Quand on grandit, on laisse derrière nous un tas de choses. L'insouciance, la naïveté, la fraîcheur. Quand on devient adulte, on se plie plus souvent aux exigences des autres, à celles de la vie. On perd beaucoup une fois adultes. Nos rêves d'enfants ne sont plus que de vieilles chimères. Même si on est frappé par le syndrome de Peter Pan, qu'on cite Le Petit Prince à chaque conversation, on sait pertinemment que certains de nos vœux se sont éteints. C'est dur de grandir, de prendre de la bouteille.
Sauf que vieillir n'a pas que des inconvénients.
Dans ce passage à l'âge adulte, souvent poli par l'amour et les épreuves, on sait plus facilement dire non. Pas s'opposer, comme quand on était petit. Pas comme quand on était ado. Un non plus mûr, un non plus mature. Un : « J'ai passé l'âge... » C'est-à-dire, tout ce que j'ai accepté avant, ce qu'on m'a imposé avant, je suis en âge de le refuser. Déjà, refuser ce qui se passe dans le pays en écrivant, en manifestant, en se moquant. Et, donc, ne plus me taire. Je ne sais pas si ça servira à quelque chose, si ça améliorera les choses, mais au moins je l'aurais fait.
J'ai passé l'âge de me préoccuper de ce que les autres pensent de moi. De ma vie, de mes choix, de mes orientations sexuelles. Je ne chercherai plus à séduire dans la cour de récréation. Je n'ai plus honte du désordre. Chez moi, dans mes affaires, sur mon bureau. Je n'ai plus à ranger ma chambre en ayant peur de me faire engueuler. Dans ce bordel, je suis bien, et je compte bien y rester. Je n'accumule plus de choses dont je n'ai pas besoin. Je ne collectionne plus les petits trucs qui me raccrochent à mon passé.
J'ai passé l'âge de me laisser aller à la nostalgie, parce que c'est demain mais surtout aujourd'hui qui m'intéresse. Ces petits plaisirs qui ne seront plus jamais coupables. J'assume mes goûts et mes envies. Manger du Nutella à 4 heures du matin, regarder une série pendant tout un week-end. Je ne me sens plus coupable d'aimer des chansons pourries parce que je n'ai plus peur qu'on me taxe de has-been ou de démodé(e). J'ai passé l'âge de trouver des excuses aux gens. D'essayer de comprendre pourquoi ils agissent comme ça. De chercher dans leur passé les raisons de leurs névroses. Ces névroses qui les rendent agressifs ou haineux, envieux ou insécurisés. Ça, c'est fini aussi. Fini aussi le temps où j'acceptais les caprices des hommes/femmes de ma vie. Ces parenthèses qui me gonflent avec leurs peurs et leurs craintes. Ces femmes cupides et vénales. Ces hommes qui ont peur de l'engagement, de l'exclusivité. Passé l'âge des jeux amoureux ou amicaux. Des punitions infligées quand on ne fait pas ce qui plaît aux autres.
Et surtout, j'ai passé l'âge de faire ce que je n'ai pas envie de faire. Aller à un dîner qui me gonfle, à séyir des gens qui ne m'importent pas, à faire des efforts avec des collègues que je n'apprécie pas, à faire un boulot que je n'aime pas et bosser pour un patron que je ne respecte pas. J'ai passé l'âge de fréquenter des gens que je n'aime pas. Avec qui je ne partage rien, avec qui je n'ai aucun centre d'intérêt commun, aucun goût en commun. J'ai fait le ménage dans mes rencontres malgré le désordre dans lequel je vis. Le tri de ce qui me convient ou pas. De ce que j'ai envie ou pas.
Je ne me sens plus obligé(e) de rien. Et qu'est-ce que ça fait du bien. Qu'est-ce que ça fait du bien d'avoir grandi et de ne plus avoir à me cacher dans le préau de l'école parce que j'ai des lunettes trop grandes ou de mauvaises notes en maths.
Lifestyle - Un peu plus
J’ai passé l’âge
OLJ / Par Médéa AZOURI, le 17 octobre 2015 à 00h00
C'est la vie...la maturite....la loi naturelle...votre description est merveilleuse,vrai...merci Mr Azouri ca m'a fait du bien,il faut accepter ....
21 h 29, le 17 octobre 2015