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Économie - Liban - Interview

Un Observatoire des métiers pour anticiper les besoins en compétences des entreprises

Sensibiliser les acteurs de l'université et de l'entreprise à la nécessité de mieux collaborer ensemble : tel était l'enjeu principal d'une conférence organisée, mardi, par l'Agence universitaire de la francophonie. Présentant à cette occasion un nouvel Observatoire des métiers et des compétences, Nizar Hariri, professeur d'économie à l'Université Saint-Joseph et coordinateur du projet, revient pour « L'Orient-Le Jour » sur le rôle que cet organisme pourrait jouer pour améliorer l'emploi des jeunes Libanais.

Le Liban jouit d'une réputation d'excellence en matière de formation des ressources humaines, et pourtant les entreprises libanaises ne trouvent pas suffisamment de main-d'œuvre correspondant à leurs besoins. Dans quelle mesure un rapprochement entre les mondes académique et professionnel pourrait répondre à ces enjeux ?
Héritier d'une longue histoire, le système éducatif libanais continue d'être un élément-clé de l'insertion de l'économie libanaise dans la division régionale du travail. Cet avantage comparatif doit donc être entretenu. Pour autant, le marché de l'emploi libanais, qui demeure théoriquement un débouché naturel pour les nouveaux diplômés, peine de plus en plus à les absorber, alors même que le pays subit un chômage galopant des jeunes. Cela résulte d'une série de dysfonctionnements, qui touchent aussi bien aux particularités du tissu économique libanais que du décalage persistant entre les besoins en compétences des entreprises et celles des lauréats de l'enseignement supérieur. Résoudre cette inadéquation entre l'offre et la demande implique donc de donner au secteur éducatif les instruments permettant aux jeunes diplômés d'enrichir leur portefeuille de connaissances et de savoir-faire.

C'est dans ce contexte que l'Université Saint-Joseph (USJ) a décidé de participer en 2013 au projet Pacome, financé par l'Union européenne et lancé en partenariat avec plusieurs universités européennes et la Chambre de commerce de Beyrouth et du Mont-Liban (CCIAB). D'une durée de trois ans, ce projet vise à instaurer une structure nationale pour la prospection et l'anticipation des évolutions du marché du travail.

Est-ce à dire que ce nouvel Observatoire des métiers et des compétences (OMC) sera en mesure de prévoir quels seront les besoins du marché du travail libanais ? À quels horizons ?
Le rôle premier de l'OMC, basé à la faculté des sciences de l'éducation de l'USJ et opérationnel depuis décembre dernier, est d'aider les entreprises à mieux anticiper leurs besoins en compétences et fournir les données permettant d'adapter la formation de la main-d'œuvre à ces nouveaux besoins. Et cela en tenant compte du contexte local : au début du projet, l'un de nos partenaires européens nous a présenté un modèle économétrique permettant notamment d'estimer la probabilité pour un diplômé de trouver un emploi dans 10 ou 15 ans, selon les différents secteurs de l'économie. Mais ce modèle repose sur environ 11 000 entrées statistiques (économiques, démographiques, sociales etc.) périodiques ! Il était donc impossible de s'en inspirer dans un pays où le dernier recensement officiel remonte aux années 1930 et dont les différentes statistiques sur le chômage peuvent diverger de 25 %...

Plutôt qu'une approche prévisionnelle et nationale, nous avons donc opté pour une démarche prospective et sectorielle qui devrait nous permettre d'obtenir des résultats à peu près similaires, à l'horizon de cinq ans. Une dizaine de techniciens a été formée par des experts européens aux outils méthodologiques nécessaires et une étude pilote a été menée auprès de 1300 architectes et ingénieurs en coopération avec la CCIAB. Les premiers résultats seront disponibles à la fin de l'année. Ensuite, l'activité de l'observatoire devrait permettre de financer l'extension de ces études aux autres secteurs. Des études sur les secteurs de l'enseignement et de la finance sont déjà prévues, et à terme, il sera possible, en assemblant les pièces du puzzle, de dresser un tableau des besoins en compétences de l'économie libanaise. Des secteurs de l'économie formelle, plus précisément....

En attendant, quels sont, selon vous, les défis prioritaires à relever pour améliorer l'employabilité des jeunes libanais ?
La première d'entre elles consisterait à susciter une véritable prise de conscience sur les nouveaux types de compétences exigées par un marché du travail en grande mutation auprès des étudiants, des formateurs et des professionnels. La vie professionnelle devient de plus en plus soumise à un impératif de flexibilité et étroitement liée à la réussite de projets, comme l'illustre la place prépondérante des missions et emplois à temps partiel. Dans ce contexte, les ressources qui augmentent le plus la probabilité de réussir une carrière sont désormais des compétences transférables et applicables à différents métiers telles que la connaissance des langues, l'autonomie ou le travail d'équipe. Cela suppose par exemple que les étudiants des filières d'économie et de gestion, qui finiront pour la plupart à des postes managériaux ou à la tête de leur entreprise familiale, complètent leur solide bagage théorique par des formations à l'entrepreneuriat ou en communication.

Un autre enjeu essentiel réside dans les dysfonctionnements structurels du marché de l'emploi libanais, notamment en ce qui concerne la rémunération et le poids de l'économie informelle. Prenons l'industrie créative et culturelle qui connaît des taux de croissance annuelle supérieurs à 20 % et bénéficie désormais d'une manne financière considérable grâce aux initiatives de la Banque centrale. Le fait que l'essentiel de ce secteur repose essentiellement sur du travail informel se traduit à terme par une précarisation de la main-d'œuvre qui entraîne un double effet d'éviction des travailleurs qualifiés vers d'autres secteurs ou pays offrant davantage de perspectives. Il faut donc mener une politique qui réponde à ces effets d'éviction.

 

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