Paris dépêche à la fin du mois son chef de la diplomatie Laurent Fabius à Téhéran, dans une volonté de tâter le pouls iranien concernant les dossiers régionaux après la signature de l'accord sur le nucléaire. L'objectif est de savoir s'il est envisageable d'espérer un changement d'attitude quelconque de la part de la République islamique, tel que l'arrêt de ses ingérences dans les affaires intérieures des pays arabes et la fin de l'exportation de la révolution islamique dans cette zone à l'aide de filières des pasdaran, comme le Hezbollah au Liban ou Ansarallah au Yémen. Après l'accord avec l'Occident, le vieux rêve du rétablissement de l'empire de Darius sur la rive orientale de la Méditerranée et la volonté de contrôler les « quatre capitales arabes » – Damas, Bagdad, Beyrouth et Sanaa – est-il toujours d'actualité ?
Des sources bien informées de retour de Paris affirment, citant François Hollande, que la visite de M. Fabius à Téhéran, au terme d'une longue rupture dans les relations entre les deux pays, constitue une étape visant à sonder les responsables de ce pays concernant plusieurs dossiers liés à la crise régionale, notamment celui de la présidentielle au Liban. L'approche devrait cependant être différente cette fois, plus positive, que lors des cinq visites de l'émissaire français Jean-François Girault, confronté durant ses déplacements dans la capitale iranienne à la même position intangible : il faut discuter avec le Hezbollah pour résoudre la crise présidentielle et ce dernier soutient la candidature du général Michel Aoun. Cette fois, le dialogue sur la présidentielle ne devrait pas se cantonner uniquement aux souhaits comme par le passé, d'autant que l'interlocuteur des responsables iraniens est le ministre français des Affaires étrangères. Le message à Téhéran devrait être de faire pression sur ses alliés au Liban, notamment le Hezbollah, pour qu'il débloque la présidentielle et que ses députés cessent de boycotter les séances électorales à la Chambre.
(Pour mémoire : L'accord sur le nucléaire, sérieux levier pour débloquer la présidentielle libanaise)
Selon des sources diplomatiques, Laurent Fabius souhaite rentrer de Téhéran armé d'une posture positive de la part des dirigeants iraniens, surtout que la démarche française vis-à-vis de l'Iran intervient en concomitance avec une dynamique occidentale visant à débloquer l'échéance, une position ferme de la part du secrétaire général de l'Onu et une coopération étroite des États-Unis. Paris avait auparavant pris l'initiative de discuter de la question avec la Russie et le Vatican, tous deux soucieux des moyens de préserver les chrétiens d'Orient dans la tourmente actuelle. Le Saint-Siège avait d'ailleurs dépêché au Liban les cardinaux Dominique Mamberti et Angelo Scola et adressé à maintes reprises des messages exhortant les leaders chrétiens à s'entendre sur un candidat, tandis que Moscou n'a cessé d'exprimer sa volonté de voir un nouveau président à Baabda. Pour l'ensemble de la sphère occidentale comme pour Moscou, les responsables maronites doivent en priorité élire un nouveau président, dans la mesure où les droits chrétiens ne sauraient être garantis autrement que par l'élection d'un chef de l'État. Lequel œuvrerait à redynamiser les institutions, réorganiser l'action de l'État et assurer l'équilibre au sein des administrations dans les postes-clés sécuritaires. Si la vacance présidentielle se poursuit, en revanche, le Liban va vers l'effondrement global. Les milieux économiques ont d'ores et déjà mis en garde contre la gravité de la situation, faisant assumer aux hommes politiques la responsabilité de la chute de l'État.
(Pour mémoire : La priorité absolue des chrétiens, CPL inclus, devrait être la présidence)
Des sources diplomatiques expriment par ailleurs leur étonnement face à l'élaboration par certains leaders chrétiens d'une feuille de route pour l'étape à venir au nom de la priorité du « droit des chrétiens », axée sur une loi électorale à même d'assurer une représentation juste pour ces derniers, la tenue de nouvelles élections législatives à même de générer une nouvelle majorité parlementaire avant la présidentielle et le fait de procéder sans tarder aux nominations militaires. Une autorité de référence religieuse affirme ainsi, selon des sources politiques, qu'à l'encontre de toute cette démonstration, la priorité des priorités pour mettre fin à la paralysie institutionnelle ambiante et « recouvrer les droits des chrétiens » est d'élire un nouveau chef de l'État, conformément à la Constitution. Les droits des chrétiens, affirme cette autorité religieuse, commencent par l'élection d'un président de la République.
Parallèlement, des sources politiques du 14 Mars affirment que l'accueil chaleureux reçu par le président des Forces libanaises, Samir Geagea, en Arabie saoudite comporte une variété de messages prouvant le soutien de Riyad à la candidature de ce dernier et la volonté d'entretenir des relations avec une composante politique chrétienne fondamentale pour répondre aux slogans sectaires ressassés par Michel Aoun et ses partisans contre le Premier ministre Tammam Salam.
L'élection présidentielle a d'ailleurs été au menu de la réunion entre M. Geagea et le chef du courant du Futur, Saad Hariri, à Djeddah. Ce dernier s'est une fois de plus prononcé en faveur d'une élection présidentielle au plus vite, soulignant qu'il n'oppose de veto à aucune candidature, et se posant en partisan de l'entente. Le chef du Futur a cependant ajouté qu'il est plus en faveur d'un président consensuel à l'heure actuelle et que la priorité pour défendre les droits des chrétiens reste l'élection d'un président pour pourvoir au premier siège maronite de la République.
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Que les Chrétiens du Liban commencent par s'unir s'ils veulent être crédibles. Leur divisions sont lamentables surtout devant les menaces existentielles que subissent les minorités dans la région. Honte à Iznogoud-Aoun et consorts qui boycottent l'élection présidentielle par crainte d'un échec tout en se targuant de défendre les droits des chrétiens.
17 h 04, le 23 juillet 2015