Que dirions-nous aux mamans terrorisées par l'état de santé de leurs nourrissons, de leurs enfants, ou même, pardonnez-leur, tout simplement par le leur ? Que dirions-nous à tous ces auteurs étrangers, ces visiteurs censés déferler par milliers au Biel pour le Salon du livre francophone? Que dirions-nous à ces centaines d'artistes, dont quelques-uns particulièrement prestigieux, à ces centaines de journalistes étrangers, tous venus pour l'inauguration de la Fondation Aïshti ? Que dirions-nous à cette poignée de touristes qui bravent tous les bons sens et continuent à s'entêter à dépenser leur argent dans ce pays tellement maudit et tellement suicidaire ? Que dirions-nous à ces ministres des Affaires étrangères, notamment celui d'une grande puissance amie et pleine d'empathie, quand, interrogé sur le Liban et son devenir à court terme, il n'a qu'un mot, éléphantesque : dommage ? Que dirions-nous à nos jeunes, dont la détermination, l'enthousiasme et l'honnêteté, ressuscités in vivo dans la rue, ont été presque immédiatement amputés, assassinés et dynamités par des casseurs déchaînés et par des vampires politiques qui y ont vu l'occasion idéale de se (re)faire un nom ? Que dirions-nous à la communauté internationale, mais aussi à nos amis, à chaque amoureuse, chaque amoureux d'un pays, le nôtre, littéralement embourbé dans l'amateurisme, l'incompétence, les magouilles, les malversations, les mégalomanies, les mentalités miliciennes et meurtrières, le refus de se libaniser, l'égotisme et l'infinie bêtise de ces leaders que nous avons élus avant-hier et que nous réélirons très probablement demain ?
Que leur dirions-nous ? Que nous nous en voulons d'être d'insupportables drama queens, des divas gênées par des odeurs irrespirables, des spectacles immondes, quelques virus, alors que la région fait face à des dangers bien plus graves? Qu'il vaut mieux être noyé dans les ordures plutôt qu'en guerre contre cent et un ennemis ? Que la crise des déchets est la responsabilité absolue et indiscutable de tout l'échiquier politique jusqu'au plan Chehayeb et qu'après, c'est le Hezbollah qui s'est mis à bloquer, en refusant de définir une décharge dans la Békaa, un pendant à celle de Srar, pour venger Michel Aoun et son (ses) gendre(s), étoilés ou pas ? Que ce Hezb et son secrétaire général, de plus en plus fragile et fantasque, se sont furieusement pris au jeu, qu'après le rapt des deux soldats israéliens en 2006, l'Anschluss de Beyrouth en 2008, la fusion-acquisition avec les soldats de Bachar el-Assad en 2013 (ou bien avant...), c'est désormais à une ultime prise d'otage qu'ils s'amusent, par le truchement de cette crise des ordures, avant d'aboutir au grand Armageddon (que précédera la démission, naturellement, de Tammam Salam) : l'implosion de l'accord de Taëf, la fécondation in vitro de la Constitution libanaise et l'insémination de l'Alien, c'est-à-dire cette Constituante 1/3, 1/3, 1/3 à laquelle finiront bien par adhérer, bon gré mal gré, et la communauté sunnite libanaise et une communauté internationale qui a d'autres chats, bien plus importants, à fouetter ? Que leur dirions-nous? Qu'après le syndrome de Stockholm, insignifiant parce qu'à l'échelle individuelle, le Hezb de Hassan Nasrallah vient d'imposer le syndrome de Haret Hreik, bien plus intéressant puisqu'à l'échelle de tout un État-nation, aussi moribond soit-il ? Que leur dirions-nous ?
Il ne s'agit encore une fois, et en aucun cas, d'imputer la seule responsabilité de ce qui arrive à ce pays, y compris la vision apocalyptique de ces rivières d'ordures furieuses, au seul Hezbollah. Loin de là. Mais les faits existent, et ils sont terribles. Il est temps qu'un homme (d'État) se lève et les énonce, sans occulter ses torts ni ceux d'aucune faction politique libanaise. Et cet homme ne peut être que Tammam Salam. Quoi qu'il arrive d'ici à jeudi.
D'ici là, le brave Chamel Roukoz aura peut-être la bonne idée, lui dont on loue de partout l'intégrité et le courage, de dire tranquillement, et publiquement, qu'il n'a rien demandé, que ce que fait le Hezbollah, en son nom ou en celui de son beau-père, est plus qu'une faute grave : un crime. Chacun a le Doha (et le Liban) qu'il mérite...
Ce que chante le Hezbollah sous la pluie
OLJ / Par Ziyad MAKHOUL, le 26 octobre 2015 à 00h00
commentaires (11)
Nous méritons quand même et malgré tout un pays bien moins stressant! Il est grand temps de prendre en exemple un Etat qui se respecte comme le Sultanat de Oman, qui, grâce à la sagesse de son Sultan, a su conserver sa neutralité dans le cadre de son authenticité arabe. Il s'agit d'un Etat indépendant, libre et souverain malgré toutes les guerres dans les pays qui l'entourent. Il est grand temps que les Irresponsables qui gèrent notre quotidien, prennent conscience de leur irresponsabilité et se réveillent de leur torpeur et de leur indifférence criminelle, pour sauvez ce qui pourrait encore être sauvé, avant que sauve qui peut de ce pays devenu dépotoir de déchets, refuge de la peste, du choléra, de la typhoîde, et j'en passe...Nous sommes vraiment à plaindre!!!
Zaarour Beatriz
20 h 59, le 26 octobre 2015