Rechercher
Rechercher

Liban - Polémique

Un hôpital de campagne... au Bois des Pins

La société civile dénonce l'utilisation du seul véritable espace vert de la capitale, qui vient d'être ouvert au public récemment, pour cette installation.

Photo Nahnoo.

La nouvelle est tombée comme un couperet : dans le Bois des Pins sera installé un hôpital de campagne... Cette structure avait été financée par l'Égypte à l'issue de la guerre israélienne contre le Liban en 2006. Elle avait opéré au sud et était itinérante depuis, passant de région en région, explique à L'Orient-Le Jour le mohafez de Beyrouth, Ziad Chbib, jusqu'à ce qu'elle arrive à Beyrouth il y a deux ans, sans qu'un emplacement définitif ne lui soit encore consacré. Selon les informations fournies par l'association Nahnoo (qui a longtemps milité pour la réouverture du Bois des Pins au public), les équipements se trouvaient à l'Université arabe depuis ces deux ans.


La polémique qu'a soulevée le début des travaux au Bois des Pins a été instantanée. Pourquoi cet espace vert, si longtemps interdit au public par le conseil municipal sous prétexte d'un risque de vandalisme – il a été ouvert au public début juin–, devrait-il être le seul endroit choisi par le même conseil municipal pour y installer un hôpital de campagne, avec tout le va-et-vient que cela impliquerait ?


Mohammad Ayoub, président de Nahnoo, insiste sur l'absurdité d'une telle décision. « Cette décision va à l'encontre de plusieurs lois, dit-il à L'Orient-Le Jour. D'une part, le Bois des Pins tombe dans la zone n° 9 de Beyrouth, où toute construction est interdite. Or des colonnes en béton ont déjà été érigées sur place. D'autre part, comment concevoir un tel projet dans un endroit sensible écologiquement sans une étude d'impact environnemental ? Sur un autre plan, la décision ayant apparemment été prise il y a deux mois au sein de l'ancien conseil municipal de Beyrouth, comment a-t-on eu le temps d'effectuer les appels d'offres et les adjudications? Enfin, selon le texte de la décision, le lieu initial où devait être installé l'hôpital se trouvait face à la mosquée Khachokji à Basta, non loin de là. Le fait que le lieu de construction effectif soit différent du lieu évoqué dans le texte de la décision est illégal. »


Interrogé sur ce dossier par L'OLJ, le mohafez de Beyrouth explique que l'hôpital sera situé dans le parking du Bois des Pins et non à l'intérieur du jardin. « Le débat sur cette question dure en fait depuis deux ans, dit M. Chbib. L'ancien conseil municipal a finalement opté pour cet endroit parce qu'il est proche de plusieurs quartiers où une telle institution serait une nécessité, notamment Sabra, Tarik Jdidé, la banlieue sud de Beyrouth... »
En réponse à l'argument de l'emplacement de l'hôpital, Mohammad Ayoub assure que « cet endroit est effectivement consacré aux voitures des visiteurs, mais il ne s'agit pas d'un parking sur le papier ». Il s'explique : « Quand la région Île-de-France s'est engagée à aider à la réhabilitation de l'espace vert, elle s'est acquittée de 90 % des tâches, alors que les 10 % restants étaient du ressort du conseil municipal. Parmi les tâches qui incombaient à ce dernier figuraient la création d'un parking souterrain à cet endroit et le reboisement de la surface. Non seulement cela n'a pas été fait, mais en plus, on y installe un hôpital de campagne aujourd'hui ! »

 

(Pour mémoire : Le Bois des pins sera ouvert à tous le 6 juin, tous les jours)

 

Un lieu « neutre d'un point de vue confessionnel »
À la question de savoir s'il n'y aurait pas d'autre espace disponible pour installer cette structure près des quartiers qui pourraient en avoir besoin, le mohafez répond : « Ce lieu avait l'avantage d'être proche de plusieurs quartiers tout en étant neutre d'un point de vue confessionnel. Il peut ainsi être opérationnel dans tous ces quartiers à la fois. »
Mais a-t-on seulement besoin d'un hôpital de campagne à Beyrouth ? « Il est certain qu'un tel hôpital peut toujours répondre à un besoin des populations à revenu modeste, et qu'il contribue à réduire les dépenses de santé du secteur public, estime M. Chbib. D'autant plus que les Égyptiens ne souhaitent pas récupérer l'installation du fait qu'elle peut toujours servir au Liban. »
Le mohafez est bien au courant de la polémique suscitée par une telle décision. Y a-t-il une chance que l'emplacement de l'hôpital soit changé ? Il répond qu'il souhaiterait que cela soit possible de trouver un autre endroit qui satisfasse tous les critères. Pour ce qui est de la polémique, il souligne que le dossier est actuellement à la Cour des comptes, qui doit l'examiner parce qu'il implique des dépenses.

 

« Pourquoi autant de précipitation ? »
Pour Mohammad Ayoub, ce n'est pas l'hôpital en soi qui pose problème, mais son emplacement où toute construction doit absolument être interdite. Pourquoi une décision aussi surprenante a été prise, selon lui ? « Je ne sais pas et je ne suppose pas de mauvaise foi, dit-il. Peut-être ont-ils pensé que ce serait la solution facile pour un endroit qui serait accepté par tout le monde. Mais dans tous les cas, nous ne pouvons que noter la précipitation avec laquelle l'ancien conseil municipal a pris cette décision, comme il en avait pris d'autres, à l'instar de l'achat des terrains de Ramlet el-Baïda. C'est comme si, au lieu de ralentir leur activité avant les élections, ils les avaient accélérées. »
Le dossier étant aujourd'hui devant la Cour des comptes, pensent-ils intervenir auprès de cette institution ? « D'abord, il faut se demander par quel prodige les travaux ont commencé sur le terrain alors que la Cour des comptes n'a pas encore donné son aval, souligne Mohammad Ayoub. D'autre part, si nous voulons porter plainte, ce sera auprès du juge des référés. Mais comme les travaux se sont apparemment interrompus en raison de la polémique, nous sommes dans l'attente. S'ils reprennent, nous prévoyons des sit-in et un vaste mouvement populaire. » Que revendiquent les militants de Nahnoo à présent ? « Nous demandons au mohafez de retirer l'autorisation qu'il avait donnée », dit-il.
Cette nouvelle affaire vient s'ajouter à une série d'autres ayant alimenté des polémiques dans le pays, mais elle se distingue sans aucun doute par son caractère absurde. Pourquoi cet acharnement sur les rares espaces verts de la ville ? Peut-être que le tweet du leader druze Walid Joumblatt résume le mieux la situation : « Laissez le Bois des Pins aux habitants de Beyrouth. Arrêtez de défigurer la ville ! Et déplacez l'hôpital de campagne là où il aura le plus d'utilité, à Ersal. »

 

 

Pour mémoire
Le nouveau du Bois des pins : une fontaine, un théâtre en plein air et un jardin botanique

Tout beau tout neuf, le jardin de Sanayeh rouvre ses portes

Beyrouth a désormais son guide des espaces verts

 

La nouvelle est tombée comme un couperet : dans le Bois des Pins sera installé un hôpital de campagne... Cette structure avait été financée par l'Égypte à l'issue de la guerre israélienne contre le Liban en 2006. Elle avait opéré au sud et était itinérante depuis, passant de région en région, explique à L'Orient-Le Jour le mohafez de Beyrouth, Ziad Chbib, jusqu'à ce...

commentaires (6)

Un hôpital de campagne, c'est fait pour être implanté à la campagne, non ?

lila

23 h 07, le 15 juin 2016

Tous les commentaires

Commentaires (6)

  • Un hôpital de campagne, c'est fait pour être implanté à la campagne, non ?

    lila

    23 h 07, le 15 juin 2016

  • Abdel-Hamid Ghaleb, ancien haut-commissaire au Liban de la défunte République arabe unie de Jamal Abdel-Nasser, est revenu par le biais de l'hôpital égyptien à la Forêt des Pins restaurée par la Région d'Île-de-France avec l'argent des Français.

    Un Libanais

    14 h 58, le 15 juin 2016

  • On se demande tous pourquoi cet hôpital de champagne serait à Beyrouth et non au sud ou au nord , est-ce la fin de la verdure de la capitale pour vendre tout ce qui est vert? Vraie folie .

    Sabbagha Antoine

    13 h 48, le 15 juin 2016

  • Un "hôpital de campagne" en plein Beyrouth, jouxtant le Bois de Pins...pourquoi faire ? Sommes-nous en pleine guerre? N'y-a-t-il pas d'autres régions au Liban qui en auraient bien plus besoin ? Après 2 ans de tergiversations à la libanaise concernant ce projet, on se décide subitement ! Connaissant le degré de corruption qu'atteint notre classe politique, on se doute bien que ce n'est pas pour aider la population de la région que ce projet est mis en route... Mais, comme toujours, pour se remplir les poches. Heureusement que le ridicule ne tue pas ! Pourtant...parfois... Irène Saïd

    Irene Said

    12 h 34, le 15 juin 2016

  • Oui à Ersal l'hôpital de campagne du Bois des Pins serait d'une très grande utilité!!!!!

    Beauchard Jacques

    09 h 07, le 15 juin 2016

  • Bref....

    NAUFAL SORAYA

    07 h 07, le 15 juin 2016

Retour en haut