Rechercher
Rechercher

Moyen Orient et Monde - Analyse

En Syrie, l’irrealpolitik et les jeux de dupes

Tout comme les Occidentaux, les Russes et les Iraniens ne peuvent pas gagner la paix.

Une cinquantaine de responsables du département d’État ont signé une note interne appelant à des frappes contre le régime de Bachar el-Assad, ce qui pourrait mener à des changements dans la politique américaine en Syrie après le départ de Barack Obama de la Maison-Blanche. Entre-temps, les violences se poursuivent dans le pays en guerre, où des combattants anti-EI soutenus par les États-Unis ont été tués par des raids imputés à la Russie. Mahmoud Taha/AFP

Les semaines se suivent et se ressemblent en Syrie. Le régime et ses alliés poursuivent leur encerclement d'Alep et se préparent à une large offensive dans l'Est syrien. Les Américains se concentrent sur la lutte contre l'État islamique (EI) avec la reprise de Manbij et la future attaque contre Raqqa. Les trêves sont annoncées en grande pompe par Moscou et Washington, et aussitôt rompues par les belligérants. Les Américains répètent à qui veut encore les entendre que leur « patience a des limites » et attendent des « Russes et des Iraniens qu'ils fassent pression sur Bachar el-Assad ». Moscou communique à chaque occasion sur la nécessité de trouver une solution politique, tout en participant largement à chacune des offensives menées par le régime. Résultat: un immense jeu de dupes où chaque acteur protège ses pions, tout en sachant très bien qu'il ne peut pas gagner la partie puisque aucune solution politique ou diplomatique n'est envisageable dans ce contexte.

 

(Pour mémoire : « Les Américains ne veulent pas risquer d'exclure Assad au stade actuel »)

 

La même utopie
Les Occidentaux continuent de réclamer le départ de M. Assad, mais à mesure que le régime gagne du terrain, leur position apparaît de plus en plus irréaliste. Non seulement ils ne sont pas prêts à s'investir pour faire bouger les lignes, mais en plus, ils ne sont pas vraiment clairs sur leur vision de la Syrie post-Assad. Qui composerait le gouvernement de transition ? L'opposition de l'extérieur ? Les restes de l'Armée syrienne libre (ASL) ? Ou encore les chefs de milice islamistes? Excepté leur volonté commune de se débarrasser de M. Assad, les membres de l'opposition s'opposent sur la majorité des sujets et aucun groupe n'est assez puissant pour imposer sa vision aux autres. D'autant plus que malgré cinq années de guerre, M. Assad peut encore compter sur un soutien populaire non négligeable.
Plus le temps passe, plus la position des Occidentaux vis-à-vis du conflit syrien ressemble à celle qu'ils adoptent vis-à vis du conflit israélo-palestinien. Dans le contexte actuel, « la Syrie sans Assad » paraît en effet aussi utopiste que ne l'est « la solution des deux États » en Palestine. Se cachant derrière la « complexité du conflit », ils se contentent, dans les deux cas, de proclamer des positions de principe, sans pour autant faire quoi que ce soit pour les rendre réalisables. Ils savent bien pourtant que le statut quo ne fait qu'aggraver la situation et rend le problème de plus en plus... complexe.

 

(Pour mémoire : L'avenir du Moyen-Orient dépendra-t-il des puissances non arabes de la région ?)

 

Là où le bât blesse
Les alliés de Damas ne sont pas en reste. Contrairement aux Occidentaux, Moscou et Téhéran ont plus ou moins gardé la même ligne depuis le début du conflit et se sont donné les moyens de la défendre. Militairement, l'alliance irano-russe a multiplié les succès depuis quelques mois et rien ne laisse à penser que cela devrait changer. Malgré leurs intérêts divergents, les deux puissances ont compris qu'elles avaient besoin l'une de l'autre pour marquer des points militaires et diplomatiques. Ensemble, ils sont maîtres du jeu et peuvent espérer renforcer encore plus leur position à court et à moyen terme. Mais c'est après que le bât blesse. Que proposent-t-ils pour l'avenir de la Syrie ? En d'autres termes : comment peuvent-ils gagner la paix avec Bachar el-Assad ?
La situation économique est catastrophique, une grande partie du pays est détruite, et aucune réconciliation nationale n'est possible tant que M. Assad reste en place. Même s'ils arrivent à reconquérir toute la Syrie, l'Iran et la Russie vont devoir faire face à une situation de grande instabilité avec une multitude de milices, alliées ou ennemies, ayant chacune des revendications affaiblissant l'État central. Seront-ils prêts à rester investis pendant des années en Syrie ? Avec quels moyens et pour quels résultats ?
Plus le temps passe, plus la position des Russes et des Iraniens vis-à vis des Syriens ressemble à celle qu'adopte Israël vis-à vis des Palestiniens. À l'instar d'Israël, ils s'appuient sur leur supériorité militaire pour éviter toute négociation politique. Ils gagnent à court terme et arrivent à imposer leur narration du conflit, mais le temps ne joue pas en leur faveur. Pire, en gardant cette attitude, ils se privent de toute solution de paix. Est-ce vraiment cela, finalement, le réalisme ?

 

Pour mémoire

Au Moyen-Orient, un « Game of Thrones » bien réel

Les semaines se suivent et se ressemblent en Syrie. Le régime et ses alliés poursuivent leur encerclement d'Alep et se préparent à une large offensive dans l'Est syrien. Les Américains se concentrent sur la lutte contre l'État islamique (EI) avec la reprise de Manbij et la future attaque contre Raqqa. Les trêves sont annoncées en grande pompe par Moscou et Washington, et aussitôt rompues...

commentaires (5)

Personne n'avait jamais osé le faire, Samrani vient de le faire enfin. Faire un parallèle entre les palestiniens sous l'injuste usurpation de leur terre et le héros Bashar qui défend son peuple. La realpolitik sera quand les occidentaux se seront rendus compte que le scénario irakien et lybien est impossible en terre de Syrie sous complot. Justement grâce à la présence d'une résistance qui a le dessus sur des soits disant opposant plus ou moins bacterises .

FRIK-A-FRAK

13 h 16, le 18 juin 2016

Tous les commentaires

Commentaires (5)

  • Personne n'avait jamais osé le faire, Samrani vient de le faire enfin. Faire un parallèle entre les palestiniens sous l'injuste usurpation de leur terre et le héros Bashar qui défend son peuple. La realpolitik sera quand les occidentaux se seront rendus compte que le scénario irakien et lybien est impossible en terre de Syrie sous complot. Justement grâce à la présence d'une résistance qui a le dessus sur des soits disant opposant plus ou moins bacterises .

    FRIK-A-FRAK

    13 h 16, le 18 juin 2016

  • derrière la " irrealpolitik " se cache le jeu de poker menteur...!

    M.V.

    10 h 34, le 18 juin 2016

  • Quelques inexactitudes cher Anthony 1 l autorite de transition est supposee etre composee de representants du regime et de l opposition a parts egales avec pleins pouvoirs executifs. ( cf Communique Russo Americain de Geneve 30 Juin 2012 et resolution du CS 2254). 2 les forces iraniennes etaient loin d avir remoorte la bataille n etait ce l intervention russe qui a sauve le regime. Malgre l intervention directe de l armee iranienne depuis Avril, les combats continuent et les forces du regime avancent par ci et reculent par la et ce sans intervention militaire americaine directe pour proteger leurs allies 3 personne n arrive a mettre la pression sur Bachar car personne ne veut risquer son depart et provoquer le chaos. D ou la necessite de l autorite de transition que Bachar refuse Et c est cela le fond duprobleme. Comment pousser Bachar afin d eviter l ecroulement de la Syrie

    Jihad Mouracadeh

    10 h 01, le 18 juin 2016

  • TRES BON ARTICLE CAR IL PARLE OBJECTIVEMENT DES DEUX COTES. BRAVO MR. SAMRANI... MAIS IL EST A PREVOIR DES CHANGEMENTS RADICAUX D,ATTITUDE ET LE RENVERSEMENT DE LA DONNE APRES LES ELECTIONS AMERICAINES QUE CE SOIT UNE PRESIDENTE OU SURTOUT UN PRESIDENT...

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 36, le 18 juin 2016

  • Ces Mongoles et ces Per(s)cés ne seraient pas comme des coqs en pâte ; à ce stade ; s’ils ne voyaient que ces Occidentaux n'étaient des poules.... Mouillées !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    05 h 10, le 18 juin 2016

Retour en haut