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À La Une - Anniversaire

La dissuasion nucléaire, héritage d'Hiroshima

"Son principal mérite est d'avoir contribué à ce que les grandes puissances aient peur de se faire la guerre", note l'expert Bruno Tertrais.

Une foule de 55 000 personnes s'est recueillie dans le parc du Mémorial de la paix à Hiroshima, 70 ans après l'explosion de la bombe atomique. AFP PHOTO / KAZUHIRO NOGI

Elle est née de la peur de connaître l'apocalypse, pour rendre la guerre impossible : 70 ans après Hiroshima, la dissuasion nucléaire reste un des piliers de l'ordre mondial, malgré les coups de butoir de la prolifération.

"L'arme nucléaire a structuré la guerre froide, puis elle a traversé le mur de Berlin pour rester l'instrument d'une stratégie de défense et d'affirmation de puissance", relève Philippe Wodka-Gallien, expert du nucléaire militaire, dans la Revue (française) de Défense Nationale.

Pendant toute la guerre froide, les Etats-Unis et l'Union soviétique, retranchés derrière des montagnes d'ogives, ont menacé de s'anéantir mutuellement si leurs intérêts vitaux étaient en jeu.
Vingt ans plus tard, l'arme atomique, détenue par neuf pays - USA, Russie, France, Grande-Bretagne, Chine, Inde, Pakistan, Corée du nord et probablement Israël - continue de "faire recette", malgré le débat ininterrompu sur le risque d'un hiver nucléaire et l'urgence d'un désarmement.

"Comment expliquer l'absence tout à fait inédite de conflit entre les grandes puissances depuis 70 ans sans la dissuasion nucléaire ? Son principal mérite est d'avoir contribué à ce que les grandes puissances aient peur de se faire la guerre", note Bruno Tertrais, expert à la Fondation pour la Recherche Stratégique (FRS) à Paris.

 

(Lire aussi : L'explosion d'une bombe atomique, risque pas si virtuel au XXIe siècle)



Effet nitroglycérine
La dissuasion "borne l'horizon des conflits" entre grandes puissances, estime-t-il, citant l'exemple de la crise ukrainienne. "Un conflit militaire à grande échelle entre la Russie et l'Otan paraît aujourd'hui impensable à cause de l'arme nucléaire".

L'argument, en apparence implacable, est loin de faire l'unanimité. Avec ses images apocalyptiques de champignon nucléaire et de corps irradiés, "Hiroshima fait remonter beaucoup d'émotions qui empêchent de regarder objectivement les faits", affirme Ward Wilson, directeur du projet "Repenser les armes nucléaires" au centre de réflexion British American Security Information Council (BASIC).

Les Japonais n'ont pas capitulé, selon lui, à cause du traumatisme de la bombe A mais parce que les Soviétiques étaient entrés en guerre contre eux le 8 août 1945.
Au nom de la paix, "nous risquons une guerre nucléaire avec à la clé 300 millions de morts", résume Ward Wilson, s'inquiétant notamment d'un risque de déclenchement "par erreur" du feu nucléaire.

"L'arme atomique pour un pays c'est comme la nitroglycérine pour votre sécurité personnelle. Si vous avez peur d'être attaqué et en disposez, ne l'utilisez pas, vous risquez de vous faire exploser", esquisse-t-il.
"Comment riposter si on est attaqué en premier ? Si des installations nucléaires sont la cible d'une cyberattaque ? Si des dirigeants irrationnels activent le code nucléaire ou des terroristes prennent le contrôle d'une telle arme ?"

 

(Pour mémoire : Une bombe nucléaire a failli exploser aux Etats-Unis en 1961)



'De beaux jours devant elle'
Le nombre d'Etats dotés de l'arme nucléaire ou s'estimant protégés par la dissuasion (dans le cadre de l'Otan) ne cesse pourtant d'augmenter. La Corée du nord vient d'entrer dans la "cour des grands". Et malgré ses dénégations, l'Iran n'a jamais prouvé qu'il n'avait aucune ambition en la matière.

Tout cela encourage une course aux armements, une prolifération qui fragilise la dissuasion. "Le risque de cataclysme nucléaire a disparu mais paradoxalement le risque d'emploi de l'arme nucléaire a peut-être augmenté", concède Bruno Tertrais.

Son utilisation n'est pas inconcevable en Corée du nord si le régime s'estime, pour une raison ou une autre, menacé. "Pyongyang a montré depuis quatre ou cinq ans une disponibilité à la prise de risque extrêmement forte", souligne M. Tertrais.

L'irruption d'acteurs non étatiques, comme les groupes terroristes, bouscule aussi les postulats. Un nouvel attentat comme celui perpétré à Bombay en 2008 (166 morts), que l'Inde a attribué à un mouvement proche des services secrets pakistanais, pourrait pousser ce pays à riposter militairement contre le Pakistan, conduisant à un engrenage incontrôlable jusqu'à l'utilisation du feu nucléaire, prédisent plusieurs experts.

D'un autre côté, le retour des tensions entre la Russie et l'Occident et la menace nucléaire sans cesse brandie par Vladimir Poutine redonnent une acuité à la dissuasion que beaucoup avaient peut-être perdue de vue après la guerre froide.
"La dissuasion a de beaux jours devant elle, sauf +accident+ technique ou stratégique", prédit ainsi Bruno Tertrais.

 

 

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