Rechercher
Rechercher

Campus - Séminaire

Le master en critique d’art et curatoriat de l’USJ accueille Mireille Kassar

L'artiste Mireille Kassar était invitée le 4 mai à l'USJ pour présenter son film « The Children of Uzaï, AntiNarcissus » aux élèves du master en critique d'art et curatoriat.

Une scène tirée du film « The Children of Uzaï, AntiNarcissus » de Mireille Kassar.

Ouvert en 2010, le master en critique d'art et curatoriat de l'USJ compte cette année une vingtaine d'étudiants. Sa responsable pédagogique, Nayla Tamraz, qui dirige également le département des lettres françaises, mène elle-même en parallèle une carrière de critique d'art. Une double « casquette » qui l'a amenée à s'intéresser au travail de Mireille Kassar et ainsi à l'inviter le 4 mai dans le cadre d'un séminaire qu'elle définit comme « ouvert » à des interventions extérieures. Habitués à rencontrer des personnalités institutionnelles, curateurs, commissaires d'expositions, ou encore théoriciens de l'art, les élèves de ce master se confrontent ainsi pour la première fois à « une approche plus directe à l'objet artistique lui-même », se réjouit Mme Tamraz. Il s'agit en l'occurrence du film The Children of Uzaï, AntiNarcissus, performance de cinéma expérimental sélectionnée l'an passé au « Forum Expanded » du Festival du film international de Berlin, que l'artiste présente pour la première fois dans un cadre universitaire.
Inclassable, à la fois beau et tragique, ce film est avant tout « une aventure, une rencontre ». Saisies sur le fait avant d'être longuement retravaillées, les images témoignent d'un moment anodin mais « de toute éternité » : une bande de gamins jouant en bord de mer à Ouzaï, localité au sud de Beyrouth. L'absence de son contraste avec les images sonores, bruyantes, qui se livrent à la caméra : ressac des vagues, enfants qui courent et s'amusent. L'artiste et son équipe ont bien essayé d'y apposer le Requiem de Mozart par exemple, pourtant la volonté de ne pas « fasciner » le spectateur, de garder « une certaine difficulté, un rapport plus dérangeant peut-être » a été la plus forte, pour rendre compte de cette « aventure sublime » au moyen d'images crues, « transportées par leur propre force ».
De fait, Mireille Kassar se définit elle-même comme « une artiste qui ne vient pas de la communication mais plutôt du silence de la peinture ». Son intérêt pour le cinéma expérimental, discipline extrêmement technique, l'inscrit nécessairement dans « une autre temporalité » – The Children of Uzaï a nécessité neuf mois de travail pour seize minutes de film – mais également à la marge du système commercial. Pour ne pas dire en résistance : « Est-ce que je vais devenir ce que le marché de l'art voudrait que je sois ? Je continue mon chemin, la réponse se trouve dans mon art. » Regrettant que la volonté du curator prévaut aujourd'hui sur celle de l'auteur, elle revendique son anachronisme en se réclamant « une artiste du XVIIe siècle ». Sans pour autant se considérer « hors système » – ce qui n'est pour elle qu'un autre « label » –, Mme Kassar s'intéresse aux failles de cette industrie de l'art, dans lesquelles elle s'immisce. Une posture d'équilibriste pleinement assumée, qui ne l'empêche pas de voir ses œuvres intégrer les prestigieuses collections du Centre Georges Pompidou à Paris – plus communément appelé Beaubourg – ou encore du British Museum de Londres.
Sa référence ? Pasolini, grand nom du cinéma italien du siècle dernier, qu'elle « admire » ; lui aussi s'intéressait à ces territoires à la marge mais également « en sursis », « où les valeurs petit-bourgeoises n'ont pas encore pris le dessus ». Tout en se défendant de l'avoir conçue dans cette optique, elle reconnaît à son œuvre une dimension critique. Ce sont des corps vulnérables qu'elle donne à voir, des corps méprisés, ceux d'enfants qui sont « de la chair à canon, récupérés par l'idéologie ou la politique, ou simplement déconsidérés ». « Or ces corps pour moi sont ceux de rois, la vie qu'ils portent en eux et le défi de rester heureux, ne serait-ce que pour ce moment-là, font d'eux des êtres majestueux. Ce film les considère, et je suis heureuse qu'ils continuent de courir à Beaubourg. »
La deuxième partie de la rencontre se voulait un « élargissement » à d'autres aspects du travail de l'artiste via la projection d'un second film, également muet, qui se concentre davantage sur la texture des choses, comment elles « se donnent à voir ». Peintre de formation, cinéaste mais également plasticienne, Mireille Kassar a hérité notamment de sa collaboration avec M. Petit, le restaurateur de la grotte préhistorique de Lascaux, le soin particulier qu'elle apporte au choix du matériau. Artiste éclectique, elle parvient à imprimer sa marque à l'ensemble de son œuvre, habitée par des univers qui se traduisent notamment par « des familles de couleurs, de peintres et de réalisateurs avec lesquels [elle] communique constamment ». Une artiste hors norme, saluée par un public averti : « Merci pour ta poésie », lui dira Alex, l'un des deux jeunes hommes que compte ce master, visiblement conquis.

Ouvert en 2010, le master en critique d'art et curatoriat de l'USJ compte cette année une vingtaine d'étudiants. Sa responsable pédagogique, Nayla Tamraz, qui dirige également le département des lettres françaises, mène elle-même en parallèle une carrière de critique d'art. Une double « casquette » qui l'a amenée à s'intéresser au travail de Mireille Kassar et ainsi à...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut