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Liban - Conférence

Pourquoi les médias boudent-ils le thème des élections ?

Des membres de la société civile dénoncent le verrouillage du système électoral par les politiques.

Les députés Alain Aoun, Antoine Zahra et Ahmad Fatfat entourant le journaliste Walid Abboud. Photo Nasser Trabulsi

Pourquoi les médias s'intéressent-ils de moins en moins aux questions électorales, qui restent pourtant un sujet fondamental si l'on admet que la consultation populaire constitue l'un des piliers de l'alternance et le passage obligé pour la recomposition du pouvoir et le renouvellement des élites politiques...
C'est autour de ce thème que l'association Maharat a organisé hier un face-à-face entre les représentants des médias et plusieurs responsables politiques, en présence d'experts issus de la société civile.

À partir d'une étude effectuée par Maharat sur l'ampleur de la couverture par les médias, au cours de l'année 2015, des questions électorales, les participants ont examiné à tour de rôle les différents obstacles qui ont contribué au désintérêt manifesté par les médias. Ont été évoquées à cette occasion les responsabilités respectives des journalistes et des représentants politiques ainsi que celles du citoyen dont la culture électorale reste limitée dès qu'il est confronté aux technicités des modes de scrutin, d'où sa décision de se rabattre en définitive sur ses choix primaires et communautaristes.

Les échanges, parfois houleux entre les participants, ont permis de faire ressortir notamment la résolution des politiques à ne pas lâcher prise en verrouillant le système et en tergiversant aussi bien sur l'adoption d'une loi électorale que sur les réformes escomptées, clé de voûte de l'opération électorale.
L'inféodation de certains médias et/ou journalistes à des camps politiques devait également être pointée du doigt lors des débats.

Tour à tour, les députés Ahmad Fatfat (courant du Futur), Antoine Zahra (Forces libanaises) et Alain Aoun (Courant patriotique libre) ont repris leur argumentation en faveur de tel ou de tel mode de scrutin, justifiant leur préférence par la « nécessité d'une représentation juste et équitable » des communautés et partis politiques qu'ils représentent, et par la nécessité du « respect de la parité entre musulmans et chrétiens ».
Si les FL et le courant du Futur continuent de défendre le mode de scrutin mixte (la proportionnelle atténuée par le système majoritaire), le CPL affirme que la solution réside dans un projet de loi « qui ressemble au projet orthodoxe, c'est-à-dire, un système qui conforte le suspense constructif au niveau des résultats en augmentant le taux de représentation chrétienne », a souligné M. Aoun.

« Le vrai problème, a enchaîné la directrice exécutive de Lade (l'Association libanaise pour la démocratie des élections), Yara Nassar, est la crise de confiance entre les citoyens et la classe politique, suscitée par l'autoprorogation par les députés de leur mandat et l'incapacité des commissions ad hoc à soumettre leurs conclusions en matière de loi électorale. » « Il revient au pouvoir politique de prouver désormais son intention sérieuse et d'organiser des élections », a-t-elle ajouté.

L'absence de confiance dans la classe politique a également été mise en exergue par Hussein Ayoub, journaliste au quotidien as-Safir, qui a dénoncé la politique d'attentisme et de fuite en avant pratiquée par les responsables politiques qui, a-t-il dit, se sont habitués à tabler sur « un panier d'accords régionaux dans l'espoir qu'il puisse se répercuter positivement sur la scène intérieure ».

Pour le chercheur et politologue Karam Karam, la classe politique continue à œuvrer à ce jour à saper les fondements de Taëf. « L'obsession qui prévaut au sein de cette classe ne vise pas à la recomposition du pouvoir, mais a plutôt pour objectif sa redistribution au sein même de cette classe », a affirmé M. Karam. Et de souligner que la classe politique actuelle perpétuera son emprise sur le pouvoir même si on appliquerait la proportionnelle qui ne laisse que peu de marge à la naissance d'une troisième force, comprendre celle des nouvelles élites.

« Les médias, déplore à son tour Pierre Abi Saab, sont en définitive une composante du système en place. Ils doivent se réformer. » La solution réside dans des réformes qui émaneraient du citoyen et qui consisteraient à le libérer du joug du communautarisme par le biais de l'émergence d'une troisième force, d'autant que la classe politique actuelle « cherche à préserver ses intérêts », a-t-il poursuivi.

La directrice des informations à la LBC, Lara Zaloum, a tenu à souligner les deux handicaps qui empêchent les médias audiovisuels de s'attarder sur le thème électoral. D'une part, l'aspect rébarbatif du sujet, aux aspects techniques multiples, et, d'autre part, les difficultés qu'ont les citoyens à comprendre les différences entre les modes de scrutin ou leurs caractéristiques.
« Si le camp politique appuyé par le citoyen interrogé se prononce en faveur de la proportionnelle, le citoyen va dire qu'il l'est aussi. »

Ancien directeur des affaires politiques au sein du ministère de l'Intérieur et membre de la commission indépendante pour la supervision des élections de 2009, Atallah Ghacham a déploré les limitations des prérogatives imposées à la commission qui s'est contentée de faire de simples constatations relatives aux violations à la publicité et la couverture électorale. Des mises en garde dont « ont fait fi les médias inféodés aux politiques », a-t-il dit.

L'expert électoral au sein du Pnud, Said Sanadiki, a conclu en attirant l'attention sur le fait que la loi électorale ne saurait être perçue séparément sous ses deux angles technique et politique, les deux aspects étant intrinsèquement liés.

 

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Pourquoi les médias s'intéressent-ils de moins en moins aux questions électorales, qui restent pourtant un sujet fondamental si l'on admet que la consultation populaire constitue l'un des piliers de l'alternance et le passage obligé pour la recomposition du pouvoir et le renouvellement des élites politiques...C'est autour de ce thème que l'association Maharat a organisé hier un...
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LE TITRE DEVRAIT ÊTRE : VEROUILLAGE DU SYSTÈME ÉLECTORAL PAR LES PANURGES DES "TRIBUS" ET L'HÉBÉTUDE DES MOUTONS...

LA LIBRE EXPRESSION

07 h 31, le 22 décembre 2015

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Commentaires (1)

  • LE TITRE DEVRAIT ÊTRE : VEROUILLAGE DU SYSTÈME ÉLECTORAL PAR LES PANURGES DES "TRIBUS" ET L'HÉBÉTUDE DES MOUTONS...

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 31, le 22 décembre 2015

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