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Lifestyle - Rencontre

Tabbah : Madame est sertie !

Audacieuse, la Maison Tabbah se plaît à l'exercice d'équilibriste en imaginant des pièces ludiques et novatrices qui jouent des codes et des influences avec des sensibilités très (dé)marquées. Tout en continuant à s'attacher à la haute joaillerie que père et fils Tabbah exécutent avec perfectionnisme et aplomb.

Salon privé dans la boutique Tabbah, rue Allenby. Photo Roger Moukarzel

Rien à voir avec la prétention diamantée de certaines grandes maisons qui, sous prétexte d'ancienneté, attisent ainsi les appréhensions de toute une clientèle. Nulle parenté avec la froideur poussiéreuse de quelques institutions familiales recluses sur les ruines d'un passé dont elles ne semblent pas s'affranchir. Nabil et Nagib Tabbah, père et fils, sont sûrs d'eux et de leurs idées, enjoués et décidés, rêveurs et structurés. Ces deux joailliers, propriétaires et designers de la prestigieuse Maison Tabbah, ne sont ni dédaigneux ni intimidants, ils sont audacieux et fiers de l'être. C'est un choix qui s'accorde avec une nature et fonde une notoriété. Ils le revendiquent ainsi: «Outre l'aspect méticuleux qui va sans dire dans notre métier, lors de la création d'une pièce, la première chose à laquelle nous pensons est : "comment surprendre la femme"?»

Tandem père-fils
C'est dans le calme feutré de l'atelier, où cohabitent tant d'idées esquissées puis serties, que reçoivent les Tabbah. Leur force, c'est cette double signature. Les deux hommes défendent quelque chose qui les dépasse: le projet de la Maison fond et dissout les individus. Leurs patrimoines individuels, leurs parcours différents sont un savoir-faire, une manière de s'irriguer l'un l'autre. Dans leurs bureaux géminés, toute la journée durant, ils se plient au ping-pong de la gamberge, mais, explique Nagib: «Nous ne créons pas à quatre mains. Nous nous partageons les projets tout en échangeant nos idées le long du processus.» Et de poursuivre: «Nous sommes tout simplement complémentaires. On pourrait dire que mon père est plus architectural, étant issu de l'école du cubisme, moi plus dans la mouvance du story telling. » Deux cerveaux, deux voix donc, et l'ADN d'une Maison archivée au fil du temps sur un tableau de photos qui convoque notre attention. Hissé sur l'un des murs, il résume l'histoire chargée de la Maison en 440 pièces...

Chemin de la soie
On y découvre les indéboulonnables best-sellers, mais aussi les fantaisies colorées de leurs pièces de haute joaillerie, tous ces bijoux « culottés » qui ont propulsé la Maison Tabbah dans les hautes sphères du bijou et lui ont valu le Grand Prix Triomphe de l'excellence européenne, la hissant ainsi au rang de ses consœurs de la place Vendôme. Mais la conquête de cette forteresse de l'élégance s'est faite par étapes, sans précipitation, comme le raconte Nagib : À la base, la famille était spécialisée dans l'imprimerie sur soie. Au début du siècle dernier, c'est mon ancêtre Joseph Tabbah qui a introduit la famille dans le métier de la joaillerie. » Depuis, se passant le flambeau de génération en génération avec le même mot d'ordre, « l'excellence ou rien », la Maison trace une ligne d'audace à mesure qu'elle dessine les contours d'un univers dans lequel « chaque bijou est conçu pour aimer la femme ». De fait, chacune des créations de la haute joaillerie est « le fruit d'un travail quasi psychologique qui consiste à se mettre presque dans la peau de la cliente». Elles parlent d'amour, d'un moment, elles adoptent le langage de la chair, jusqu'à dresser le portrait de celles qui les endossent. En véritables témoins des modes et des époques, tous ces «ornements» sont pourtant liés par le fil invisible de la Maison, une empreinte que Nagib Tabbah résume en quelques mots: «Mettre en vie un rêve, une émotion. La prise de risque continuelle, aussi.» Car chez les Tabbah, on convie l'opulence et l'extravagance, mais aussi la géométrie et la mécanique tant dans la juxtaposition des pierres précieuses en «convolutions» chromatiques, que dans les formes incongrues ou hyperréalistes qui donnent au bijou une dimension de mini-architecture.

Réinterpréter les codes
Depuis son «entrée» dans la Maison dans les années 90 et à travers les lignes qu'il conçoit depuis en plus de la haute joaillerie, Nagib Tabbah maintient ce cap subtil, sous le signe du doux paradoxe. Celui du métissage et de la ligne claire, du jeu et de la rigueur, de l'exubérance et de l'intimisme, de la tradition et de la transgression. «La barre est très haute... Chaque matin représente un défi : celui de conserver le niveau de la Maison, sinon faire mieux!» confie le créateur. Un challenge qu'il semble réussir, et ce sont ses collections qui s'expriment pour lui, provoquant à chacune d'elles un véritable buzz. Comme sorties d'un conte fantasmé par Nagib Tabbah, il y aura la cosmique Designers Collection suivie de la luxuriante Garden Of Eden inspirée de la thématique du jardin d'Éden, puis de Copacabana, une série de bracelets ludiques et excentriques montés sur un cordon en croco coloré. La dernière collection en date, baptisée Béret, a été lancée cet automne. « Pour le trentième anniversaire de l'iconique bague Béret créée en 1985, j'ai tenu à réinterpréter ce classique de la Maison, comme une sorte de clin d'œil, comme un cadeau ! » précise le fils Tabbah d'une voix de doux conteur. Échappée du cœur de la décennie pop platinée des années 80 pour être mieux réinventée en 2015, la bague Béret se veut plus géométrique dans ses traits, plus amusante dans ses déclinaisons, plus innovatrice dans ses alliages de couleurs et matériaux, mais toujours aussi pointue dans son exécution. Elle est la preuve vivante, sur les traces de la Maison Tabbah, qu'il est possible d'évoquer le passé pour mieux imaginer l'avenir.

 

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