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Lifestyle - Tous les chats sont gris

Colette, comme des garçons

Leur mystère déconcertant perturbe l'univers de la mode qui prêche l'exhibe comme science infuse. Pourtant, sous cette inertie d'apparence se cache une volonté au fer rouge. Colette Rousseaux
et sa fille Sarah Andelman sont les cofondatrices de Colette, le concept store parisien dont la puissance de frappe n'a d'égal que le chiffre d'affaires.

Colette, un concept et deux femmes qui font la pluie et le beau temps de la mode. Illustration Cynthia Merhej

Une multitude d'idées préconçues circulent à propos d'elles. On les présente parfois comme des divas recluses dans le snobisme de leur tour d'argent. Colette Rousseaux et sa fille Sarah Andelman seraient de ces fabricants de pluie ou de beau temps, dont un battement de cil suffirait (à lui seul) à mettre la planète fashion au garde-à-vous. Et pourtant, tout ce que ces deux drôles de dames ont voulu faire à partir du 273, rue Saint-Honoré, c'est balancer leur foudre novatrice sur le tout-Paris, et ainsi tanner la peau aux gouffres de la banalité où plonge lentement mais sûrement la sphère modeuse. Flair précoce et énergie féroce, elles ont monté à cette adresse leur concept store Colette où se télescopent mode, art et nourriture. Elles y trimbalent depuis 1997 leurs fantaisies bariolées, prêtes à plumer les haut-parleurs de l'austérité et les sermonneurs tout de gris vêtus.

Mystérieusement vôtres
C'était en octobre dernier. Le rendez-vous est pris à la boutique, point névralgique de la Fashion Week, où les gens trimbalent leurs délires et leurs fantasmes dorés entre deux défilés. Parmi l'armée Duracell des vendeurs, elle a beau vouloir passer inaperçue, la tête plongée dans un paquet qu'elle emballe, elle cambriole aussitôt tous les regards. Un foulard de matelot qui ne lâche pas son cou de crawleuse vers les tourbillons de la vie. Les jambes de guerrière qui se compressent entre derbies de Sept Lieues et jupe montgolfière. Les mains qui gisent ballantes comme des oiseaux planant et le sourire comme un beau voile. Colette Rousseaux sourit souvent, quand elle s'adresse à nous, et cela réussit bien à dissimuler tout ce qu'elle aimerait taire. Mais si elle et sa fille Sarah vivent « à l'écart de l'agitation mondaine », si elles accordent des interviews au compte goutte (estimons-nous heureux !), assènent un « non » à toute photo dans la presse et jouent les grandes absentes, elles n'ont rien de ces pseudovedettes recluses derrière les verres fumés d'une âme faussement pénétrante. Les cofondatrices du concept store parisien, qui a indiscutablement marqué le monde comme nul autre, ne sont ni timides ni effarouchées. Elles sont discrètes et fières de l'être. Elles y aspirent ainsi, avec cette confiance qui, illico, vous invite à savourer ce refus de lumières crues : « Nous préférons ne pas nous exposer. Notre boutique en dit assez sur nous et les choses que nous aimons. » Mais gare aux confusions ! Pas du tout petites Titi apeurées, ne s'empêchant pas (quand il le faut) de tirer la langue aux Gros minets et autres diktats les plus terribles de la mode. La presse sérieuse et les gens du milieu les hissent d'ailleurs au rang des Anna Wintour et consorts, éternelles défricheuses des terreaux les plus pointus comme les plus incongrus de la mode et du lifestyle.

Chef de filles
Leur histoire mâchouille toutes les épices d'une success story. Colette a sa boutique dans le Sentier, Sarah fait l'école du Louvre. Et comme ça, comme on tord le nez à un quotidien pâle, les deux femmes louent un local en dessous de leur appartement et y installent leur bric-à-brac étonnant baptisé Colette. Sans doute pour recréer un monde comme il leur convient, elles conçoivent cet espace de 700m2 comme « un lieu où l'on retrouve les produits que l'on aime et qu'on ne trouve pas à Paris », affirment d'une même voix les deux femmes monomaniaques de leur passion, qui préfèrent le bleu cerné des nuits sans sommeil au jaune nunuche des soleils où l'on se dore la pilule. Très vite, « sans vraiment réussir à mettre le doigt dessus », on entend Colette partout. Un nom qui ne disait rien à personne et que Colette Rousseaux et Sarah Endelman ont transformé en utopie, à partir de rien et pour tout le monde. Colette devient un slogan, une manière d'être, une griffe qui a même sa mascotte imaginée par Darcel et son inimitable parfum de peau L'air de Colette.

Surprendre, toujours surprendre
Aujourd'hui, dans les showrooms, on implore ne serait-ce qu'un regard furtif de Sarah, et toute pièce disposée sur les portants de sa boutique devient l'un des commandements du hype. On parle même des soi-disant filles spirituelles de Colette, ces boutiques inspirées par elle, mais qui une fois entassées n'arrivent pas à la semelle de ses escarpins. Mais qu'est-ce qui a fait le boom et surtout l'aura de cette enseigne parisienne qui compte désormais 120 salariés ? S'il est facile de les camper, Sarah Andelman et son équipe, en pseudo-Gourous d'une branchitude qui fait galoper les foules aveugles, demeure que le concept-store a été pionnier dans son domaine, une boussole à sniffer les tendances bien avant leur quart d'heure de gloire. Déjà l'idée culottée de faire cohabiter sous un même toit « un bar à eau (fallait le faire), une micro galerie d'art et toute sorte d'objets allant d'une friandise Haribo à une veste Thom Browne en passant par une compil' concocté par Michel Gaubert et un tableau de Darcel », résume Sarah d'une voix de petite fille gourmande que l'on n'imaginait pas appartenir à cette femme d'affaires redoutable. « Colette fonctionne comme une sorte de magazine, ses rayons ressemblent à des rubriques qui offrent une lecture exhaustive de l'époque », poursuit-elle. Mais en tant qu'acheteuse et dénicheuse, Sarah Andelman cherche surtout à mettre la lumière sur ceux qui sont dans l'ombre des flashes pailletés, les potentielles stars en devenir. Car elle vous dira que la mode qui l'intéresse, celle sur laquelle elle mise mais qu'elle ne la connaît pas, pas encore en tout cas, quitte à devoir aller la tirer pas le bout de l'oreille. Alors, bien sûr, les pièces des griffes installées entre Dior, Valentino, Alaïa et Comme des Garçons, celles qui conduisent le marché à grandes guides, font partie de sa sélection. Toutefois, elles se font éclabousser par la fraîcheur de jeunes pousses de la mode, à savoir des marques comme OAMC, Off White, Gosha Rubchinsky ou encore les Libanais Mira Mikati, Dina Kamal, Vanina et Rabih Kayrouz qui vient juste d'y faire son entrée. Avide d'affirmer un rêve plutôt que de rabâcher le réel, manière aussi de s'inscrire en faux contre une ère de chéries bimbos emperlousées et bibiches à la dénude standardisée. Et puis surtout de « tous les matins, trouver un moyen de surprendre ». Pari(s) remporté.

 

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