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Liban - Conférence

De Baalbeck à Palmyre, la Suisse au cœur de l’aventure archéologique

C'est le Suisse Paul Collart qui est à l'origine de la fouille des deux autels dans la cour du temple de Jupiter et du sanctuaire de Baalshamîn. De ses séjours au Levant, il a laissé un ensemble documentaire de grande valeur, particulièrement pour la reconstruction du célèbre monument syrien.

En 1953, la fouille de Baalshamîn est confiée à l’archéologue suisse Paul Collart.

Si la Suisse a lancé, sur le plan législatif, une politique de lutte contre le trafic illicite des antiquités, son engagement dans la sauvegarde du patrimoine archéologique au Levant remonte à plus de deux siècles. Le site de Pétra, en Jordanie, avait été découvert en août 1812 par le Bâlois Jean-Louis Burckhardt, alias cheikh Ibrahim Ibn Abdallah. De même, Paul Collart est à l'origine de la fouille des deux sites emblématiques du Liban et de la Syrie : les autels dans la cour du grand temple de Baalbeck, en 1938, et le sanctuaire de Baalshamîn à Palmyre, en 1953.


En 1988, l'Université de Bâle a entrepris l'exploration de Ez-Zantur, à Pétra, et de Wadi Farsa, avec l'Association for the Understanding of Ancient Cultures (AUAC) et le CNRS français. « La contribution de la Suisse à l'archéologie levantine est peut-être méconnue, mais elle est réelle », a souligné Patrick Maxime Michel, au cours d'une conférence donnée à la résidence de l'ambassadeur de Suisse à Beyrouth, François Barras. Maître assistant aux universités de Genève et de Lausanne, responsable des Archives de Paul Collart et membre du Comité de la Société suisse du Proche-Orient ancien, Patrick Michel a rappelé qu'Henri Seyrig, directeur des Antiquités de la Syrie et du Liban sous le mandat français, avait confié, en 1938, la fouille de l'autel monumental de Baalbeck à l'archéologue suisse Paul Collart.

 

L'autel monumental de Baalbeck
En 1935 donc, sur décision d'Henri Seyrig, la grande cour carrée fut déblayée des vestiges arabes et ceux d'époque byzantine, entraînant la destruction de la basilique théodosienne. Mais elle laissa apparaître les vestiges d'un autel monumental de l'époque flavienne. En 1938, l'équipe suisse entreprend la consolidation des colonnades et se penche sur la reconstitution du monument. Une opération qui va « permettre de corriger l'idée fausse que nous nous faisions », relève le conférencier, « c'est-à-dire que la façade du temple de Jupiter était visible depuis la porte centrale de la cour. Il n'en est rien. En entrant, le visiteur voyait en premier lieu l'autel tour ». Comme le montrent les publications de Collart et de l'architecte Coupel, parues en 1951 et 1977, l'autel se présente comme un cube d'une vingtaine de mètres pour les côtés et d'au moins 14 m de haut. Il est posé sur un soubassement parcouru intérieurement de corridors et d'escaliers sur trois à quatre étages. Les quatre façades étaient ornées et percées de fenêtres. Les plafonds étaient richement décorés de motifs inspirés tout à la fois du style augustéen et de la tradition locale, et dont « le plus remarquable est le caducée ailé de Mercure, qui reparaît à quatre reprises ».


Juste à côté se situait le petit autel consacré aux cultes orientaux. Datant du Ier siècle avant J-C, il était haut de près de neuf mètres et posé sur un podium orné de niches. La terrasse au sommet où l'animal était sacrifié et brûlé au plus près du ciel était accessible par des escaliers intérieurs. Les fouilles ont mis au jour les canaux servant à l'évacuation des eaux de lavage, et un puits carré rempli de cendres.

 

Premier sanctuaire en pierre de Palmyre
La fouille du sanctuaire de Baalshamîn, premier temple construit en pierre à Palmyre, est confiée, entre 1952-1954 puis en 1966, à Paul Collart et à l'Université de Genève. Le temple ayant été transformé en église au Ve siècle, Collart avait démonté les structures byzantines et identifié « les 53 blocs sculptés qui composaient le thalamos, une structure tout à fait remarquable posée dans la cella mais sans lieu architectonique avec elle », fait remarquer Patrick Michel. Il note au passage que l'architecture interne des temples de Palmyre a marqué l'organisation des temples de la région, comme celui d'Artémis à Jerash ou le Qasr Firaoun à Pétra.


Lors de ses travaux, Collart a pu compter sur l'expertise du Suisse Daniel Schlumberger, la collaboration de Rudolf Fellmann (1925-2013) et la participation du directeur de la fondation Pro Helvetia Luc Boissonnas qui a réalisé de nombreuses photographies. Les recherches épigraphiques de Christiane Dunant ont permis la publication du corpus des inscriptions du temple de Baalshamîn. Le conférencier signale que les résultats de ces fouilles, et tous les documents originaux (plans, notes, dessins et clichés des pièces d'architectures et des statues exhumées) sont conservés à l'université de Lausanne. « Leur valeur documentaire est inestimable, en cas de reconstruction du temple », détruit en 2015 par le groupe État islamique qui contrôle la région. Un voyage au cœur du monument est possible grâce à la banque d'images, Tiresias, désormais disponible en ligne sur le site de l'Université.

 

Les coffres-forts de Zurich
L'Université de Genève a poursuivi ses excavations à Palmyre, entre 2008–2011. Denis Genequand, directeur de la mission archéologique syro-suisse de Palmyre, a entrepris des recherches sur les niveaux arabes de la ville, se consacrant à l'étude de la transition entre l'Antiquité tardive et la haute époque islamique, à l'histoire de l'architecture et aux décors architecturaux.


« Ainsi la Suisse a un rôle important à jouer dans la sauvegarde du patrimoine syrien, qu'elle a en partie aidé à mettre au jour », a dit Patrick Michel. « La Suisse, contrairement à de nombreux autres pays, ne s'est pas engagée dans les conflits que connaît la région. La Suisse ne connaît pas non plus de passé colonial. Sa situation lui offre l'opportunité de jouer un rôle réel ». Vice-président du comité suisse SHIRIN, association neutre qui propose son expertise pour la protection du patrimoine archéologique en Syrie et en Irak, Patrick Michel affirme que l'association prépare l'après-conflit en contribuant à inventorier et à documenter le patrimoine culturel conservé dans les réserves des musées. Le comité est également prêt à offrir aux archéologues une formation dans le domaine de la restauration. Il précise, d'autre part, que la Suisse a ratifié la Convention internationale de l'Unesco de 1970, qui prévoit la restitution de matériel artistique volé et exporté illicitement et que depuis 2003, la loi sur le transfert des biens culturels, la LTBC, a été adoptée. « Aujourd'hui, la Suisse possède un véritable outil législatif qui participe activement à la fin de l'âge d'or du trafic illicite des antiquités sur son sol. » Et, pour conclure, il rappelle que la Suisse s'est dotée de safe heaven, c'est-à-dire des coffres forts, où des biens culturels menacés peuvent être mis en sécurité durant une période déterminée. Ces coffres-forts sont abrités au sein d'un ancien dépôt de munitions qui a été réaménagé et qui offre toutes les conditions de sécurité. Situé dans la région de Zurich, à proximité des ateliers des restaurateurs du Musée national suisse, le dépôt offre les meilleures conditions de prise en charge.

 

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Un grand merci à May Makarem....

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

08 h 22, le 23 mars 2016

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Commentaires (1)

  • Un grand merci à May Makarem....

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    08 h 22, le 23 mars 2016

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