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Lifestyle - Dans la peau d’une femme

Alice Chaptini, alias « Oum Kalabja »

Photo Michel Sayegh

Alice Chaptini a fait sienne l'expression : une main de fer dans un gant de velours. Sous ses sourires bienveillants, la ministre des Déplacés cache une grande fermeté dans ses convictions et beaucoup de loyauté envers l'ancien président de la République Michel Sleiman, dont elle défend la vision centriste.
Son air studieux d'aujourd'hui rappelle « la première de classe » qu'elle a été à l'école à Tripoli où elle est née, puis ses études brillantes à l'université. Elle a d'ailleurs obtenu à plusieurs reprises le premier prix de diction et, dès son plus jeune âge, on faisait appel à elle pour s'exprimer en public... et même pour enseigner des mouvements gymniques à la télé, à l'époque où il n'y avait que Télé-Liban qui ne diffusait d'ailleurs des programmes que le soir.

Alice Chaptini livre ces détails pour montrer que sa vie publique a commencé très tôt, à l'époque où très peu de jeunes filles faisaient des études universitaires. L'ancien recteur de l'USJ, le père Ducruet, voulait même qu'elle fasse un doctorat, mais elle a préféré retourner à Tripoli pour y faire un stage d'avocate. C'est à cette même période qu'elle a rencontré l'homme de sa vie, le Dr Albert Amm, un médecin originaire de Jbeil. Depuis sa mort, il y a huit ans et huit mois, Alice Chaptini vit dans son souvenir, avouant qu'elle préfère vivre seule plutôt qu'avec une personne qui ne lui convienne pas. Elle reprend d'ailleurs une phrase que son mari lui répétait souvent : « Tu te rendras compte qu'on peut vivre seul, mais aussi que c'est tellement mieux avec la bonne personne ! »

Le destin n'a pas épargné Alice Chaptini qui doit affronter la maladie de son plus jeune fils atteint de leucémie à l'âge de 34 ans. « Mais au moins, il est bien soigné aux États-Unis », dit-elle. Parmi ses quatre enfants, trois fils vivent aux États-Unis où ils font des carrières brillantes. Seule sa fille est au Liban où elle a suivi le chemin tracé par sa mère, entrant dans la magistrature.

Pendant sa longue carrière de magistrate, Alice Chaptini confie avec humour qu'elle était surnommée « Oum Kalabja » (mère-menottes) tant elle était connue pour sa fermeté à l'égard des coupables. C'est sous le mandat de Sleiman Frangié, qui avait encouragé les femmes à entrer dans la magistrature. Elle a même intégré, avec quatre autres compagnes, le corps judiciaire en 1971. Alice Chaptini a tracé son chemin, se construisant au fur et à mesure une réputation de battante, parvenant à se faire respecter par ses collègues magistrats pourtant peu habitués à voir une femme investir ce domaine qui leur était jusque-là réservé.

Alice Chaptini a rejeté toutes les tentatives d'intimidation, précisant aujourd'hui qu'elle ne connaît pas la peur et que toutes les campagnes menées contre elle la laissent indifférente. « J'écoute ma conscience, dit-elle, et je n'entends rien d'autre. » Lorsqu'en tant que présidente de la Cour de Cassation militaire, elle avait été critiquée pour avoir émis des jugements allégés pour les collaborateurs avec Israël, la dame de fer n'avait pas répondu. Elle souligne toutefois aujourd'hui que la Cour de Cassation militaire est formée de cinq membres, un magistrat civil qui la préside et quatre conseillers qui sont des généraux, sachant que les jugements sont adoptés par les cinq.

Même lorsqu'une campagne a été menée contre elle pour l'empêcher de devenir présidente du Conseil supérieur de la magistrature, elle n'a pas réagi, estimant que quoi qu'elle fasse, il y aura toujours des mécontents. Elle préfère donc se concentrer sur son travail selon ce que lui dicte sa conscience, indifférente aux critiques et aux remarques désobligeantes. À son frère qui lui demande : « Pourquoi continues-tu à travailler, alors que tu n'en as pas besoin et que tu essuies toutes ces critiques ? », elle répond qu'elle aime servir son pays et la chose publique, et qu'en acceptant d'abord les hautes fonctions au sein de la magistrature puis le portefeuille politique, elle était consciente des risques qu'elle prenait. Mais sa volonté de mettre ses compétences au service du Liban était plus forte. Elle affirme avoir ainsi des opinions tranchées qu'elle exprime clairement au sein du Conseil des ministres, ajoutant qu'elle est avant tout une personne indépendante qui adopte des positions en fonction de ses convictions.

À bientôt 70 ans, elle affirme enfin que sa carrière politique en est encore à ses débuts et qu'elle pourrait bien se présenter aux élections législatives, à condition de rester conséquente avec elle-même. Pour elle, le portefeuille ministériel est une responsabilité, non une récompense, et Alice Chaptini reste avant tout une femme de devoir, dans un monde qui n'a rien à voir avec celui d'Alice aux pays des merveilles.

 

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