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Moyen Orient et Monde - Éclairage

La pression sur les salafistes du Caucase du Nord augmente les risques de leur radicalisation

Pour certains observateurs, la répression de membres de certaines branches de l'islam les pousseront à la clandestinité.

Des membres des forces spéciales russes lors d’une opération à Makhachkala, capitale du Daguestan, le 20 janvier 2014. Photo Reuters

Fermeture des mosquées soupçonnées de sympathies avec le salafisme, remplacement des imams, provocations en tous genres, arrestations massives... La lutte contre la menace jihadiste est en train de se transformer en une répression aveugle contre tous les adeptes de l'islam non traditionnel.

Lundi 4 avril, la voiture de l'imam salafiste Mohammad Choïmourodov explose devant sa maison située près du village de Kasatchia Sloboda dans le sud de la république du Daguestan. Le chef religieux qui était à l'intérieur du véhicule est tué sur le coup. Au cours de la perquisition qui a lieu le lendemain, la police affirme avoir découvert des détonateurs. Les enquêteurs concluent que l'imam a fait exploser accidentellement la bombe qu'il transportait dans sa voiture. Toutefois, cette conclusion n'a pas vraiment surpris les partisans de l'imam. En effet, ce dernier avait déjà eu des soucis avec le FSB (service de sécurité russe). En 2010, il avait été arrêté à l'aéroport de Chérémétiévo ; lors de la vérification de ses bagages, les policiers avaient trouvé une quantité importante d'héroïne dans sa valise... Condamné pour trafic de stupéfiants, il avait passé trois ans et demi derrière les barreaux.

(Pour mémoire : « Pour les jihadistes russophones, la Syrie n’est qu’un entraînement avant la grande bataille dans leur pays »)

Le mois dernier également, dans la république voisine d'Ingouchie, l'imam Khamsat Tchoumakov a échappé de justesse à un attentat à quelques mètres de sa mosquée. Personne n'a été blessé, mais des fidèles qui se trouvaient sur les lieux ont noté que la voiture des assaillants avait une plaque d'immatriculation daguestanaise. Le président de la république d'Ingouchie, Iounous Bek Evkourov, a condamné avec virulence la tentative de meurtre. En revanche, les autorités civiles et religieuses tchéchènes qui ont mis en place une véritable chasse aux sorcières contre tous les courants qui se distinguent de l'islam traditionnel ont traité l'imam de « wahhabite » et reproché au dirigeant de l'Ingouchie son attitude par trop laxiste. « Mes amis et moi nous avons juré sur le Coran que nous combattrions jusqu'à la mort les wahhabites, qu'ils soient en Afrique, en Ingouchie, au Daguestan... si les présidents des régions ne parviennent pas à les ramener dans le droit chemin et s'ils persistent dans leurs erreurs, c'est nous qui nous en chargerons », a lancé le dirigeant tchétchène Ramzan Kadyrov juste après l'attentat. Il a également rappelé « qu'il n'y a pas une mosquée salafiste en Tchétchénie et que cette république est la plus calme de tout le Caucase. »

Risque de radicalisation?

Mais tout le monde n'est pas d'accord, loin s'en faut. La fermeture des mosquées salafistes a provoqué une vive polémique dans la société civile. Le site Kabkazsky Uzel (Le nœud caucasien) avait mené une enquête sur les réactions de la population concernant les dernières mesures contre les salafistes et souligne depuis que la question pose un véritable problème. Les avis sont pour le moins partagés. « Il s'agit de lutter pour gagner l'esprit des fidèles passifs qui pourraient être influencés par les imams contestataires ; si on détruit la structure de la communauté que constitue la mosquée, la plupart des fidèles rejoindront les mosquées officielles », estime Saïd, 35 ans, un habitant de Makhatchkala, capitale du Daguestan. « J'estime que cette façon de lutter contre l'extrémisme et la terreur est absolument contre-productive, les salafistes vont tout simplement passer dans la clandestinité », rétorque un autre.

(Pour mémoire : La Russie de Poutine est aussi un pays musulman)

Quant aux experts, ils craignent eux aussi que cette politique ne conduise à une radicalisation avec comme résultat une nouvelle flambée de terrorisme et la montée en puissance de l'État islamique (EI) dans la région. « Pour les salafistes, la fermeture d'une mosquée est plus grave que la mort d'un fidèle à cause de la charge symbolique que portent les mosquées. Ces fermetures arbitraires sont pain béni (pour la branche locale de) l'EI dont l'activité est en baisse suite au départ de nombreux militants pour la Syrie », explique le politologue Okhan Djemal. Dans un rapport publié récemment, l'International Crisis Group évoque la lourde menace d'exportation du jihad et conseille à la place de la répression aveugle une « propagande intelligente menée par des membres de la communauté qui ont une influence sur la jeunesse et des conditions adéquates pour que les plus radicaux sortent de l'ombre. »


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