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Santé

Utiliser les antibiotiques judicieusement

Jim O’Neill est l’ancien président de Goldman Sachs Asset Management, secrétaire commercial au Trésor du Royaume-Uni, professeur honoraire d’économie à l’université de Manchester, boursier de recherche invité au groupe de réflexion économique Bruegel et président de la Commission d’examen de la résistance aux antimicrobiens du Royaume-Uni.

Pour résoudre le problème de la résistance aux antimicrobiens, le monde a besoin non seulement de nouveaux médicaments, mais également d'un nouveau comportement de la part des sept milliards d'entre nous. En raison de la mauvaise et excessive utilisation des antibiotiques, des infections courantes comme la pneumonie et la tuberculose deviennent de plus en plus résistantes aux traitements existants. Dans certains cas, elles sont devenues complètement immunisées aux traitements.
La menace est à l'échelle mondiale. Selon la Commission d'examen sur la résistance aux antimicrobiens, que je préside, les infections qui résistent aux médicaments causent au moins 700 000 décès par an. D'ici à 2050, si rien n'est fait pour s'attaquer au problème, près de dix millions de personnes par an pourraient mourir de maladies qui étaient auparavant traitables.
La mise au point de nouveaux médicaments est une démarche importante dans une réplique coordonnée pour combattre la résistance aux antimicrobiens. Mais cela ne suffira pas. Nous avons besoin de réduire notre demande aux antibiotiques et de reconnaître qu'ils peuvent parfois faire plus de mal que de bien. Selon une estimation, presque la moitié de toutes les prescriptions d'antibiotiques aux États-Unis sont inappropriées ou inutiles. La hausse de la résistance aux antibiotiques n'est donc pas vraiment surprenante.
La sensibilisation des populations au problème sera essentielle pour renverser cette tendance. La plupart des gens ignorent complètement l'existence de la résistance aux antimicrobiens ou croient à tort que c'est l'organisme du patient qui devient résistant aux médicaments – alors que ce sont les bactéries qui le deviennent. Une meilleure connaissance des moments propices pour utiliser les antibiotiques et de la manière de les utiliser efficacement aidera les gens à s'en servir de manière responsable.
Il faut mettre au point des campagnes à l'instar de celle lancée par l'organisme caritatif australien NPS MedicineWise, qui a organisé un concours des meilleures vidéos de sensibilisation du public au bon usage des antibiotiques, avec pour résultat une série de courts-métrages très amusants qui expliquent simplement et avec humour la manière dont les antibiotiques peuvent être utilisés à mauvais escient.
Ce type d'initiative est nécessaire dans le monde entier, et plus particulièrement dans les pays les plus grands et à la croissance rapide. Dans les pays du Bric – le Brésil, la Russie, l'Inde et la Chine –, la consommation d'antibiotiques par personne est inférieure à celle observée aux États-Unis. Néanmoins, ils sont en train de rattraper rapidement les États-Unis, car le taux de consommation d'antibiotiques dépasse le rythme de croissance économique.
Les pessimistes feront valoir qu'il est difficile de changer les habitudes, surtout lorsqu'il s'agit d'expliquer la science des microbes à des auditoires peu informés. Cette opinion rappelle l'un des arguments les plus aberrants dont on s'est servi pour dénigrer les initiatives visant à rendre les médicaments anti-VIH accessibles aux patients dans les pays à faible revenu : les Africains n'ont pas de montre à main, ils ne seraient donc pas en mesure de prendre leur médicament antirétroviral trois fois par jour.
En vérité, comme des chercheurs l'ont déjà démontré, les Africains sont tout à fait aptes à suivre la posologie précise d'une thérapie antirétrovirale – souvent plus que les Nord-Américains. En fait, en juillet, l'Onusida a annoncé que son objectif visant à assurer l'accès au traitement antirétroviral à 15 millions de personnes d'ici à 2015 a été atteint avant l'échéance prévue.
Le 1er décembre de chaque année, la Journée mondiale de lutte contre le sida met l'accent sur le problème et aide à sensibiliser l'opinion publique mondiale. De telles initiatives sont nécessaires pour lutter contre les périls de la résistance aux antimicrobiens. La Journée européenne d'information sur les antibiotiques, célébrée le 18 novembre, constitue un bon début. Mais nous devons également trouver de nouveaux moyens créatifs pour faire passer le message.
Les nouvelles technologies offrent des possibilités inédites pour communiquer directement avec les gens. Environ 95 % des Chinois et 75 % des Indiens utilisent régulièrement les téléphones portables. Dans certaines régions où le taux d'alphabétisation est élevé, l'envoi de textos peut constituer une méthode rapide et efficace pour diffuser un message. Des études menées en Europe et aux États-Unis ont montré que 90 % des textos sont lus trois minutes après leur réception.
Les médias sociaux constituent un autre outil très efficace et relativement peu coûteux pour atteindre des millions de personnes. La Chine – avec ses 641 millions d'utilisateurs, abrite le plus grand nombre d'internautes – 80 % des médecins utilisent les smartphones à des fins professionnelles. En assurant des services de conseils médicaux par le truchement des médias sociaux, certains praticiens attirent même des millions d'adeptes. Requérir les services de ces vedettes de la médecine via les médias sociaux pour informer le public sur l'urgence de lutter contre la résistance aux antimicrobiens peut être une grande opportunité.
Une campagne antitabac menée sur les médias sociaux par l'Organisation mondiale de la santé constitue un autre modèle qui pourrait être suivi. Des messages postés par des célébrités chinoises ont été utilisés pour améliorer la sensibilisation à la loi interdisant le tabac dans les espaces publics.
Dans certaines parties du monde, la meilleure façon de combattre la résistance aux médicaments sera d'encourager les changements d'habitudes dans le but de réduire la propagation des infections et de réduire au strict minimum le besoin de traitements.
Une première bonne habitude à acquérir serait de bien se laver les mains. En Inde, une campagne astucieuse intitulée SuperAmma a eu recours à des photos de personnes exposées à des conditions insalubres pour inciter les gens à se laver les mains. La campagne a réussi à hausser de 1 % à 30 % le taux des personnes qui se lavent les mains de manière régulière et permanente.
Le coût d'une initiative internationale de sensibilisation aux dangers de la résistance aux antimicrobiens serait minime par rapport aux montants dépensés pour développer de nouveaux médicaments et de nouvelles technologies qui, de toute façon, nécessiteront de nombreuses années pour être mis sur le marché. Les pays doivent mettre en place, urgemment, des campagnes d'information et commencer à changer les habitudes. Ensemble, nous pouvons briser nos mauvaises habitudes de recours aux antibiotiques.

© Project Syndicate, 2015. Traduit de l'anglais par Pierre Castegnier.

Pour résoudre le problème de la résistance aux antimicrobiens, le monde a besoin non seulement de nouveaux médicaments, mais également d'un nouveau comportement de la part des sept milliards d'entre nous. En raison de la mauvaise et excessive utilisation des antibiotiques, des infections courantes comme la pneumonie et la tuberculose deviennent de plus en plus résistantes aux traitements...
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