Rechercher
Rechercher

Liban - Débat

Au Biel, le mouvement civil en questions

La conférence-débat intitulée « L'État, le mouvement civil et la violence » était organisée par « L'Orient-Le Jour » au Salon du livre francophone de Beyrouth.

Sur le panel, de gauche à droite : Ziyad Baroud, Hassan Rifaat, Michel Touma, Wadih el-Asmar et Chawki Azouri. Photo Michel Sayegh

L'émergence d'un mouvement civil suite à la crise des déchets qui a débuté le 17 juillet, la violence dont il a été victime – ou que certaines de ses composantes ont exercée –, son impact sur l'État – ou le non-État – continuent de soulever de très nombreuses questions. Ce phénomène récent et atypique sur la scène libanaise a été disséqué mercredi au cours d'un débat organisé par L'Orient-Le Jour, un débat d'emblée guidé par son modérateur, Michel Touma, rédacteur en chef, au travers de plusieurs questions : le caractère nébuleux des objectifs et des doléances a-t-il nui au mouvement civil ? Le fait d'introduire des objectifs politiques dans un dossier des déchets, fédérateur par excellence, ne risque-t-il pas de dénaturer le mouvement civil et de le transformer en une formation politique comme une autre ? Dans le registre de la violence, les manifestants peuvent-ils considérer les institutions politiques comme propriété du peuple, et l'État peut-il se baser sur le principe du monopole de la violence légitime pour empêcher les manifestants d'occuper des ministères et autres institutions officielles ?

Pour répondre à ces questions, et à d'autres, un panel prestigieux a été réuni : l'ancien ministre Ziyad Baroud, le militant des droits de l'homme Wadih el-Asmar, représentant le collectif « Vous puez ! », Chawki Azouri, psychiatre et psychanalyste, et Hassan Tabet Rifaat, juriste de renom et professeur à l'Université Saint-Joseph.

L'État libanais en est-il un ?
Il s'agit plutôt d'un « projet d'État » pour Ziyad Baroud, il s'apparente plus à un État en faillite où la Constitution est appliquée au gré des interprétations, où les institutions sont bloquées, où aucun budget n'a été voté depuis dix ans... L'ancien ministre insiste sur le fait que la violence, c'est aussi celle que les Libanais ont subie du fait de l'incompétence de longue date de la classe politique. Une classe politique qui s'étonne de l'émergence d'un mouvement qu'elle a contribué à faire naître, un mouvement que l'avocat préfère appeler « populaire » plutôt que civil, vu son caractère spontané, et le fait qu'il soit politisé sans être partisan. Si ce mouvement n'a pas de leadership, de structure claire ou de langue de bois, c'est tant mieux, selon Ziyad Baroud. Pourquoi réclamer à ce jeune mouvement ce qu'on n'a pas exigé, durant des décennies, des partis qui ont un accès à toutes les institutions?
L'ancien ministre s'est dit convaincu que l'action du mouvement populaire a déjà porté ses fruits, puisqu'il a enclenché un processus de changement. Abordant le sujet de la violence, il a estimé qu'entre les manifestants et les forces de l'ordre, il n'y a pas de blanc ou de noir, mais bien du gris, puisqu'il ne croit pas que le mouvement ait sciemment voulu recourir à la violence, ou que les forces de l'ordre aient eu des ordres clairs de mater les manifestations par la violence.


(Pour mémoire : « Vous puez ! », l’histoire d’une grogne populaire qui a enflé)


Wadih el-Asmar a, lui, apporté un regard de l'intérieur du mouvement civil, non dénué d'autocritique. Celui-ci a reconnu que l'éclectisme des slogans et des revendications a jeté la confusion à un certain moment. Mais le mouvement n'est pas « nihiliste », a-t-il rappelé, et il sait se remettre en question. Le fait que le mouvement se concentre sur les services publics n'empêche pas, selon lui, la politisation, sans pour autant qu'il ait des aspirations politiciennes (puisqu'il a su rester hors de la polarisation 8 et 14 Mars).
Tout comme Ziyad Baroud, Wadih el-Asmar ne pense pas qu'il existe un État au Liban, plutôt des institutions et des groupes qui recherchent leurs intérêts, ce que la crise des déchets a bien montré. Il évoque cette « violence inhérente » subie dans le quotidien et qui peut éclater au cours de manifestations : le mouvement explique continuellement aux jeunes que réclamer un droit, ce n'est pas se battre avec les forces de l'ordre. Une violence également exercée par des forces antiémeute censées être bien entraînées, et qui semblaient utiliser les moyens musclés quand une décision politique les y engageait, a-t-il souligné.
« Partager le gâteau, même quand ce sont les poubelles »
Décryptant le paysage politique, Wadih el-Asmar a déploré que les partis libanais soient plus soucieux de répandre la peur que de faire rêver à un avenir meilleur. « La vraie violence dans ce pays, c'est que la classe politique a tué tout projet d'avenir afin de mieux se partager le gâteau, même quand le gâteau, ce sont les poubelles », a-t-il conclu.


(Pour mémoire : Carole Alsharabati : Le mouvement de contestation n'est pas tenu de proposer des solutions)



Chawki Azouri a, pour sa part, apporté son regard d'analyste à cette « violence inhérente » évoquée par Wadih el-Asmar. Selon lui, l'individu devient violent lorsque le groupe exerce sur lui une violence arbitraire. Une violence qui peut être enclenchée par un discours paradoxal. Pour illustrer son propos, il donne l'exemple d'un discours paradoxal en famille : une mère, qui vient de rentrer chez elle, demande à son fils de l'embrasser. Lorsqu'il court vers elle, elle esquisse un mouvement de recul. Face à ce message paradoxal d'une extrême violence, l'enfant devient fou ou violent, il se rebelle parce qu'il ne peut pas s'avouer que sa mère est folle. Aujourd'hui, face aux messages paradoxaux de l'État, peut-on admettre que l'État est fou, même s'il l'est ?
Selon Chawki Azouri, le pouvoir tente de se maintenir en place en gardant les citoyens terrorisés et en état de dépendance par rapport à lui. Il s'attarde sur la nécessité de connaître son histoire, de savoir de quoi on souffre, faute de quoi on reproduit le même schéma à l'infini. Il donne l'exemple d'un enfant incapable de comprendre les raisons derrière les actions de ses parents, et qui s'identifie à l'un ou l'autre. Or, avec la psychanalyse et la compréhension, il acquiert son indépendance. « Au Liban, je pense que nous ne connaissons pas notre histoire », dit-il.

Hassan Rifaat a, pour sa part, rappelé que la Constitution libanaise consacre les libertés publiques, toutes encadrées par la loi, à l'exception de la liberté de conscience, qualifiée d'absolue. Le juriste a insisté sur le fait que « le droit à... » reste incomplet tant qu'il n'y a pas « le devoir de... ».
Pour lui, les jeunes du mouvement civil, dont il dit « attendre beaucoup », devraient revendiquer l'amendement de lois contraires à la liberté. Mais, a-t-il ajouté, il faut que les réformes « prennent en compte l'histoire et le génie de notre nation » et conservent les acquis des droits fondamentaux. Pourquoi ne pas songer à demander la pénalisation des atteintes aux deniers publics comme, par exemple, par les empiètements sur le domaine public maritime ? Toutefois, pour ce qui est du recours à la rue, le juriste a souligné la nécessité de respecter les droits de ceux qui manifestent comme de ceux qui décident de ne pas manifester.
Sur l'action des pouvoirs publics, Hassan Rifaat a évoqué l'obligation, pour les responsables, d'être présents pour répondre aux besoins des citoyens, ce qui signifie, pratiquement, qu'un ministre doit exercer le pouvoir hiérarchique à la tête de son ministère, et non y être la voix de son parti. Le député, lui, a l'obligation d'assister aux séances pour la prise de décision, sinon rien ne justifie qu'il jouisse du droit à l'immunité.

 

Voir aussi
Du Journal d'une grosse nouille à Marc Lévy, des jeunes parlent des livres qui les font vibrer

 

Lire aussi
L'Orient-Le Jour au Salon du livre francophone de Beyrouth 2015

Un rendez-vous culturel incontournable pour les étudiants libanais

L'émergence d'un mouvement civil suite à la crise des déchets qui a débuté le 17 juillet, la violence dont il a été victime – ou que certaines de ses composantes ont exercée –, son impact sur l'État – ou le non-État – continuent de soulever de très nombreuses questions. Ce phénomène récent et atypique sur la scène libanaise a été disséqué mercredi au cours d'un débat...

commentaires (2)

AVANT TOUT : QUEL EST LE NOMBRE DES ORGANISATEURS ET DES MANIFESTANTS ? QUI SONT LES ORGANISATEURS ET À QUELLES TRIBUS APPARTIENNENT-ILS ? IL SERAIT BON QU'ILS N'AIENT JAMAIS APPARTENUS À AUCUNE FORMATION... CHOSE À ÊTRE PROUVÉE... CAR LES SLOGANS LANCÉS SONT DES SLOGANS PARTISANS ET POLITIQUES ET UNIQUEMENT CONTRE CERTAINES PERSONNES DU GOUVERNEMENT... POINT ET JAMAIS CONTRE LES BOYCOTTEURS QUI PARALYSENT LE GOUVERNEMENT ET SURTOUT LE PROJET CONCERNANT LES DÉCHÊTS... CAR ILS TABLENT SUR LA GROGNE POPULAIRE POUR POUSSER EN AVANT LEURS PROPRES PROJETS AU SERVICE DE L'ÉTRANGER !!! DONC, DONNER LE NOM DE MOUVEMENTS CIVILS... AUX MANIFESTATIONS AUX SLOGANS PARTISANS EST PLUS QU'EXAGÉRÉ !

LA LIBRE EXPRESSION

09 h 43, le 30 octobre 2015

Tous les commentaires

Commentaires (2)

  • AVANT TOUT : QUEL EST LE NOMBRE DES ORGANISATEURS ET DES MANIFESTANTS ? QUI SONT LES ORGANISATEURS ET À QUELLES TRIBUS APPARTIENNENT-ILS ? IL SERAIT BON QU'ILS N'AIENT JAMAIS APPARTENUS À AUCUNE FORMATION... CHOSE À ÊTRE PROUVÉE... CAR LES SLOGANS LANCÉS SONT DES SLOGANS PARTISANS ET POLITIQUES ET UNIQUEMENT CONTRE CERTAINES PERSONNES DU GOUVERNEMENT... POINT ET JAMAIS CONTRE LES BOYCOTTEURS QUI PARALYSENT LE GOUVERNEMENT ET SURTOUT LE PROJET CONCERNANT LES DÉCHÊTS... CAR ILS TABLENT SUR LA GROGNE POPULAIRE POUR POUSSER EN AVANT LEURS PROPRES PROJETS AU SERVICE DE L'ÉTRANGER !!! DONC, DONNER LE NOM DE MOUVEMENTS CIVILS... AUX MANIFESTATIONS AUX SLOGANS PARTISANS EST PLUS QU'EXAGÉRÉ !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 43, le 30 octobre 2015

  • "Hassan Rifaat a rappelé que la Constitution consacre les libertés publiques, toutes encadrées par la loi, à l'exception de la liberté de conscience, qualifiée d'absolue." ! Comme par hasard ! Il a aussi dit "qu'un ministre doit exercer le pouvoir hiérarchique à la tête de son ministère, et non y être la voix de son parti. Le député, lui, a l'obligation d'assister aux séances pour la prise de décision, sinon rien ne justifie qu'il jouisse du droit à l'immunité." ! Bien dit, professeur !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    08 h 38, le 30 octobre 2015

Retour en haut