Il n'y a pas de doute, le chrétien libanais est une espèce des plus volatiles. On croit le tenir, l'embrigader, parler en son nom, le ranger dans son escarcelle, et puis il s'avère que non, s'il était hier ici, il peut être demain ailleurs.
Depuis le 18 janvier dernier, jour où Samir Geagea s'est rallié à la candidature de Michel Aoun à la présidence de la République, les responsables des deux plus importantes formations chrétiennes nous expliquent régulièrement que les dés sont jetés, qu'il faut se faire à l'évidence, que la démocratie a parlé et qu'à eux deux, ils sont habilités à se parer du label de la légitimité chrétienne... Tout comme le courant du Futur chez les sunnites, le tandem Hezbollah-Amal chez les chiites et le PSP chez les druzes (sans oublier le Tachnag chez les Arméniens).
À cet argumentaire développé des mois durant par les rhéteurs du CPL et des FL, les deux premières séries des élections municipales, à Beyrouth, au Mont-Liban et dans la Békaa, viennent d'asséner un démenti plutôt cinglant.
Certes, nul ne songe à remettre en question un fait absolument incontestable : en 2016, comme en 2009 et 2010, dates des précédentes consultations électorales, le courant aouniste et le parti de M. Geagea sont toujours les numéros un et deux parmi les formations chrétiennes (et bien entendu chez les maronites, mais peut-être dans l'ordre inverse). D'autre part, il est clair que les élections municipales ne sont pas toujours le cadre adéquat pour mesurer l'évolution du poids des partis politiques, tant le scrutin est traversé d'enjeux locaux qui faussent quelque peu la donne.
Il reste que les deux formations concernées avaient elles-mêmes placé haut la barre en abordant ce scrutin. En proclamant leur volonté d'alliance électorale dans le plus grand nombre de localités possible, il était clair que leur intention n'était guère de mettre en œuvre un programme commun. On est loin de l'alliance politique qu'eut incarnée une telle association entre FL et CPL s'il s'était agi d'élections législatives. Dans le contexte spécifique des municipales, il ne pouvait être question que d'une addition des forces – et des voix – en vue d'un double objectif : d'abord permettre à chacune des deux formations de disposer du plus grand nombre possible de ces relais efficaces du pouvoir sur le terrain que sont les édiles et les moukhtars, et ensuite consacrer l'hégémonie politique du tandem dans la perspective de la présidentielle. Inutile de dire que les résultats, jusqu'ici, sont bien en deçà des espoirs.
La première déconfiture survient déjà en amont du scrutin. Dans la formation des listes, on voit nos deux champions contraints très souvent de composer avec d'autres acteurs – partis politiques ou notables locaux –, ceux-là mêmes qu'ils entendaient réduire à des seconds rôles sympathiques, mais néanmoins secondaires, voire négligeables. Dans d'autres cas, le poids des acteurs locaux est tel qu'ils sont eux-mêmes entraînés dans leur sillage, dans un face-à-face quasi stérile. Il en sera ainsi à Jounieh, que l'on a dû proclamer in extremis « capitale de la chrétienté » pour arracher quelques voix de plus.
Mais la bataille laissera encore davantage de plumes. À Achrafieh, c'est la foire d'empoigne à domicile, ajoutée au manque d'enthousiasme qui conduit parfois à voter pour l'adversaire. À Zahlé, on gagne, mais assez mal, face à deux listes « locales » qui, additionnées, auraient tout raflé. À Deir el-Qamar, les locaux font des trous chez les vainqueurs et dans le Metn, on n'est pas loin de la raclée, administrée par les Kataëb et surtout par un revenant que tout le monde croyait sur le déclin, Michel Murr.
« Séparés, ils nous divisent. Unis, ils nous partagent », constatait amèrement l'autre jour Dory Chamoun à propos de Michel Aoun et Samir Geagea. Il n'a qu'à moitié raison : la seconde partie de sa phrase n'est pas encore avérée...
Depuis le 18 janvier dernier, jour où Samir Geagea s'est rallié à la candidature de Michel Aoun à la présidence de la République, les responsables...
commentaires (11)
".... la courte vue et vie de ce "bouclage" Per(s)cé mahééék ?!".
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
21 h 43, le 18 mai 2016