On a souvent tendance à se reconnaître, d'ailleurs, dans son appartenance la plus attaquée; parfois, quand on ne se sent pas la force de la défendre, on la dissimule, alors elle reste au fond de soi-même, tapie dans l'ombre, attendant sa revanche ; mais qu'on l'assume ou qu'on la cache, qu'on la proclame discrètement ou avec fracas, c'est à elle qu'on s'identifie.
Amin Maalouf
Personne au monde n'a le droit
de nous empêcher de faire ce que l'on aime.
Madonna
Il arrive qu'un cordon ombilical se transforme en une autoroute à deux voies. Rarement, certes, mais quand cela advient, se construisent alors un work in progress et une concomitance de deux destins juste impressionnants.
Qu'il soit maronite de Jounieh, chiite de Nabatiyeh, orthodoxe d'Achrafieh, druze de Baakline, sunnite de Tripoli ou catholique de Zahlé, un Libanais est toujours (re)lié, d'une façon ou d'une autre, plus ou moins organiquement, à un corps-concept : la France. Bien sûr, il lui arrive de la repousser, de la bousculer, de l'engueuler, violemment parfois, comme un adolescent un peu acnéique le ferait avec une maman trop possessive, une grande sœur arrogante, mais, morveux, ou penaud, ou fanfaron, il lui revient constamment.
Le hasard n'existe (toujours) pas. Entre l'énième attentat à Beyrouth et ceux, absolument inédits, du moins par leur ampleur, de Paris, c'étaient à peine vingt-quatre heures de distance. Et malgré les très épidermiques réactions de certains d'entre eux, qui ne comprenaient pas que le pouls du monde, Facebook, ne batte pas au même diapason pour toutes les victimes du terrorisme et leurs familles, la quasi-totalité des Libanais voulaient leurs lèvres collées aux oreilles des Parisiens. Pour leur chuchoter que dans ce petit bout d'ADN franco-libanais commun, il y a des chromosomes, des innés qu'ils ne doivent pas oublier ; leur chuchoter, dans le désordre, des mots, des armes de construction massive : résilience, pugnacité, libertés, I Love Life, identités meurtrières, Piaf et Sabah, tomber cent fois et se relever encore plus forts, croissant et man'ouché, vin et arak, coexistence, et, aussi, surtout, plus fort qu'occidental ou arabe, que chrétien ou musulman, ce mot, cette clé : méditerranéen.
Le cœur qui bat la chamade n'est pas l'apanage des gauches, ni le sécuritaire bétonné celui des droites : cette fois, François Hollande s'envole en guerre, réellement, globalement, durablement ; en guerre à l'extérieur et, même s'il est forcément dangereux de se pencher au-dedans, en guerre à l'intérieur. Bien sûr, les frappes massives à Raqqa et cette répétition martiale de la promesse de détruire l'État islamique ne sont qu'une petite partie de la solution, mais il fallait, pour les Français et pour le monde, faire comprendre que le terrorisme n'a jamais le dernier mot. On ne peut rien contre les kamikazes une fois qu'ils entrent dans ce dedans? Rien ne dit qu'ils disparaîtront le jour où l'État islamique sera enterré ? Soit. Raison de plus pour se pencher enfin, définitivement et avec la plus hystérique des minuties, sur cette méditerranéité, épicentre de l'humanité et du vivre-ensemble, sur ce séisme originel, ce big bang fondateur, de plus en plus mortifère pourtant, pour que cette Mare Nostrum, creuset de toutes nos richesses, ne devienne pas Mare Eorum. Leur mer.
Le travail est herculéen. Il doit se faire avec tout le pourtour et au-delà, au Nord comme au Sud, à l'Est comme à l'Ouest, avec les Européens, les Maghrébins, les Syriens, les Israéliens et les Palestiniens ; se faire dans les maisons, dans les écoles, dans la rue, dans les bars, dans les stades, dans les banlieues, dans les caves des HLM, partout, tout le temps.
Pour cette Star Wars, pour cette vitale reméditerranéisation, la France et le Liban ont grandement intérêt à œuvrer main dans la main.
P.-S. : l'État islamique est une hydre à tellement de têtes : il est impossible de les couper toutes en même temps. En finir avec la maison Assad éliminerait une de ces têtes, sans doute l'une des deux, trois les plus viciées, les plus fécondes. Une question : et si Barack Obama n'avait pas téléphoné ce jour d'août 2013 à François Hollande pour lui dire que les États-Unis ne frapperont pas, avec la France, le régime syrien ?
Personne au...
commentaires (7)
le PS aurait suffit
LA VERITE
15 h 16, le 17 novembre 2015