Wall Street a rechuté en fin de séance lundi, l’indice vedette Dow Jones reculant brièvement de plus de 4 % une heure avant la clôture, alors que les indices avaient semblé se rapprocher de l’équilibre quelques heures plus tôt. Spencer Platt/Getty Images/AFP
Les marchés financiers ont connu lundi une journée noire rappelant les pires heures de la crise de 2008, dans le sillage des places boursières asiatiques, les inquiétudes grandissant face aux possibles effets du ralentissement chinois sur la croissance mondiale.
« La journée a été traversée par des mouvements massifs sur l'ensemble des marchés : la baisse des actions et des matières premières, la hausse de l'euro face au dollar, et tout cela dans de larges proportions », résume Erik F. Nielsen, chef économiste d'Unicredit.
La déroute en Asie, avec un lundi noir à Shanghaï, s'est propagée à l'Europe puis à Wall Street, qui rechutait en fin de séance lundi, l'indice vedette Dow Jones reculant de plus de 4 % une heure avant la clôture, alors que les indices avaient semblé se rapprocher de l'équilibre quelques heures plus tôt.
Après avoir cédé à la panique dans l'après-midi, perdant plus de 8 % en séance, la Bourse de Paris a fini en baisse de 5,35 %. Francfort a chuté de 4,70 %, tandis que Londres a dégringolé de 4,67 %, Madrid de 5,01 % et Milan de 5,96 %. L'Eurostoxx 50 s'est pour sa part inscrit en repli de 5,35 %.
L'économie mondiale est « suffisamment solide »
La Chine dominait toujours les préoccupations des investisseurs, alors que s'enchaînent les indicateurs décevants attestant de l'essoufflement de la deuxième économie mondiale, à la fois usine du monde et marché très convoité.
Interrogé sur le sujet, le président français, François Hollande, en visite à Berlin, s'est cependant voulu optimiste, estimant que l'économie mondiale était « suffisamment solide » pour que sa croissance ne soit pas « seulement liée à la situation en Chine ». À ses côtés, la chancelière allemande, Angela Merkel, s'est dit « convaincue que la Chine va faire tout ce qui est en son pouvoir pour stabiliser la situation économique », soulignant qu'elle est « un partenaire important pour nous tous dans l'Union européenne ». « Je pense que le problème est la croissance de l'économie chinoise », a de son côté déclaré le ministre britannique des Finances, George Osborne, interrogé lors d'une conférence de presse à Stockholm sur la chute des marchés financiers chinois. « Bien sûr, il y a de la volatilité au jour le jour sur les marchés des actions. Mais le premier sujet (la croissance) est le principal problème », a-t-il souligné.
La croissance chinoise était de 7,4 % l'an dernier, à son plus bas niveau depuis 1990, et a encore reculé à 7 % pour les deux premiers trimestres de 2015.
La dévaluation surprise du yuan le 11 août – perçue comme un effort désespéré des autorités chinoises pour relancer les exportations et l'activité économique – n'a fait qu'aviver l'inquiétude générale, provoquant une onde de choc sur les marchés financiers. Or, au lendemain de la crise financière de 2008, avec des économies américaine et européenne affaiblies, le monde attendait de la Chine qu'elle tire vers le haut la croissance planétaire.
Le pays est un important marché pour les biens manufacturés, et tout ralentissement de la demande se ferait vivement ressentir au-delà de ses frontières.
Lundi, rien ne semblait apaiser le regain d'inquiétude des investisseurs sur la conjoncture mondiale dans son ensemble, à l'orée d'une semaine riche en publications de statistiques aux États-Unis et en Europe. « L'aversion au risque a largement pris le dessus », relèvent les analystes de Saxo Banque.
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Pékin impuissant à rassurer
« Les réactions des marchés asiatiques reflètent la conviction des investisseurs qu'un atterrissage brutal (de l'économie chinoise) est inévitable », selon Evan Lucas, du courtier IG Markets.
À Shanghai, l'indice composite a clôturé en baisse de 8,49 %, sa plus forte baisse journalière depuis février 2007, effaçant tous les gains enregistrés depuis le début de l'année. À Tokyo, l'indice Nikkei a terminé la journée en baisse de 4,61 % à un plus bas de six mois. Hong Kong a reculé de 5,17 %, et Sydney de 4,09 %, un plus bas en deux ans.
Un indicateur manufacturier de référence publié vendredi en Chine avait alimenté la fébrilité des marchés mondiaux : établi à son plus bas niveau depuis plus de six ans, il signalait une violente contraction de l'activité manufacturière chinoise en août.
« L'effondrement des indices chinois du jour est cependant à mettre sur le compte des fortes attentes des investisseurs qui anticipaient une (nouvelle forte) intervention de la Banque centrale chinoise (PBOC) », fait remarquer John Plassard, de Mirabaud Securities, qui évoquait plus tôt en cours de séance un « vent de panique ».
Pour enrayer la spectaculaire débâcle des bourses chinoises, Pékin est fortement intervenu depuis fin juin, des organismes publics réalisant des achats massifs d'actions. Mais en dépit des assurances du gouvernement, les investisseurs chinois redoutent désormais un retrait prématuré de ces mesures de soutien.
(Pour mémoire : La dévaluation du yuan, un pas vers sa libre convertibilité ?)
Matières premières
Les matières premières n'étaient pas épargnées : les cours du brut se repliaient, évoluant sous 40 dollars le baril à des niveaux inédits depuis six ans. Les autres matières premières indispensables à l'activité industrielle, comme le cuivre ou l'aluminium, ont elles aussi atteint un niveau très bas. Le cuivre – appelé aussi « Docteur Cuivre » en raison de son importance dans tous les secteurs de l'industrie – s'échangeait hier après-midi à 4 855 dollars la tonne, son plus bas niveau depuis juillet 2009, alors que l'aluminium est tombé hier à son niveau le plus bas en six ans.
L'indice Bloomberg Commodity Index, qui répertorie 22 matières brutes, a atteint hier matin son plus bas niveau depuis août 1999. À l'inverse, l'or, valeur refuge en temps de crise, reprenait des couleurs et remontait à son plus haut niveau depuis début juillet.
Sur le marché des changes, l'euro grimpait à 1,1562 dollar vers 18h45 (16h45 GMT), face au flou entourant le resserrement de la politique monétaire de la Réserve fédérale américaine (Fed). Le marché obligataire a pour sa part vu les taux européens remonter légèrement à la clôture, affectés à la marge par l'inquiétude généralisée.
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