impression qu'une partie des Français pro-européens seraient contents que les Britanniques s'en aillent, alors que les Allemands pro-européens semblent tout faire pour qu'ils restent. Comment expliquer cela ?
C'est exactement cela ! Le couple franco-allemand, c'est un ménage à trois. Les Français ont fait entrer les Britanniques dans les années 1970 pour contrebalancer la puissance allemande. Les Français jouaient les Britanniques contre les Allemands, notamment sur les questions diplomatiques et militaires. Mais aujourd'hui, le libéralisme des Britanniques plaît aux Allemands et déplaît aux Français.
Il y a une autre idée qui est que les Britanniques nous empêchent d'aller plus loin. Et cette idée-là, je la crois illusoire. Ce qui empêche les Français et les Allemands d'aller de l'avant, c'est qu'ils ont des problèmes entre eux, notamment sur les sujets concernant la zone euro. C'est un peu un cache-misère de penser qu'avec les Britanniques dehors, tout ira mieux. Jacques Delors avait dit il y a quelques années : « L'UE a un petit moteur et les Britanniques ont un gros frein. » Aujourd'hui, il considère que ce n'est plus le problème parce que beaucoup de pays sont sur le frein.
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commentaires (6)
Amputation du bras d'honneur que fait la perfide Albion à l'Europe. Les grecs vont se ronger les doigts jusqu'au trognon pour ne pas l'avoir fait avant eux . Boris Johnson est né à New York , et il le dit il sera toujours là où on aura besoin de lui . Un futur 1er ministre .
FRIK-A-FRAK
10 h 38, le 23 juin 2016