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L’arbre qui cache la forêt

Au début de la guerre libanaise, lorsque certaines milices de Beyrouth-Ouest voulaient exprimer leur « mauvaise humeur » ou se livrer à une manœuvre médiatique dans un but obscur, elles télécommandaient parfois un sit-in effectué par des femmes beyrouthines bien costaudes, munies de bâtons, sur la voie de passage du Musée, interdisant même aux piétons de circuler d'un secteur à l'autre de la capitale. Bien évidemment, le motif affiché de ce rassemblement féminin musclé n'avait absolument aucun lien avec la motivation véritable du commanditaire de la démonstration de force. Plus récemment, au cours des dernières années, le Hezbollah s'est livré au Liban-Sud au même stratagème. À chaque fois qu'il désirait faire parvenir un message à la communauté internationale ou à l'Onu, il agissait, sans s'afficher lui-même directement, par le biais de ceux qui étaient présentés comme des « habitants » qui coupaient des routes dans des localités du Sud sous des prétextes fallacieux et farfelus.
Le pays serait-il actuellement le théâtre d'une supercherie de la même trempe ? On serait tenté de le penser à en juger par l'attitude de certains collectifs qui encadrent et entretiennent la fronde populaire enclenchée par le scandale des déchets.
Le mouvement spontané de ras-le-bol provoqué par l'inqualifiable gestion du dossier des ordures ménagères a eu cela de bien qu'il a suscité à grande échelle un comportement citoyen qui fait grandement défaut dans le pays. L'état de déliquescence avancée de l'ensemble des services publics – dû à une impardonnable désinvolture qui remonte à plusieurs années, voire plusieurs décennies – nécessitait un sursaut national de la part de la majorité silencieuse. Ce sursaut s'est enfin produit. Il paraît cependant sérieusement menacé par d'obscures manœuvres planifiées dans l'ombre par des forces à peine occultes qui semblent s'employer à booster, exploiter et canaliser le mécontentement dans un but inavouable.
Lors de sa dernière conférence de presse, le leader du parti Kataëb, Samy Gemayel, a fait preuve d'une remarquable audace en dévoilant publiquement, sans détour, que le général Michel Aoun exerce un véritable chantage en entravant la solution au problème des déchets afin d'obtenir, au profit de son gendre, l'ajournement de la mise à la retraite des officiers supérieurs de l'armée. Cette affirmation est, à n'en point douter, fortement plausible. Il reste qu'il ne s'agirait, auquel cas, que de la partie visible de l'iceberg. Les dérapages, contrôlés, d'une partie des instigateurs de la fronde populaire pourraient cacher, en effet, des tentatives délibérées de déstabilisation croissante de la scène locale. D'aucuns dénonceront sans doute cette théorie du complot. Mais comment expliquer, autrement, des agissements successifs incohérents (mais néanmoins organisés) tels que les actes de vandalisme contre les parcmètres à Aïn Mreissé, le sit-in contre le secteur touristique de Zaytouna Bay ou le rassemblement qui a interrompu la circulation à Dora, hier, pour protester contre le décès d'un homme de 50 ans percuté par une voiture ?
Il s'agit, certes, d'actes anodins qui entretiennent, cependant, une tension chronique et pernicieuse. Comme ce fut le cas au début de la guerre libanaise ou lors des rassemblements
anti-Finul commandités il y a quelques années par le Hezbollah dans des villages du Liban-Sud, les initiatives populaires qui affichent des doléances marginales et à forte connotation populiste cachent mal, souvent, des objectifs politiques bien plus graves et stratégiques.
Certains des organisateurs des dernières manifestations au centre-ville ainsi que les milliers d'anonymes qui ont tenu à descendre dans la rue pour exprimer leur ras-le-bol sont sans doute sincères et cherchent réellement à stigmatiser la négligence étatique qui marque la gestion des services publics. Il serait toutefois dommage qu'ils ne puissent pas étouffer dans l'œuf les manœuvres et les tentatives, de plus en plus évidentes, de manipuler et d'exploiter une légitime fronde pour servir des desseins politiques et une raison d'État dont le Libanais lambda n'a cure. Alors que les événements se précipitent dans plus d'un pays de la région, tout bouleversement initié sur la scène locale, sous le couvert de revendications nébuleuses et hors contexte, ne devrait être perçu qu'avec la plus grande circonspection.

Au début de la guerre libanaise, lorsque certaines milices de Beyrouth-Ouest voulaient exprimer leur « mauvaise humeur » ou se livrer à une manœuvre médiatique dans un but obscur, elles télécommandaient parfois un sit-in effectué par des femmes beyrouthines bien costaudes, munies de bâtons, sur la voie de passage du Musée, interdisant même aux piétons de circuler d'un secteur à...
commentaires (6)

QUAND L'ANARCHIE ET LE CHAOS RÈGNENT... DANS LA BASSECOUR... TOUS LES COQS VEULENT CHANTER ET TOUTES LES POULES VEULENT PONDRE...

LA LIBRE EXPRESSION

19 h 40, le 14 septembre 2015

Tous les commentaires

Commentaires (6)

  • QUAND L'ANARCHIE ET LE CHAOS RÈGNENT... DANS LA BASSECOUR... TOUS LES COQS VEULENT CHANTER ET TOUTES LES POULES VEULENT PONDRE...

    LA LIBRE EXPRESSION

    19 h 40, le 14 septembre 2015

  • Le roi déchu, dans sa 83ème année, n'a plus rien à perdre. Il lui reste quand même l'argent "gagné" en 1990 et déposé off shore. Que des voyous cagoulés ou non dans des manifestations organisées illégalement par ses partisans, pillent et cassent. Il s'en fout éperdument. Tant qu'il encaisse indûment son salaire sans mettre les pieds au Parlement tout va très bien madame la Marquise...

    Un Libanais

    15 h 46, le 14 septembre 2015

  • Mr Touma vous avez raison comme je l'avais affirmer ici aussi ... ILS AURAIENT DU SE CANTONNER A DES DEMANDES SOCIALES ET CIVILES et non faire de la politique !!

    Bery tus

    15 h 14, le 14 septembre 2015

  • COMMENT VOULEZ VOUS QUE CES JEUNES COURAGEUX S'ORGANISENT ? ILS NE SONT PAS ENSEMBLE. ILS SE RÉVOLTENT CHACUN À SA FAÇON. ILS NE SONT PAS NI UN PARTI POLITIQUE NI UNE MAFIA ORGANISÉE. C'ÉTAIT UNE OCCASION EN OR POUR VOUS LES JOURNALISTES DE DESCENDRE DANS LA RUE SE MANIFESTER À LEUR CÔTÉ AU LIEU DE CONTINUER À RALER DERRIÈRE VOS BUREAUX.

    Gebran Eid

    12 h 46, le 14 septembre 2015

  • M Touma, Il faut reconnaître qu'il y a une désorganisation et un certain désordre dans ces divers collectifs de la société civile. D'autre part, on ne peut que constater que des forces politiques pernicieuses connues sont tentées d'en tirer profit pour leurs desseins pervers. Il est cependant difficile pour le citoyen lambda de considérer comme "doléances marginales" et "hors contexte" la stigmatisation des parcmètres de Ain Mraissé et celle de la privatisation des plages et de la côte, exprimée symboliquement devant Zeitouna Bey.

    Halim Abou Chacra

    06 h 51, le 14 septembre 2015

  • En tout cas, tout cela finira en jus de boudin noir comme alentour....

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    05 h 46, le 14 septembre 2015

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