« Les réfugiés syriens peuvent devenir un atout économique pour le Liban à condition que les investissements appropriés soient réalisés... » La coordinatrice spéciale des Nations unies pour le Liban, Sigrid Kaag, a d'emblée donné le ton lors d'une table ronde sur les perspectives économiques pour le Liban, organisée mardi par l'Association des commerçants de Beyrouth (ACB), en collaboration avec la Blom Bank.
« Plan Marshall »
Mme Kaag a souligné que « le Liban a besoin d'un programme de 5 ans au minimum pour faire face au poids économique que représentent » les réfugiés, rappelant que les Nations unies ont enregistré officiellement 1,1 million de Syriens au Liban. Quelques protestations ont fusé dans la salle, contestant ce chiffre, trop bas aux yeux de nombreux participants. Mme Kaag a toutefois loué les efforts déjà effectués par le Liban dans un contexte économique en berne, avec 0 % de croissance prévu par la Banque du Liban pour 2015, et plusieurs secteurs en souffrance.
Mais le président de l'ACB, Nicolas Chammas, a tenu à souligner sa « sympathie » pour les réfugiés, précisant que nombre d'entre eux sont au Liban pour des raisons économiques. Une opinion partagée par la majorité des représentants du patronat présents dans l'auditoire, mais difficile à évaluer par l'Onu. « La majorité des réfugiés que nous avons enregistrés avaient des craintes raisonnables pour leurs vies quand ils sont arrivés », a répondu Mme Kaag. Selon elle, le durcissement des conditions d'octroi des permis de travail et de séjour ne feront que rendre les Syriens plus vulnérables vis-à-vis d'employeurs peu scrupuleux. Aujourd'hui, a-t-elle souligné – chiffres du syndicat des entrepreneurs de travaux public à l'appui –, 350 000 Syriens travaillent dans la construction, employés par 3 400 entreprises pour un marché évalué à 10 milliards de dollars. « L'avantage sur le court terme pour l'employeur qui paie des salaires très bas est un handicap sur le long terme pour le Liban », a-t-elle observé, soulignant la nécessité de « légaliser les moyens de subsistance (et donc de travail) des Syriens ».
(Pour mémoire : Quatre ans après le soulèvement en Syrie, le chômage explose et les inégalités se creusent au Liban)
Une position qui a peu convaincu le patronat, acquis à l'idée que le fardeau économique engendré par les réfugiés a déjà atteint un stade critique, accentué par une relative indifférence de la communauté internationale. « Pourquoi n'a-t-on pas droit à des aides équivalentes à celle des 3 milliards d'euros accordés à la Turquie, comme annoncé cette semaine par l'Union européenne ? » a demandé M. Chammas. Rebondissant sur cette comparaison, Mme Kaag a d'abord concédé que « Le Liban a besoin d'un plan Marshall », avant d'ajouter : « Mais la Turquie a un État fort capable de faire entendre sa voix au plan international. le Liban a aussi besoin d'un tel État... » À l'instar des autres organisations internationales, l'Onu pointe ainsi du doigt les conséquences de la paralysie politique sur l'économie. « L'élection d'un président de la République est nécessaire afin de rassurer les investisseurs et les consommateurs », a résumé Mme Kaag.
(Pour mémoire : L’aide aux réfugiés a amorti l’impact de la crise syrienne sur l’économie)
Problèmes structurels
Autre conséquence d'un État faible : la corruption qui mine le pays, obstacle important à une croissance inclusive, c'est-à-dire une croissance dans laquelle l'accent est mis sur des opportunités économiques équitables pour tous les acteurs, a-t-elle souligné. Selon la coordinatrice spéciale de l'Onu, un État fort pourrait également accompagner le secteur privé afin que celui-ci puisse faire face aux problèmes structurels antérieurs à la crise syrienne qui doivent être abordés avant que le pays puisse connaître une croissance inclusive. « Les secteurs publics et privés devraient se pencher en priorité sur certains problèmes structurels, a-t-elle ajouté. Tout d'abord, le sous-investissement dans des régions en dehors de Beyrouth, qui concentre 80 % de la production nationale. Je suis surprise qu'il n'y ait pas davantage d'insécurité dans une ville comme Tripoli après une si longue période de sous-investissements », a observé Mme Kaag. Et d'ajouter : « Des investissements dans l'agriculture, qui ne représente que 6 % de la production nationale, pourraient également créer du travail aussi dans les zones les plus défavorisées. »
En outre, les entreprises libanaises sont très vulnérables aux chocs économiques, car celles-ci sont composées à 95 % de petites et moyennes entreprises (PME). Et selon Mme Kaag, « les PME représentent un risque important pour les investisseurs, tels que des donateurs ou des banques, et ont parfois des difficultés à trouver des financements ».
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commentaires (4)
Elle est pas mal, les représentant des pays industrialisés qui osent dire ça ils pleurent pour 30 000 en Europe mais deux millions pour le Liban c'est bon. Décidément cette bureaucratie de grandes écoles commence à me chauffer les oreilles, de véritables incompétents qui se permettent de diriger le monde !!!
yves kerlidou
16 h 08, le 03 décembre 2015