Pris au piège de leur ville assiégée par les forces irakiennes, les civils de Fallouja tentent de fuir au péril de leur vie mais les jihadistes du groupe Etat islamique (EI) veulent les en empêcher pour les utiliser comme "boucliers humains".
Des jihadistes "nous ont tiré dessus alors que nous quittions la ville par le sud. Nous pouvions entendre les balles siffler au dessus de nos têtes tandis que nous rampions dans les champs", raconte une femme de 60 ans trop effrayée pour dévoiler son nom. "Je leur ai crié que je ne retournerai jamais. 'Tuez-moi maintenant', j'ai dit. Quel est le sens de la vie si mes enfants sont en train de souffrir?", ajoute-t-elle, interrogée par téléphone.
D'autres rescapés ont raconté que des rafales de tirs s'abattaient sur eux alors qu'ils traversaient l'Euphrate sur des bateaux de fortune.
"Les gens utilisent tout ce qui flotte, d'une armoire à un conteneur en plastique", précise Caroline Gluck, porte-parole du Haut commissariat pour les réfugiés (HCR) pour l'Irak. "Nous savons que des personnes se sont noyées, au moins une personne a été tuée par balle par un sniper alors qu'il se tenait sur un petit bateau ou canot pneumatique".
A Amriyat al-Fallouja, une localité à une vingtaine de kilomètres au sud de Fallouja, le Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC) voit arriver tous les jours de nouveaux déplacés affamés et épuisés ayant fuit les localités sous contrôle de l'EI. Mais "nous avons des témoignages sur des civils (...) qui sont forcés de rester et sont menacés", indique à l'AFP Nasr Muflahi, directeur du NRC pour l'Irak.
(Repère : Ce que l'on sait de la situation des civils à Fallouja)
Garder les pauvres
La grande majorité des quelque 18.000 civils ayant réussi à fuir les zones sous contrôle jihadiste depuis le début de l'offensive gouvernementale pour reprendre Fallouja habitaient à la périphérie de la ville.
Le NRC et l'Onu estiment à environ 50.000 le nombre de civils pris au piège à l'intérieur de Fallouja. Pour eux, s'échapper est presque impossible.
Les jihadistes "ont placé une voiture piégée sur le vieux pont et annoncent aux personnes voulant fuir qu'ils la feront exploser à leur passage", raconte Mohamed al-Doulaimi, père de six enfants et coincé dans le centre de Fallouja. "Ils sont sous pression (...) Nous le voyons à leur comportement. Ils ont le soutien d'à peine 1% de la population, de ceux qui tirent bénéfice de leur présence", soutient-il.
Des habitants ont vu dimanche des jihadistes se raser la barbe, selon M. Doulaimi. Un stratagème adopté dans des circonstances similaires lorsqu'ils sont sur le point de perdre une ville et cherchent à sauver leur peau en se fondant au milieu des civils.
Les jihadistes "tentent de faire fuir leur famille mais de garder les gens pauvres comme nous", témoigne une femme de 25 ans, arrivée dans le camps de Amriyat al-Fallouja après avoir quitté Azkrakiyah, une zone rurale à l'ouest de Fallouja. Selon Mme Gluck, les jihadistes obligeraient même les civils des localités proches de Garma, Zoba et Saqlawiya à s'installer dans Fallouja.
Lancée il y a deux semaines, l'offensive pour reprendre ce bastion se heurte à une forte résistance des jihadistes qui le contrôlent depuis janvier 2014. Et jusqu'à présent, les forces d'élite n'ont pas réussi à atteindre le centre-ville. Pour justifier cette lenteur, le gouvernement irakien invoque le risque des civils d'être utilisés comme "boucliers humains" par les jihadistes.
Mais pour Abou Mahdi al-Mohandis, le commandant militaire des unités paramilitaires du Hachd al-Chaabi se battant auprès des forces irakiennes, la situation des civils devrait être une raison de plus pour accélérer l'offensive. Ces forces paramilitaires ont participé à l'encerclement de Fallouja mais sont jusqu'à présent restées à l'extérieur, laissant les forces du service d'élite du contre-terrorisme (CTS) donner l'assaut sur la cité. "Maintenant Daech tire sur des femmes et des enfants pour les empêcher de fuir", a-t-il indiqué à des journalistes dimanche. "Il est clair que la ville est l'otage de ces gangs, nous n'allons pas rester là les bras croisés", a-t-il prévenu.
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