Le ministre de la Défense s’est rendu hier auprès du général Jean Kahwagi. Photo Ani
Tous les regards étaient braqués sur Rabieh hier, dans l'attente d'une quelconque réaction du chef du Courant patriotique libre (CPL), le général Michel Aoun, à la décision du ministre de la Défense, Samir Mokbel, de retarder d'un an, en bloc, le départ à la retraite du commandant en chef de l'armée, le général Jean Kahwagi, du chef d'état-major, le général Walid Salman, et du secrétaire général du Conseil supérieur de la défense, le général Mohammad Kheir.
Officiellement, aucune réaction n'a été formulée, mais les visiteurs de Rabieh ont rapporté cette phrase lapidaire du général Aoun : « Je suis en train d'étudier la situation. » Concrètement, cela signifie surtout que pour le CPL, l'affaire des nominations sécuritaires est passée par pertes et profits. De manière plus générale, le Conseil des ministres de mercredi a constitué un tournant décisif dans le bras de fer engagé depuis des mois entre ce groupe et celui qui entoure et soutient le Premier ministre, Tammam Salam. En proposant contre toute attente au gouvernement de procéder aux nominations à la tête des trois postes militaires, Samir Mokbel a mis les ministres aounistes au pied du mur et leur a coupé en même temps l'herbe sous le pied, en ce sens qu'il leur a ôté tout prétexte pour recourir à l'escalade afin de protester contre sa décision de retarder le départ à la retraite des trois généraux.
Explication : S'ils avaient accepté d'examiner le dossier des nominations, non seulement ils auraient risqué de brûler leur candidat à la tête de l'armée, en l'occurrence le général Chamel Roukoz, celui-ci n'étant pas assuré de la majorité requise pour sa nomination, mais ils auraient indirectement permis de trancher le débat autour du mécanisme de prise de décision en Conseil des ministres. Un luxe qu'ils ne pouvaient pas se permettre pour le moment, cette affaire de mécanisme de prise de décision étant considérée pour eux comme un atout, entendre un moyen de pression sur le gouvernement. Quelle que soit la forme qui aura été adoptée pour procéder aux nominations, elle aura été retenue par le gouvernement et elle aura surtout permis d'en finir avec cette question de mécanisme. Que le Conseil des ministres ait eu recours au vote, à l'unanimité ou à l'entente, dans les trois cas, le CPL n'aurait pas pu hisser son candidat à la tête de l'armée. Ayant eux-mêmes refusé de plancher sur les nominations sécuritaires, ils ne pouvaient plus protester contre la prolongation du mandat des trois généraux.
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S'il faut donc juger le Conseil des ministres de mercredi en termes de pertes et profits, il est incontestable qu'il aura surtout profité au camp de Tammam Salam, qui a pu empêcher la nomination d'un nouveau commandant en chef de l'armée, en l'absence d'un président de la République, et qui compte en finir, au prochain Conseil des ministres, jeudi prochain, avec la question de mécanisme de prise de décision en Conseil des ministres. Il aura parallèlement fait perdre des points au CPL qui, pris de court, n'a pas réussi à obtenir gain de cause dans l'affaire des nominations et se trouve dans l'impossibilité de se retirer du gouvernement ou de recourir à l'escalade pour faire chuter celui-ci, le gouvernement étant considéré par ses alliés et par la communauté internationale comme une ligne rouge. Il convient de rappeler dans ce contexte que les principaux alliés du CPL avaient pratiquement désavoué le courant aouniste lorsqu'il avait décidé de recourir à la rue pour protester contre le fait que le gouvernement refuse que ses décisions soient prises à l'unanimité. Pas plus tard qu'hier, le Hezbollah a rappelé, à l'occasion de la réunion hebdomadaire de son bloc parlementaire, qu'il est nécessaire de favoriser en Conseil des ministres les comportements qui permettent au gouvernement de fonctionner normalement.
Dans ce même contexte, le quotidien koweïtien al-Raï a relevé dans son édition d'hier que le commandement du CPL a commencé à suivre une courbe descendante depuis qu'il a commencé à brandir les menaces d'escalade. Les pertes accumulées ne manqueront pas, de l'avis de certains observateurs, d'avoir un impact sur les prochaines élections au sein du CPL, en septembre prochain et de favoriser, au sein de cette formation, le courant opposé au ministre des Affaires étrangères, Gebran Bassil. Mais on n'en est pas encore là.
La décision de M. Mokbel a été saluée hier dans divers milieux, notamment auprès des puissances occidentales engagées dans des programmes d'aide et de coopération avec l'armée. L'ancien président Michel Sleiman, qui a présidé une réunion des commissions préparatoires du Rassemblement de la République, a relevé que le recul du départ à la retraite des généraux « est une conséquence du blocage injustifié de l'élection d'un chef de l'État ».
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Ce n'est pas un camouflet mais plutôt une claque pour ne pas dire un coup de pied au c... à tous ces naufrageurs de la Patrie. Le Don Quichotte de Rabieh, victime des injures du temps et de l'âge (82 ans) joue ses dernières cartouches : Bloquer l'Etat à son profit personnel et celui de sa famille. Quitte à ce que ce qui reste de chrétiens, dégoûtés et désespérés, quittent le pays de leurs ancêtres. Son comportement dépasse les espérances des empires qui renaissent de leurs cendres, l'Empire perse et l'Empire ottoman pour ne citer qu'eux. Il reste à Tammam Salam d'user de ses prérogatives afin de mettre le matamore hors d'état de nuire.
16 h 56, le 07 août 2015