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Moyen Orient et Monde - Dossier spécial/Tribune

Les civils en Syrie et la « responsabilité de protéger »

Dès les premiers mois du soulèvement pacifique contre le régime syrien responsable d'une inégalable répression sanglante, la question de protéger la population civile est posée dans toute son acuité. Le 9 septembre 2011, au moment où il était devenu de plus en plus difficile d'éviter la militarisation partielle de la révolution syrienne, les manifestants du vendredi appellent la communauté internationale à assurer la protection des civils. Certains opposants nourrissent l'espoir de voir le Conseil de sécurité de l'Onu autoriser « tous les moyens nécessaires » afin de porter secours à la population civile.

L'intervention militaire en Libye offrait l'illustration d'une action efficace mue par la « responsabilité de protéger ». Très vite, les enjeux, et les intérêts des puissances en Libye et les effets de leur intervention ne jouent pas en faveur de la Syrie. L'exemple libyen devient, de facto, un contre-exemple. La force de l'opposition russe, marquée par le regret d'avoir opté pour une abstention permettant l'adoption de la résolution 1973 sur la Libye, ainsi que l'absence d'une volonté politique des pays occidentaux de s'engager en Syrie entraînent l'inaction. Il était devenu évident que les pays « amis » du peuple syrien n'étaient pas prêts à se donner les moyens de leurs politiques déclaratoires réclamant le départ de Bachar el-Assad, ou simplement dénonçant ses violations massives des droits humains les plus élémentaires. Visiblement, la communauté internationale n'assume pas sa « responsabilité de protéger ».

Affirmée en 2005 par le plus grand rassemblement des chefs d'État et de gouvernement à l'Onu, cette nouvelle norme internationale est centrée sur le devoir de protéger la population d'un pays contre les génocides, crimes de guerre, nettoyages ethniques et crimes contre l'humanité. En soulignant la responsabilité des États de la protection de leurs propres citoyens, elle prévoit qu'en cas de défaillance de ces États, il incombe à la communauté internationale de porter la responsabilité subsidiaire de mener en temps voulu une action collective résolue, y compris par la coercition.

À défaut d'une intervention militaire, les « amis » du peuple syrien ne se dotent pas d'autre moyens susceptibles de contribuer, quoique d'une manière limitée, à faire respecter les droits de l'homme et le droit humanitaire. Les résolutions 2139 (2014), 2254 (2015) et 2268 (2016), relatives aux sièges des zones peuplées et les attaques contre les civils, l'accès humanitaire rapide et sans entrave et l'appui à l'accord sur la cessation des hostilités s'inscrivent largement, et jusqu'à preuve suffisante, dans un logique déclaratoire. Pour sa part, l'intervention militaire russe assure la protection du régime aux dépens de la population civile.

Une asymétrique politique de puissance, traversée par la fermeté des uns et la mollesse des autres, laisse toujours peu de place à la politique de protection. Aux yeux de nombreux Syriens, la cessation des hostilités, toujours précaire, ne garantit pas la fin des crimes de guerre et les crimes contre l'humanité. Certains reprennent, dans le désarroi, le cri des manifestants du 13 octobre 2011: « Dieu ! Vous êtes notre seul recours. »

* Homme politique, intellectuel, universitaire et écrivain libanais.

 

 

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