En dépit de l'absence d'escalade, l'exécutif se trouve solidement bloqué par le dossier des déchets.
Voulant attendre les développements en Syrie, qu'il croit être à son profit, le Hezbollah souhaiterait prolonger l'état d'immobilisme institutionnel. Une orientation qui implique, d'une part, de retarder le déblocage, et d'autre part d'éviter la confrontation – la permissivité du parti chiite à l'égard de l'échec du compromis sur les nominations a visiblement facilité le « coup de maître du 14 Mars » contre le Courant patriotique libre (l'expression est celle d'une source aouniste).
Cet équilibre pèse actuellement sur le dossier des déchets : en suspendant la mise en œuvre de la solution Chehayeb, le parti chiite se donnerait le temps de renforcer sa position au Liban, tout en offrant le moyen, à son allié chrétien, de rétorquer à l'échec des nominations militaires. Ce n'est que samedi, le jour même où le ministre de la Défense a sonné le glas des nominations, que le Hezbollah, par la voix de son ministre-député Mohammad Fneich, a ouvertement pris parti, pour la première fois sur ce dossier en faveur de son allié.
Ainsi, pour ce qui est de la crise des déchets, après l'accord sur l'aménagement d'une décharge à Srar au Akkar, la recherche d'un second terrain dans l'Anti-Liban ressemble désormais à une longue ritournelle, que seul le Hezbollah est à même d'interrompre, la Békaa étant sa zone d'influence.
Une opacité entoure les localisations exactes des terrains proposés jusque-là dans ce caza, confirmant indirectement les informations selon lesquelles « le dossier des déchets est revenu à la case départ ». Des informations que dément le ministre de l'Agriculture, Akram Chehayeb, sans doute par principe.
Les options envisagées jusque-là avaient inclus un terrain à Majdel Anjar et un no man's land situé au niveau de Masnaa. Une autre option avait été proposée par le président de la Chambre, avant d'être rejetée lors de l'avant-dernière séance de dialogue, « pour des raisons techniques et non politiques », ce que confirme une source du Futur. Il s'agissait d'une carrière dans les environs de Tweyté, village frontalier de Zahlé. Avant cela, un terrain avait été retenu dans la région de Qaa, « puis contesté par le Hezbollah pour des raisons sécuritaires », affirment les milieux du Futur, faisant assumer au parti chiite la responsabilité du blocage du dossier des déchets.
Depuis que les options de terrain se sont limitées à Ham, dans la Békaa, c'est la politique qui prévaut sur le technique.
La réunion qui s'est tenue hier en fin d'après-midi au Grand Sérail, sous la présidence du Premier ministre Tammam Salam, avec le ministre Chehayeb, le ministre de l'Intérieur, Nouhad Machnouk, et le président du Conseil du développement et de la reconstruction, Nabil Jisr, a porté sur « les moyens politiques » de mettre en marche le plan Chehayeb, souligne une source du Grand Sérail à L'Orient-Le Jour.
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Une volonté de blocage politique confirmée, du reste, hier par le chef du bloc du Changement et de la Réforme, Michel Aoun. À l'issue de sa visite à Rabieh hier, le président du Conseil central maronite, Wadih el-Khazen, a rapporté « la détermination du général Aoun au boycottage et au refus de tout ce qui compromet les normes constitutionnelles ». « Le droit est sacré et c'est ce que le général Aoun a souligné dans son discours (...) », a-t-il ajouté, avant de révéler, clairement, le forcing que le leader chrétien compte entreprendre pour accéder à la magistrature suprême, « étant le candidat le plus fort ». Il a ainsi souligné qu'au cas où « certaines parties politiques continuent de refuser, à Dieu ne plaise, la candidature consensuelle du général Aoun, ce dernier réagira à ce refus en s'efforçant de trouver des points d'entente (...). Je suis sûr qu'il finira par opter pour l'intérêt du pays ».
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En d'autres termes, le Hezbollah n'ayant pas intérêt à ce que l'édifice s'écroule entièrement, il a demandé au général Aoun de brider ses ardeurs, engagement respecté par le leader du CPL. Mais l'échec du compromis sur les nominations militaires ne signifie pas pour autant une déroute aouniste dans la course à la présidentielle, au contraire. Dans l'esprit du général Aoun et de ses partisans, forts du soutien du Hezbollah, ré-exprimé hier par Nabil Kaouk, et revitalisé par l'intervention russe en Syrie, Baabda est toujours à portée de main. « Les paris du 14 Mars sont tombés. Seuls tiennent les choix du général Michel Aoun et leur exécution n'est qu'une affaire de temps », a ainsi affirmé hier le député Simon Abi- ramia, lors d'une interview télévisée. « Nous ne bloquons pas la vie constitutionnelle, mais seulement l'entrée en vigueur de décisions illégales (que le courant du Futur chercherait à obtenir en relançant l'exécutif) », a-t-il ajouté. En contrepartie, le Futur plaide pour « tout compromis qui relance l'exécutif sur des bases constitutionnelles », comme l'a indiqué hier le député Ahmad Fatfat. Ses milieux ne manquent pas, en parallèle, de signifier avec virulence au CPL leur refus de la candidature de Michel Aoun à la présidence.
Entre les deux bords, les regards se tournent vers les médiateurs : Walid Joumblatt pourrait se rendre incessamment à Rabieh ; certains milieux du 14 Mars parient sur le retour de voyage du président de la Chambre pour « assurer la couverture à une réunion du Conseil des ministres sur les déchets, en dépit d'un éventuel boycottage du CPL et du Hezbollah » ; le Futur, surtout, appelle le Premier ministre à « plus de fermeté » à l'égard du 8 Mars. Ce à quoi les milieux du Grand Sérail répondent que « la convocation du Conseil des ministres ne se fera qu'après une entente sur le dossier des déchets. C'est le seul moyen de tenir une réunion utile ».
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commentaires (3)
Dans An-Nahar du 10 octobre page 2 rubrique "Secrets des dieux" : Un député a révélé que le différent survenu au cours de la réunion du Comité parlementaire de l'Energie avait pour cause, la découverte de l'évaporation secrète de 50 millions de dollars... Je laisse aux lecteurs de deviner les noms des deux derniers ministres qui se sont succédés à la tête de ce juteux ministère.
Un Libanais
18 h 24, le 13 octobre 2015