Les faits du jour

(...) « Le détenu Youssef Nejm Darwiche, du village de Debbié, condamné à 15 ans de prison, est mort dans son cachot de la Prison des Sables d'une tuberculose pulmonaire. » Ni fleurs ni commentaires. Le détenu Youssef Nejm étant mort de sa petite mort, cela faisait – tout compte fait – (et tout au plus) – un Libanais de moins ; et peut-être aussi, du point de vue de l'hygiène sociale, une chance de contamination éliminée.
(...) L'événement exigerait aujourd'hui une minute, et même deux de réflexion. (...) Quelques jours plus tôt (...) était signé le décret présidentiel qui graciait, après quatre mois à peine de prison, un bandit de Hortala, condamné à 10 ans de travaux forcés. Sitôt l'assassin libéré, un des parents de la victime était tué, le soir même, à bout portant par le propre cousin du gracié.
Telle avait été la première et immédiate conséquence de la mesure de haute clémence et d'opportunité impérieuse qui s'imposait en faveur d'un protégé de Melhem Kassem. Le détenu Youssef Nejm Darwiche (...) était un petit bonhomme (...) pas turbulent, pas inquiétant et qui toussotait un peu. (...) Il avait purgé ses 11 ans sans se faire autrement remarquer. (...) Il s'aperçut, après un vomissement, que son compte y était. (...) Tout ce qu'il sollicitait, c'était, pour les quelques semaines qui lui restaient à vivre de sa bête de vie, d'être admis (...) à un lit d'hôpital. On lui suggéra de présenter une requête. Il la présenta. Il ne pensa pas, l'idiot, qu'il lui fallait, même pour acquérir le droit d'une mort ordinaire, en faire toucher deux mots – ou autres – par un des personnages qui ont l'oreille des gens du sérail. La requête n'eut pas de réponse.
(...) L'erreur du détenu Youssef Nejm Darwiche – erreur puisqu'il en est mort – (...) était de n'être protégé de personne. (...) Son cas n'aurait pas retenu notre attention si, au moment même où le malheureux expirait, un nouveau décret de grâce n'était signé en faveur de trois assassins turcs, condamnés à 15 ans de travaux forcés. (...) « Il leur restait 9 ans de peine à purger, quand, à la suite de démarches et d'interventions mystérieuses, leur décret de grâce fut soumis à la signature du président de la République. » Qui signa.
Sa bonne foi a été à nouveau surprise.
Nous le prévenions, l'autre jour, que sa « fille était soupçonnée ».
Aujourd'hui – César ! – elle est accusée.