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Liban - TSL

Dans le fond, Rafic Hariri était « pour » la 1559

Les Syriens étaient devenus paranoïaques après l'adoption de la résolution, affirme le témoin.

Hani Hammoud, l’un des principaux conseillers de Rafic Hariri.

« Rafic Hariri approuvait implicitement la 1559. Il était enchanté lors de son adoption. » C'est l'affirmation fondamentale donnée hier par Hani Hammoud, l'un des principaux conseillers de l'ancien Premier ministre assassiné, lors de son témoignage devant le Tribunal spécial pour le Liban (TSL), à La Haye.
Le récit livré par M. Hammoud devait trancher avec ceux des autres « témoins politiques » qui se sont succédé à la barre et qui étaient passés outre le sentiment profond qu'éprouvait Rafic Hariri à l'égard de la résolution du Conseil de sécurité, adoptée en septembre 2004. Le texte prévoyait notamment le retrait syrien et le désarmement des milices. Décrivant l'impact de la 1559 sur le régime syrien et la manière dont il a été perçu par Damas, le témoin a rendu compte de la « paranoïa » qui s'est saisie du haut commandement syrien et de la rancœur ressentie à l'encontre de Rafic Hariri, pointé du doigt comme étant l'un de ses instigateurs.

Le témoignage du conseiller de l'ancien chef du gouvernement a également tranché dans la forme. Ce dernier s'est souvent éloigné des analyses politiques, préférant apporter des informations inédites, comme par exemple l'affaire des roquettes lancées contre la chaîne du Futur.
Se distinguant notamment du chef du PSP, Walid Joumblatt, qui avait laissé entendre que la résolution 1559 dérangeait en quelque sorte Rafic Hariri, M. Hammoud a apporté hier une importante précision à ce sujet, soulignant que bien qu'il approuvait « implicitement » la résolution onusienne et tablait sur elle pour le retrait des Syriens, « il n'exprimait jamais publiquement cette approbation. Il ne se prononçait ni en faveur ni contre la résolution ». Toutefois, a ajouté M. Hammoud, il recourait à des indications tacites pour exprimer son consentement, comme le fait par exemple de réitérer à plus d'une occasion une phrase-clé : « La nécessité de respecter les résolutions internationales et onusiennes. »

 

(Lire aussi : Cheaïb devant le TSL : « De témoin, je suis devenu faux témoin »)


Un autre signe de l'assentiment de Rafic Hariri à l'égard de ce texte était le fait de « laisser faire » les médias proches de sa mouvance politique qui s'abstenaient de commenter négativement la 1559.
Tout en réitérant ce que d'autres témoins avaient dit, à savoir que l'ancien Premier ministre n'a pas pris part à l'élaboration de cette résolution – une « accusation syrienne par excellence » –, M. Hammoud a précisé que Rafic Hariri souhaitait dans son for intérieur le retrait syrien, mais « espérait par ailleurs parvenir au désarmement du Hezbollah par le biais du dialogue et non par la confrontation ». Une position qu'avait véhiculée avant lui Walid Joumblatt devant les juges.
À la fin de l'automne 2004, a poursuivi le témoin, et alors qu'il venait de dépasser un barrage syrien dans la Békaa, Rafic Hariri a lancé un pari à son conseiller : « Dans un an, vous n'allez plus les voir ici. Par la suite, j'ai compris qu'il tablait sur la résolution onusienne », a-t-il dit.

 

(Pour mémoire : Joumblatt devant les juges : Le régime syrien a tué Hariri)

 

Un « procès »
Fait inédit également révélé par Hani Hammoud à la cour, l'incident du tir de roquettes contre les locaux de la télévision du Futur et qui, devait-on apprendre au cours de ce témoignage, ne visait pas le bâtiment abritant la chaîne, mais plutôt le jardin arrière de la résidence de Rafic Hariri à Koraytem.
Le témoin a évoqué à son tour la tristement célèbre réunion de décembre 2003 entre Hariri, Bachar el-Assad et trois officiers supérieurs syriens, au cours de laquelle le président syrien a humilié l'ancien Premier ministre. « Ce n'était pas une réunion, mais un procès, a révélé Hariri à son conseiller. Il m'a dit à plusieurs reprises : "J'ai pensé quitter sur-le-champ, je ne sais pas comment j'ai fait pour rester. J'avais envie de lui dire : Monsieur le Président, vous vous adressez au Premier ministre du Liban. Vous ne pouvez pas le faire sur ce ton." »
Interrogé sur une seconde réunion non moins célèbre tenue à Damas en août 2004, toujours en présence du président syrien, le témoin a repris le récit des menaces proférées à l'encontre de l'ancien Premier ministre sommé de proroger le mandat d'Émile Lahoud. À défaut, les Syriens « détruiraient le Liban sur sa tête ».

 

(Lire aussi : Affaire al-Jadeed : la directrice de l'association Arij invitée par la défense à témoigner)



« Comment le feraient-ils ? »
lui demande Hani Hammoud. Rafic Hariri répond : « Si les Syriens demandaient au Hezbollah d'organiser une manifestation depuis la banlieue sud jusqu'au centre-ville et qu'ils décidaient de placer des tireurs embusqués au niveau de la Cité sportive tuant une trentaine de personnes (...) voilà comment ils détruiraient le Liban. » Hani Hammoud a convenu, affirmant qu'effectivement, cela mettrait le pays à feu et à sang.

Le conseiller de Hariri a relaté par ailleurs l'épisode de la visite professionnelle à Damas de Ali Jaber, un ami proche du témoin qui travaillait à la télévision de Dubaï. Ce dernier a rencontré Bouthayna Chaabane, conseillère du président, Assef Chawkat, ancien chef des SR en Syrie et beau-frère de Bachar el-Assad, Ghazi Kanaan, ancien chef des SR au Liban, et Walid Moallem, ministre des Affaires étrangères. De retour, Ali Jaber a prévenu Hani Hammoud et Rafic Hariri du climat « chargé » qui avait prévalu lors de cette réunion.
« "Ils sont devenus fous et paranoïaques. Ils paniquent et sont prêts à tout. Ils vous ont injurié en chœur, vous ont fait assumer la responsabilité de la 1559 et vous accusent de comploter contre la Syrie", a dit M. Jaber à Rafic Hariri. Assef Chawkat a également dit à M. Jaber que le régime a érigé des fortifications militaires dans les régions alaouites et accumulé des stocks d'armes, et (qu'il) se prépare à une attaque. »
« Durant les funérailles de l'ancien Premier ministre, j'ai croisé Ali Jaber en larmes. Il m'a lancé : "Je vous ai dit qu'ils allaient le tuer" », a relaté M. Hammoud.

 

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