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Économie - Liban - Finance

Au Liban, Money veut généraliser les crédits à la consommation

À mi-chemin entre une banque et un comptoir financier, la société Money parie sur la simplicité pour séduire une clientèle aisée. Retour sur un succès surprenant.

Les enseignes de Money ont fait irruption dans la capitale à partir de 2012 et continuent de se multiplier depuis. Photo C. Hd

Alors que la Banque du Liban (BDL) semble résolue à encadrer davantage les crédits aux particuliers en imposant plus de transparence aux banques vis-à-vis de leurs clients – via sa circulaire du 12 février 2015 –, ou de nouvelles restrictions contre les « comptoirs » financiers – considérés comme des usuriers – le 21 janvier dernier ; un acteur se distingue sur le marché en proposant un modèle intermédiaire. Depuis quelques mois, les enseignes de Money fleurissent dans les allées de la capitale et de ses centres commerciaux.

 

Livraison à domicile
« En deux ans, notre portfolio a augmenté de 500 % à 7 000 clients actifs », se félicite Élias Samia, PDG de cette compagnie établie en 2012. Avec 250 points de vente dans le pays, Money propose des crédits à la consommation entre 1 000 et 6 000 dollars à des taux d'intérêt de 17 %. « Nous voulions créer un nouveau type de société de crédit, en étant aussi professionnels qu'une banque mais beaucoup plus flexibles, car nos prêts peuvent être livrés à domicile ou octroyés dans nos points de vente en quelques heures », explique Élias Samia. Ces crédits sont accordés via une carte bancaire fournie par la Bank of Beirut. « Nous ne proposons que des prêts à petits montants, donc pas de prêts logement, ni de prêts automobile », ajoute-t-il, avant de préciser qu'il ne cible que les employés ou cadres de grandes compagnies.


La compagnie affirme voir l'arrivée de la nouvelle réglementation sur les « comptoirs » d'un très bon œil. « Nous allons profiter de ces nouvelles régulations car elles permettront de stopper les usuriers et prêteurs sur gages, qui tarissent la réputation des comptoirs », souligne Élias Samia. La circulaire (n°2), émise par la BDL en janvier, impose en effet de nouvelles restrictions à ces derniers, qui octroient généralement des prêts, contre la garantie d'un bien, saisi en cas de défaut de paiement. Ils doivent désormais se constituer un capital de 2 milliards de livres libanaises pour chaque nouvelle branche, en sus de l'approbation de la BDL. Autre restriction, l'interdiction d'accorder des prêts d'une valeur inférieure à 60 % du montant de la garantie fournie par le client. Enfin, ces comptoirs ont l'interdiction de se financer auprès des banques et institutions financières, et devront communiquer à la centrale des risques de la BDL tous leurs crédits octroyés, afin de pouvoir calculer les taux d'endettement de leurs clients. « Ces régulations ne me posent aucun problème, car je suis enregistré à la BDL, je ne prends aucune garantie, je ne suis pas financé par une banque, mais par des compagnies d'assurances, et je n'ai pas d'autres branches, les points de vente n'étant pas considérés comme telles », avance Élias Samia.

 

« Surendettement » ?
Seule ombre à son tableau, la nécessité de communiquer ses prêts à la centrale des risques où l'ensemble des crédits d'un individu sont répertoriés. Car, depuis 2014, les remboursements mensuels de crédits ne doivent pas excéder 35 % des revenus mensuels du ménage débiteur. Une situation qui n'arrange pas Money : « Quelque 15 % de nos clients nous choisissaient pour éviter cette politique. Car, si un client est endetté à 35 %, ses ressources disponibles ne seront pas les mêmes, qu'il ait un revenu de 1 000 dollars ou de 5 000 dollars. Or, si son profil est excellent, il reste solvable à nos yeux. D'ailleurs, notre taux de créances douteuses n'est que de 1,7 % contre environ 3,8 % pour les banques », note Élias Samia.
Reste que la forte similitude de ce type de crédit avec les crédits renouvelables (dit aussi revolving) peut susciter quelques inquiétudes dans un contexte de baisse du pouvoir d'achat. Ces crédits à la consommation permanents – proposés à un taux d'intérêt de 18 % au Liban – se reconstituent automatiquement au fur et à mesure des remboursements, alors que la somme octroyée est variable. « Si vous vous rendez dans une agence télécoms pour acheter un nouveau téléphone à 800 dollars, et que vous avez un bon profil, nous essayons de vous proposer un crédit d'une somme supérieure, donc vous bénéficierez ainsi d'un nouveau téléphone, en sus d'un prêt personnel », indique Élias Samia qui précise néanmoins que le renouvellement de ces crédits n'est pas automatique. Si la personne peut choisir de ne pas tout dépenser, elle est donc naturellement incitée à piocher dans cette réserve, avec le risque de s'endetter bien plus que prévu initialement.


Quant aux banques, elles accueillent naturellement cette concurrence atypique avec méfiance : « Je pense que ce type de pratiques est dangereux pour le tissu social libanais car il pousse au surendettement, il ne manquerait plus que les consommateurs s'endettent aussi auprès de leur épicier ! » fustige un banquier sous le couvert de l'anonymat. « Tant qu'il est régulé par la BDL, les risques sont contrôlés, mais nous attendons voir... » tempère un autre banquier. Une méfiance qui ne freine pas les ambitions de Money : « Nous comptons doubler notre portfolio et atteindre les 700 points de vente d'ici à fin 2016, et visons les 40 000 clients en 2021 », confie Élias Samia.

 

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