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À La Une - L'Orient Littéraire

Palmyre, visite guidée d'un trésor menacé

Photo d'archives.

Paul Veyne, spécialiste de l’Antiquité gréco-romaine, archéologue, professeur émérite au Collège de France, bouleversé par les ravages commis par Daech contre les ruines de Palmyre, en Syrie, a rédigé, dans une sorte d’urgence, un petit livre qui s’adresse, dit-il, « au lecteur honnête homme ». 
 
C’est à la fois une visite guidée érudite et vivante du site antique – l’un des plus importants du patrimoine mondial, classé par l’Unesco, à égalité avec Pompéi, Pétra, Ephèse ou Baalbek… –, avec ses chefs-d’œuvre, les temples de Baalshamîn et de Bêl, détruits les 23 et 30 août derniers. Une histoire de Tadmor, la « cité des palmiers », une oasis du désert syrien peuplée dès le IIIe millénaire, et de ses habitants, particulièrement métissés, car la ville a toujours été un carrefour caravanier entre l’Inde et la Méditerranée, commerce d’où elle tira sa prospérité. Un véritable patchwork de peuples, de civilisations, de langues et de religions, rappelle Paul Veyne. En particulier sous la mythique reine Zénobie, qui, au IIIe siècle après Jésus-Christ, conquit pour son fils Wahballat un véritable empire, dont l’Égypte et tout l’Orient, avant d’être vaincue par les légions romaines de l’empereur Aurélien, en 272. Après quoi Palmyre quitte le premier plan de l’histoire.
 
Mais le livre se veut aussi une déploration et une dénonciation du désastre causé par les barbares contre leurs propres richesses nationales – à supposer que les terroristes islamistes aient une patrie, autre que leur prétendu « califat » – et, partant, contre un patrimoine qui appartient à tous. Les dégâts subis par les monuments de Palmyre, y compris les fameuses tours funéraires de ses alentours, profanées et détruites en septembre, semblent difficilement réparables, en tout cas pas avant que la paix et la stabilité soient revenues en Syrie. En attendant, le temps aura fait son œuvre, tout comme les pillards. On sait que Daech tire une partie non négligeable de ses revenus du trafic d’œuvres d’art arrachées aux pays où il sévit. L’Irak et surtout la Syrie, où bien d’autres sites, moins spectaculaires que Palmyre, ont été martyrisés : Mari ou la sublime Apamée, entre autres. 
 
Faire table rase du passé, quel qu’il soit, plonger les peuples dans l’obscurantisme, détruire tout ce qui fait la beauté et le plaisir de la vie, tel est le credo des fanatiques. Les bouddhas de Bâmyân ont subi la dynamite et les marteaux-piqueurs des talibans afghans en 2001, les manuscrits – pourtant islamiques – et les tombeaux des saints hommes – pourtant musulmans – de Tombouctou, les foudres des terroristes du nord du Mali, ce sont aujourd’hui les trésors du Moyen-Orient qui sont menacés de destruction. Déjà, en Irak, l’antique Ninive a été rayée de la carte.
 
Heureusement, à croire le courageux Maamoun Abdulkarim, le directeur des antiquités syriennes, de passage à Paris récemment, l’essentiel des pièces archéologiques conservées dans les principaux musées syriens ont été mises à l’abri, dès 2012, dans des lieux tenus secrets. Chose impossible, bien sûr, pour les sites eux-mêmes. À noter que ce travail s’effectue en étroite collaboration avec les collègues irakiens et libanais des archéologues syriens.
 
La culture, normalement, transcende les frontières et la politique. Mais que peuvent comprendre les fous furieux comme les kamikazes qui viennent de frapper à Beyrouth, à Paris ou à Bamako, au mot « culture » ? Comme le nazi Goebbels, dès qu’ils entendent ce mot, ils sortent leur revolver. Ou leur sabre.
 
Le beau livre de Paul Veyne, d’une lecture absolument salutaire, est dédié à l’archéologue Khaled al-Assaad, directeur général des antiquités de Palmyre, ville à laquelle il a consacré quarante ans de sa vie, de 1963 à 2003, décapité par Daech le 18 août 2015, pour « s’être intéressé aux idoles ».
 
 

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Paul Veyne, spécialiste de l’Antiquité gréco-romaine, archéologue, professeur émérite au Collège de France, bouleversé par les ravages commis par Daech contre les ruines de Palmyre, en Syrie, a rédigé, dans une sorte d’urgence, un petit livre qui s’adresse, dit-il, « au lecteur honnête homme ». 
 
C’est à la fois une visite guidée érudite et vivante du site antique...

commentaires (2)

Palmyre de Paul Veyne m’a interpelle chez le libraire et m’a séduit comme livre de chevet. Ayant visite cette ville millénaire deux fois, je réalise, à sa lecture, l’immensité de mon ignorance de son importance historique, linguistique et politique et de son rôle commercial majeur sur les routes de la soie, des épices et de l’encens entre les confins de l’Empire et l’Asie. Un petit joyau à découvrir pour réaliser que la destruction criminelle de Palmyre est motivée par le désir impérieux et aveugle d’occulter désespérément un passe riche de diversité et de tolérance. Un modèle de société ou tous les dieux se côtoyaient sur l’agora pour le bien de tous.

Georges BEKHAZI

00 h 40, le 11 janvier 2016

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Commentaires (2)

  • Palmyre de Paul Veyne m’a interpelle chez le libraire et m’a séduit comme livre de chevet. Ayant visite cette ville millénaire deux fois, je réalise, à sa lecture, l’immensité de mon ignorance de son importance historique, linguistique et politique et de son rôle commercial majeur sur les routes de la soie, des épices et de l’encens entre les confins de l’Empire et l’Asie. Un petit joyau à découvrir pour réaliser que la destruction criminelle de Palmyre est motivée par le désir impérieux et aveugle d’occulter désespérément un passe riche de diversité et de tolérance. Un modèle de société ou tous les dieux se côtoyaient sur l’agora pour le bien de tous.

    Georges BEKHAZI

    00 h 40, le 11 janvier 2016

  • Excellent petit ouvrage qui montre à la fois la richesse spécifique de cette cité antique que plus personne n'ignore, hélas pour de tristes raisons, et la bêtise criminelle de Daech qui prétend impressionner le monde. L'impressionner par quoi ? Par la vacuité de la pensée, l'hostilité maladive à la beauté et à l'universalité, et par la violence barbare.

    Melki Elias

    13 h 20, le 10 janvier 2016

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