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Culture - Scène

Beyrouth sur un arbre perché : drôle et percutant face à la décadence collective...

Au Teatro Verdun*, un spectacle hybride et décalé entre « stand-up comedy », « hakawati » et chansonnier. Cela s'appelle « Beyrouth faouk al-chajarah » (Beyrouth sur un arbre) de Yehya Jaber. En vedette, Ziad Itani, bonimenteur débordant de gouaille.

Sur scène, un Ziad Itani bonimenteur, débordant de gouaille, jouant avec des bricoles.

Environ plus de 300 m2 pour ce théâtre-cabaret flambant neuf avec rideaux en velours, tables, fauteuils et coin bar au haut d'un espace qui descend en gradin. Public nombreux et interactif avec une présence peu marquée par les jeunes. Est-ce parce qu'on y parle d'un temps un peu lointain et révolu ?
Sans doute, mais alors c'est l'occasion de se cultiver et de s'informer par le biais de l'humour, de l'ironie, de la dérision, du sarcasme, du cynisme, du tout cousu de fil blanc, de la bouffonnerie, de l'irrévérence, du cocasse, du disjoncté et de la bonne humeur...

L'histoire, avec un grand H depuis l'Indépendance jusqu'à nos tristes jours, dans un chapelet d'anecdotes amusantes (où le trivial se marie en toute allégresse au grinçant !) émaillées d'une verve populaire dingue. Dans un style commedia dell'arte à la sauce baladi, mêlant les genres, les soliloques, les piques, les ritournelles « hichek bechek », un tempo endiablé pour une diarrhée verbale et une gesticulation sans frein !
Sur scène, des bricoles. Chaises et tabourets en bois et des sièges en vannerie tissée. De part et d'autre du centre dardé par les spots, deux musiciens (oud et tablé) pour donner plus de nerf, avec à leurs pieds un monticule d'objets hétéroclites. Débarque sous les applaudissements Ziad Itani qui a déjà fait un tabac avec Tarik el-Jedideh.
Il séduit et convainc en endossant, une fois de plus, son inénarrable personnage de « bayrouti » au vocabulaire gras, au bagout intarissable, au verbe tonitruant et aux bribes de chansonnettes entonnées avec pétulance.

Feuilleton ubuesque et arlequinades orientales
Comme une suite à cette inspiration des rues, des quartiers et de l'âme de Beyrouth, dans une reconstruction très arbre généalogique, avec (im)pertinent flash-back en arrière, Yehyia Jaber donne ici le feuilleton caustique, ubuesque et hilarant de l'historique de la capitale libanaise.
Et il remonte bien loin dans le temps, c'est-à-dire aux premiers jours de cette république aujourd'hui éreintée et pas très bien portante, comme une grande coquette à son déclin, ravagée par les rides et la cellulite...

Tout y passe comme sur un « sandouk el-ferjeh ». Une lanterne magique à allure de bouffonnerie, de pitrerie, d'arlequinade à l'orientale. Tour d'horizon, avec plus ou moins de bonheur (car des moments creux et vaseux il y en a !), pour tous les événements socio-politico-culturels qui ont déferlé et submergé nos rives et notre ciel, et les ont couverts aujourd'hui d'immondices. Au sens propre du terme. Sans que peuple et gouvernants n'en soient remués !
Un faisceau laser sans concessions, vitriolé et mené tambour battant. De la politique (locale et régionale) aux politiciens (vaste panel d'une galerie riche en portraits piquants qui inclut les dirigeants du monde arabe avec leur mégalo dévastatrice !), aux stars de la chansonnette ou du grand et petit écran, le tableau est fourmillant de détails. Détails croustillants et impitoyables où tout se déverse (comme dans un dépotoir sans fond!) et se libère par le rire.
Et cela va de Nasser à Kadhafi, en passant par l'art et les vedettes (Sabah, Feyrouz, Wadih el-Safi, Abdel Halim, Nadia Gamal et la liste est longue), les blagues, les caricatures et les clins d'œil complices abondent.
Sans parler des causes (palestinienne, dont la route passe par Jounieh !), des calamités (une guerre fratricide, et des autres, au seuil de nos portes et aujourd'hui on a à boire la coupe de la misère syrienne) dont les séquelles empoisonnent et alourdissent toujours notre quotidien. Et qui ne font qu'accentuer les clivages et les fossés entre une mosaïque de communautés cimentées, soi-disant, par un pacte d'entente nationale.

Tout cela est débité à un train d'enfer en deux actes. Deux actes bien longs et qui gagneraient à être réduits au moins d'une bonne demi-heure pour être plus efficaces. D'autant plus que le démarrage pour la mécanique du rire tarde à venir, le temps que la mayonnaise prenne !
Cela dit, une fois que le train est en marche, dans un verbiage touffu, ça cavalcade, sans crainte de vulgarité ou d'overdose de jeux de mots faciles, dans une profusion de personnages aux traits acérés grossis au fusain, de situations surréalistes et de zizique sitôt entendue, sitôt oubliée.
Fouad, ce « bayrouti » qui tient le haut du pavé sur scène, égoïste comme un arbre qui veut étendre tout l'ombre pour lui-même, riche héritier devenu couturier et teinturier avec nœud de papillon, casquette et espadrille, en débite des choses. Des choses sur Basta, Achrafieh, les « abadayes », le Kit-Kat, le népotisme des dirigeants libanais et arabes, Mohammad Salman... Mohammad Salman justement, cinéaste de ce film arabe culte Mon père sur un arbre. Tout comme Beyrouth l'est actuellement dans ses innombrables ramifications et sur son fumier !
Écoutez ce Fouad. Malgré ses clowneries, il détient tant de vérités. Toutes bonnes à dire, à crier, à écouter. Et faute de pleurer, on en rit pas mal...

*Verdun, Centre Dunes, tous les lundis et jeudis (21h) et, dans les mêmes lieux et horaires, tous les mardis, le succès continu de « Tarik el-Jedideh ».

 


Pour mémoire
Beyrouth la glorieuse renaît au « Bar Farouk » : chapeau l'artiste !

Environ plus de 300 m2 pour ce théâtre-cabaret flambant neuf avec rideaux en velours, tables, fauteuils et coin bar au haut d'un espace qui descend en gradin. Public nombreux et interactif avec une présence peu marquée par les jeunes. Est-ce parce qu'on y parle d'un temps un peu lointain et révolu ?Sans doute, mais alors c'est l'occasion de se cultiver et de s'informer par le biais de...

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