Au pays des droits de l’homme...

Au pays des droits de l'homme, seuls les droits des hommes de ce pays, de ses femmes, de ses enfants, de ses vieux, de ses animaux et de ses plantes sont respectés et préservés. Bref, les droits de ses propres êtres vivants.
Au pays de l'humanisme, seuls les humains de ce pays sont considérés comme tels, ceux de son propre territoire, en premier lieu. Viennent ensuite les humains des pays voisins en raison d'un ADN racial, culturel et historique commun.
Au pays de la liberté, ne sont préservées et promues que les libertés de ses propres individus, à part quelques restrictions relatives au négationnisme et à l'apologie du terrorisme qui pourraient conduire même des enfants au commissariat et devant les tribunaux.
Au pays de l'égalité, on traitera de façon égalitariste ses propres citoyens qui sont tous bien numérotés et fichés. Dans ce pays, un enfant ne cédera pas sa place à un adulte dans un bus, ni même à un vieux. Parce qu'ils sont tous les deux égaux. L'équité y est partout de rigueur, sauf pour certains emplois qui obéissent au principe de la « discrimination positive » pour compenser la prédominance du sexe masculin dans d'autres métiers trop durs pour la femme. Un léger dénivellement pourrait être observé en faveur des droits de la femme pour compenser l'hégémonie historique de l'homme, de sorte qu'il conviendrait de parler plutôt du « pays des droits de la femme », puis de l'homme. À chacun son tour, après tout.
Au pays de la fraternité, seuls sont considérés frères et sœurs les gens de sa propre maison. Les étrangers peuvent aller fraterniser ailleurs, ou commettre des fratricides. Ce sont les membres de sa propre famille qui comptent d'abord, dans ce pays, puis, à la rigueur, ceux des familles avoisinantes. Mais il ne faut pas chercher plus loin.
Au pays de la laïcité, tous les dieux sont publiquement interdits, excepté le dieu Hêdonê, qui procure le plaisir, de sorte à y avoir instauré l'hédonisme comme religion d'État.
Pour ce pays membre des Nations unies, il existe des supernations, des nations et des sous-nations ou « négations », correspondant à des surhumains, des humains et des sous-humains, respectivement et respectueusement. Les pays membres permanents du Conseil de sécurité (dont ce pays fait partie) sont dans la première catégorie. Cela va de soi. Les autres pays sont partagés entre nations et sous-nations, selon des critères élastiques liés aux intérêts des supernations.
En temps de crise dans l'une des cinq supernations, la supernation concernée et les Nations (ré)unies, commandées par les cinq, décréteront un niveau d'alerte maximale ; le niveau d'alerte baissera d'un cran pour la catégorie « nations » et sera nul pour les sous-nations.
Cependant, certaines sous-nations en guerre, comme la Syrie, se verront attribuer le niveau d'alerte au terrorisme de Daech et de Nosra, seulement, de sorte à permettre à la terreur d'origine, celle qui les a engendrés, de sévir impunément, de faire pleuvoir des barils d'explosifs, d'anéantir des villes comme Alep, de décimer et d'enterrer ses habitants, d'assiéger et d'affamer d'autres habitants en vue de les enterrer à leur tour ; de commettre des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité...
Tant et aussi longtemps que ce n'est pas « leur » humanité qui est visée, ces crimes peuvent se perpétrer et se perpétuer à gogo, et les criminels de guerre s'en donner à cœur joie.

Ronald BARAKAT